Homélie prononcée aux obsèques de Paulette, 26 Mars 2021
Après lecture des béatitudes en St Matthieu chapitre 5
Neuf fois « heureux » ! Comment peut-on choisir un tel texte pour faire mémoire de quelqu’un dont le départ nous affecte tant ? Choisi par la famille, il nous met d’emblée dans une perspective résolument tournée vers l’avenir… (Chouraqui traducteur juif propose « en avant » « en marche ». C’est ainsi une manière de rejoindre le dynamisme de Paulette que chacun, ces temps-ci, tient à souligner !
L’Eglise, vous le savez, ne peut approuver son geste… mais posons-nous la question : Qui d’entre nous (la famille exceptée peut-être) peut mesurer la souffrance physique et moral d’un être humain? Qui peut mesurer son combat contre la souffrance ?
La souffrance ! Le mot est lâché… Un épisode historique a marqué ma jeunesse et sans doute ma vie de prêtre : au printemps 1968, l’Archevêque de Paris, Mgr Pierre Veuillot, atteint d’un cancer grave à 55 ans, voit sa vie s’en aller et éprouve de grandes souffrances…. Son cri est devenu célèbre : à ses obsèques à ND de Paris, en présence du général de Gaulle, le prédicateur du jour, Mgr Lallier a rappelé ces mots qui m’ont tant percuté : « Nous savons faire de belles phrases sur la souffrance. Moi-même j’en ai parlé avec chaleur. Dites aux prêtres de n’en rien dire ; nous ignorons ce qu’elle est et j’en ai pleuré. »
Face à ceux qui souffrent dans leur cœur et dans leur corps, je suggère deux attitudes : le silence et la compassion :
Le silence d’abord, la présence discrète et silencieuse. Le silence manifeste notre respect. Dans le silence on n’entend plus que l’essentiel. Il est le sanctuaire de la prudence…Ne le craignons pas !
La compassion : un vieux mot qui a mal vieilli (relents de condescendance et de pitié !) Par son étymologie (souffrir avec, compatir) JC Guillebaud, journaliste et écrivain disait il y a peu :
« Une évidence crève les yeux : la compassion est en train de quitter notre monde. Ce qui prévaut dorénavant, et jusqu’à la nausée, ce sont les impératifs comme la compétition, la performance, la « gagne », le record, le dépassement de l’autre, le quant-à-soi, la peur du vis à vis. La COMPASSION n’est pas une gentillesse mièvre. Elle est centrale et permet d’évaluer le degré de civilisation d’une société. » Et il renvoie à Christiane Singer, journaliste, disparue en 2007, qui appelait l’urgence d’aimer, la coopération de l’amour qui seule peut tenir le monde debout.
Et nous retrouvons les béatitudes lues pour cette liturgie : Debout, En avant ! A la suite de Paulette (dont les combats ont marqué la société et le pays tout entier) nous avons à rejoindre ceux que le Christ nous donne en exemple : ceux qui ont faim et soif de justice ; les artisans de paix ; les miséricordieux…. Rester fidèles à la mémoire de Paulette, c’est refuser la fatalité, prendre notre part dans la construction du monde (et il y aura beaucoup de travail à la sortie de la pandémie !) resserrer les liens entre nous.
Comme l’a dit le Pape récemment aux Irakiens dans ce pays en ruines : Ne cessez pas de rêver ! Ne vous rendez pas, ne perdez pas l’espérance ! Du ciel, les saints veillent sur nous Et il y a aussi « les saints de la porte d’à côté » qui vivent proches de nous et sont un reflet de la présence de Dieu. Cette terre en a beaucoup, c’est une terre où les saints, hommes et femmes, sont nombreux. Laissez-les vous accompagner vers un avenir meilleur, un avenir d’espérance. »
Que ce moment passé en cette église de Palente soit pour chacun de nous, croyants ou non, un temps de recueillement, de silence et de paix.