Je n’ai appelé Paulette « Zaza » que de très rares fois. Pour moi, Paulette, c’était Paulette. Je l’ai rencontrée pour la première fois alors que je faisais du théâtre au lycée Pasteur avec Sandrine Monnier qu’elle hébergeait. J’avais tout de suite senti sa bienveillance et son intérêt pour les gens.
J’ai eu la chance de participer à sa campagne législative de 1997 en jeune militant socialiste que j’étais. Je me revois arpentant les routes du canton de Roulans avec Joaquim Ferreira, pour assurer l’affichage et son entretien. Paulette avait la même considération pour les membres de son équipe, quels que soient leurs apports. La tâche qui m’avait été assignée était en outre visionnaire, vu la tâche qui me fut confiée 7 ans plus tard de représenter le PS aux cantonales dans ce même canton de Roulans…
Plus tard, j’ai eu l’occasion de la rencontrer en tant que Président de l’association Aides pour parler des difficultés rencontrées par les personnes séropositives et par leurs proches. Toujours attentive, elle répondait présente à nos assemblées ou nos invitations.
Ensuite, j’ai connu Paulette en tant qu’employeur. Lorsque Nicolas Perrette a décidé d’embrasser une carrière d’entrepreneur avec Simon Vouillot, il lui fallait recruter un nouvel assistant parlementaire en circonscription. Elle m’a proposé le poste que j’ai accepté promptement, connaissant la valeur de l’élue pour laquelle je m’apprêtais à travailler.
Débutèrent quatre années d’apprentissage intensif de la vie politique, de la vie professionnelle, de lassitudes, de colères parfois… Car de telles fonctions ne sont pas un long fleuve tranquille.
Sitôt arrivé à sa permanence que Paulette est nommée au gouvernement. Son travail de terrain, son sens de l’écoute, sa combattivité étaient enfin justement récompensés. Les vieux allaient enfin être écoutés. Le travail d’aide à domicile mieux reconnu. L’APA allait succéder à une Prestation spécifique dépendance inadaptée. Vingt ans plus tard, cette réforme majeure du gouvernement Jospin est toujours en vigueur, preuve de sa pertinence. Les ors de la République peuvent monter à la tête et transformer les gens. Pas Paulette.
Paulette n’a jamais oublié d’où elle venait. Elle est restée fidèle à son territoire. La preuve : dans cette deuxième circonscription du Doubs, réputée de droite, qui lui avait été confiée car non gagnable, Paulette est brillamment réélue en 2002 dans un contexte politique apocalyptique pour la gauche. Elle est la seule rescapée de gauche de ce scrutin sur l’ensemble de la Franche-Comté ! N’oublions pas pour l’occasion son suppléant, Michel Bourgeois, Conseiller général du canton de Marchaux et Maire de Devecey, qui a assuré les fonctions de Député de la circonscription lors du passage de Paulette au Gouvernement.
Pour moi Paulette, c’est une vraie responsable politique. Forte de valeurs solidement ancrées en elle, elle savait mieux que quiconque le chemin parfois sinueux qu’il fallait emprunter pour au mieux les défendre.
Responsable car le parti socialiste bisontin menaçait de se scinder après cette terrible campagne interne fin 2000 qui devait la départager de Jean-Louis Fousseret pour savoir qui mènerait la liste socialiste et d’union de la gauche aux élections municipales de l’année suivante. Sèchement battue, elle doit cependant consoler ses partisans et les inciter à ne pas quitter le navire.
D’aucuns pensent que la création d’EPI, Espace Politique d’Innovation, était une tentative de concurrencer le PS de manière revancharde. C’est bien au contraire un moyen de continuer à construire une pensée de gauche avec des gens dont les opinions vont au-delà des seuls socialistes.
Paulette savait rassembler, dépasser les clivages idéologiques.
Paulette savait également transmettre ses doutes, ses moments de découragement et son stress à son équipe proche. Nous étions en quelque sorte une éponge à stress qui permettait ensuite à Paulette de reprendre sa route et de se consacrer aux autres avec sans cesse la même écoute.
Avec Fabienne et Marie-Édith, nous faisions tourner la permanence de Palente. C’était également avec le soutien de bénévoles très investis tels que Josiane Valony, Jacqueline Cuenot, Louis Martin, Michel Jeanningros ou même Marc Chapelain, ancien Maire et Conseiller général d’Ornans, qui apportait toute son expertise de terrain.
Lors de ses moments d’angoisse, nos réunions de travail se résumaient à une distribution des dossiers qui étaient empilés sur son bureau et qu’elle nous répartissait, après quoi elle estimait avoir bien travaillé et retrouvait un peu de sérénité.
Je me souviens également de certaines expressions, notamment lorsqu’elle nous demandait, à l’occasion de félicitations ou de condoléances, de faire « un mot de [sa] main ».
Ces anecdotes nous amusaient tant l’ambiance qui régnait dans cette permanence était conviviale et que nous y trouvions une réelle solidarité.
Je me souviens également des déjeuners au FJT des oiseaux qui permettaient de rencontrer de nombreuses personnes, d’être au contact des gens, des jeunes, du monde du travail.
Paulette a su mettre en avant les autres, faire se rencontrer les talents, ce qui n’est pas si courant dans le domaine politique.
Elle était à l’écoute des personnes avec lesquelles elle travaillait. Si bien que sur la proposition d’un de ses collaborateurs de l’agence d’urbanisme, l’Audab, est venue l’idée d’un classement de Besançon au patrimoine mondial de l’Unesco, idée folle devenue réalité quelques années plus tard.
Travaillant depuis bientôt six ans au sein du Grand Besançon, j’ai pu mesurer l’importance de l’action de Paulette dans la construction de cette intercommunalité.
Bien qu’ayant eu quelques regrets concernant sa désignation pour les municipales de Besançon de 2001 ou les régionales en Franche-Comté de 2004 (ou la décision de choisir Raymond Forni fut prise dans le bureau du Premier secrétaire du Parti socialiste de l’époque), j’ai surtout beaucoup appris et je lui dois tout ce que je suis maintenant à titre professionnel.
J’ai vu comment cette femme – qui n’a jamais fait de sa féminité un argument de campagne – exerçait son mandat, comment certains à l’époque la prenaient de haut ou avec condescendance et comment elle passait outre, comment elle serrait les dents et essayait d’avancer coûte que coûte quand d’aucuns sous-entendait qu’elle ne serait pas capable de gérer une collectivité avec un budget important… J’ai vu sa loyauté à son parti, mais surtout sa loyauté à ses idées, à ses électeurs, à ses valeurs.
En ces temps troublés mêlés de désillusions, c’est en s’inspirant de son exemple que nous pourrons, peut-être, renouer les liens essentiels entre les citoyens et leurs représentants.
Merci Paulette.