Rencontrer Paulette Guinchard avec son compagnon Denis Pagnier fut pour moi un grand honneur et surtout un échange qui m’a beaucoup appris à mieux comprendre notre société.
Paulette Guinchard était un formidable exemple d’humanité pour une femme politique de son envergure, son premier talent était l’écoute attentive de plus démunis, son deuxième talent était de transformer cette attention en loi fondamental comme la création de l’APA, Aide aux Personnes Âgées, loi fondamentale qui honore notre pays qui se veut si fraternel.
En allant déjeuner avec elle et Denis dans sa maison au fin fond de la campagne, parfois avec un ami comme Christian Berthuy directeur général de la Fondation OVE à Lyon, nous avons échangé sur son rôle de présidente de la CNSA et sa vision des conditions de vie de nos concitoyens vivant avec un handicap. Ce fut pour moi un vrai bonheur de l’écouter, cela a marqué ma vie.
Voici quelques-uns de ces propos.
Oui la loi de 2005 est une loi fondamentale parce qu’elle a reconnu toutes les maladies psychiques et cette reconnaissance est d’une importance capitale, car trop souvent ce sont des maladies qui ne se soignent pas.
Je suis vraiment persuadée également que l’adaptation du poste de travail aux personnes handicapées qui est dans la loi est tout aussi importante. Cela touche toutes les entreprises. Ce qu’on a fait pour l’école il faut le faire pour l’emploi. C’est un exemple qui m’a toujours impressionnée dans les ESAT où la parole de la personne handicapée a été entendue.
Je crois et je suis d’accord sur ce que vous dites sur l’autonomie et le rôle du médecin qui a une énorme responsabilité pour reconnaître les besoins d’autonomie.
Vous voyez bien que l’on touche de près le besoin du minimum à vivre défendu par Benoît Hamon. Je pense qu’il ne faut pas opposer les fragilités entre elles. Et ce n’est pas au médecin traitant de traiter ce sujet mais au médecin des maisons départementales du handicap.
On a beaucoup trop institutionnalisé le handicap et on ne considère pas les personnes handicapées comme des personnes capables de travailler, en particulier les personnes atteintes d’un déficit intellectuel. Or pourtant beaucoup d’entre elles pourraient travailler. On adapte bien le temps pour les examens pour permettre aux personnes handicapées de concourir. En fait vous avez raison c’est toute la société qui doit être concernée.
Construire l’aide à l’accompagnement c’est investir dans l’autonomie de nos concitoyens. Il faut faire confiance à la personne handicapée et la laisser être acteur dans la société.
En fait l’autonomiseur va aider la société à accueillir et à accompagner la personne handicapée. L’autonomiseur va aussi faciliter la formation des personnes handicapées à être accompagnées par des non-professionnels.
Les départements n’ont pas encore compris qu’il faut dépasser le travail d’aide et de financement, en donnant plus accompagnement pour que la personne handicapée retrouve une autonomie aussi petite soit-elle comme vous le dites. La maison départementale du handicap devrait être animateur de l’école de l’autonomie du département. C’est cela qui permettra de sortir du champ du handicap qui est beaucoup trop spécifique.
Je suis d’accord avec vous il ne faut plus que ce soit que le médecin qui soit le seul évaluateur. Il faut mobiliser aussi les professionnels de l’accompagnement et du social. La maison départementale du handicap doit faire travailler ensemble toutes les composantes de l’accompagnement, du soin jusqu’au prendre soin, de l’urgence jusqu’aux gestes les plus quotidiens.
Il faut aussi réfléchir au titre de votre livre qui est très important, « Il n’y a pas de Liberté sans autonomie ». Il faut surtout y penser dans le travail des départements et des bassins de vie où tout le monde doit être concerné.
Le gouvernement a nommé Madame Cluzel comme secrétaire d’État dépendant du Premier ministre. C’est ce que vous vouliez dans votre dernier livre. Mais ce gouvernement doit montrer que le handicap ne dépend pas seulement du secrétaire d’État au handicap mais bien de toute la société et de tous les ministres.
Oui je pense que sans la société il n’y aura pas d’autonomie, et donc tous les ministres dans tous les domaines doivent être guidés par la secrétaire d’État au handicap s’ils en ont besoin.
C’est la grande question qui se pose sur la position de la CNSA dans notre pays. Est-ce un distributeur intelligent certes, mais un distributeur des fonds avec la DGCS ? Ou est-ce le grand animateur de l’école de l’autonomie de la France. Là aussi nous ne sommes pas au clair.
Il faut empêcher que le soin et l’accompagnement soient un obstacle à l’autonomie. Oui je suis d’accord et je trouve que c’est bien de faire une école de l’autonomie car l’autonomie, ça s’apprend, si on a donné envie aux personnes handicapées de devenir autonomes.
Quand je suis devenue Secrétaire d’État aux personnes âgées auprès de Monsieur Jospin, je voulais devenir la Secrétaire d’État à l’autonomie, et Monsieur Jospin m’a dit non. Je lui ai demandé pourquoi : »Tu vas être bouffée par les associations des personnes handicapées. » J’y pense souvent.
Il faut changer de paradigme et clairement identifier ce qui fera vraiment le changement. Je crois que vous n’êtes pas loin de la solution. Vous allez devenir un déclencheur du changement, j’en suis sûre. Travaillons sur les écoles, sur l’emploi, sur les bassins de vie, c’est là qu’on trouvera les déclencheurs.
Je suis intimement persuadée c’est un grain de sable qui va nous permettre d’arriver tout doucement à la situation idéale. La question du grain de sable est très importante pour moi. Il faut trouver des petits grains de sable qui seront les déclencheurs des idées nouvelles. C’est Jean Le Garrec qui disait cela : ce sont les grains de sable qui permettent vraiment le changement. Et on arrive tout doucement à l’idéal ou presque.
Merci Denis de m’avoir invité à parler de Paulette qui est pour moi une personne exceptionnelle qui marquée par une mauvaise maladie qui lui permis de vivre ce pourquoi elle s’est toujours battue de manière digne et profondément humaine.