Marie-Guite Dufay salue la mémoire de son amie Paulette Guinchard
Paulette était mon amie. Elle était « notre » Paulette tant le lien qui s’est tissé entre elle et tous ceux qui ont eu la chance de la côtoyer était fort. Aujourd’hui, le chagrin est immense.
Paulette Guinchard a durablement marqué la vie politique de notre Région. A Besançon, elle a contribué à la construction de l’intercommunalité et très tôt mis l’écologie au cœur de l’action politique. Au niveau national, ensuite, en tant que députée et Secrétaire d’État aux Personnes Âgées, elle a mis toute sa détermination, son dévouement et son énergie pour défendre la cause des personnes âgées, en menant des réflexions et réformes essentielles, dans le cadre du rapport « Vieillir en France » ou avec la création de l’Allocation Personnalisée à l’Autonomie.
Pendant tout ce parcours politique admirable, Paulette Guinchard a été guidée par la volonté acharnée de transformer la vie des gens, en particulier des plus fragiles. Ce parcours, totalement ancré dans les valeurs de la gauche sociale, porte également une marque très personnelle, en rupture avec les codes habituels de la politique : toujours accessible, modeste et naturelle avec son franc-parler, Paulette savait trouver des mots simples et compréhensibles par tous, même pour les sujets les plus complexes, en se posant toujours la question du sens. Ses qualités lui ont valu le respect de tous, y compris de ses adversaires.
Sensible à la place des femmes dans notre société, elle a également toujours veillé à rechercher et à pousser des femmes vers la prise de plus de responsabilités.
Jusqu’au bout, elle a combattu la maladie avec les armes que nous lui connaissons : courage, lucidité et détermination, mais aussi avec l’amour sans bornes de Denis, son mari. Jusqu’au bout, elle a été dans la vie malgré ses souffrances, illustrant cette image qu’elle aimait tant rappeler : « peu importe la taille de la bougie, c’est la flamme qui compte et tant que la flamme est là, il y a de la lumière, de la vie… ».
Pendant toute sa vie, Paulette nous a beaucoup poussé à réfléchir et à repenser notre rapport au vieillissement. Sa décision ultime, le suicide assisté, que la loi de notre pays n’autorise pas, nous invite encore à réfléchir et à avancer pour mieux appréhender la fin de vie en toute dignité, en toute conscience et en toute liberté. Grande leçon de vie ! Admirable Paulette ! »
Communiqué de Presse, 4 mars 2021
Paulette Guinchard nous a quittés après avoir lutté contre la maladie avec toutes les forces que nous lui connaissons : courage, lucidité, détermination et avec l’amour sans bornes de Denis, son mari.
Le chagrin est immense. Paulette était mon amie. Elle était « notre » Paulette tant le lien qui s’est tissé entre elle et tous ceux qui ont eu la chance de la côtoyer était fort.
ADMIRABLE PAULETTE, toute tendue vers les autres, et notamment les plus faibles :
- Admirable, sa simplicité qui instaurait immédiatement un lien de confiance avec tous ;
- Admirables, sa détermination et son énergie qui lui permettaient de faire fi des obstacles, notamment du sexisme ou du mépris ;
- Admirable, sa disponibilité à toute épreuve quand nous travaillions ensemble au Centre d’Information Sur les Droits des Femmes, où elle n’avait de cesse de trouver des solutions aux problèmes d’emploi ou de logement des femmes que nous recevions ;
- Admirable, sa passion pour l’Afrique qui l’amena à organiser de nombreux échanges de coopération ;
- Admirable, son dévouement à la cause des personnes âgées pour trouver les moyens d’accompagner la perte d’autonomie de la façon la plus humaine.
ADMIRABLE PARCOURS POLITIQUE, qui sans plan de carrière, mais guidé par la volonté acharnée de transformer la vie de gens, en particulier des plus fragiles, l’aura amenée de la ville de Besançon jusqu’à des fonctions nationales.
- À la ville de Besançon, Paulette Guinchard a su être pionnière, en matière de politiques environnementales, et a pleinement contribué à la naissance de l’intercommunalité grâce à sa patience, son habileté et son art de créer la confiance.
- À la Région, où elle a siégé comme élue d’opposition pendant deux mandats.
- À l’Assemblée nationale, où elle a été élue députée en 1997, grâce à ses qualités personnelles, mais aussi grâce à la décision du Parti Socialiste d’anticiper pour lui-même la mise en œuvre de la parité en réservant la deuxième circonscription du Doubs à une femme.
Elle choisit alors d’installer sa permanence dans le quartier bisontin de Palente, haut lieu symbolique des luttes sociales.
En tant que députée, elle a forcé le respect de tous, en particulier par son travail autour du rapport « Vieillir en France », qui lui a permis de poursuivre son action au gouvernement, au Secrétariat d’État aux Personnes Âgées avec des réformes qui ont fait date. Lionel Jospin reconnaîtra alors en elle un « concentré d’humanité ».
Après la défaite de la gauche en 2002, elle a été la seule parlementaire de gauche en Franche-Comté à retrouver son siège, ce qui lui a permis d’accéder à la Vice-Présidence de l’Assemblée nationale pendant cet ultime mandat.
Ce parcours riche et intense porte une marque toute personnelle, tranchant avec les codes habituels de la politique : toujours modeste et naturelle avec son franc-parler, Paulette savait trouver des mots simples et compréhensibles par tous, même pour les sujets les plus complexes, en se posant toujours la question du sens.
Rien ne l’arrêta, pendant ses 40 années d’action politique et je me demandais souvent comment elle pouvait tenir sans repos… Quand les premiers signes de la maladie frappèrent, toujours à l’affût pour pousser des femmes à prendre plus de responsabilités, elle me demanda de prendre le relai sur la 2ème circonscription du Doubs. Ce temps de campagne à ses côtés a été tellement riche que je ne me le remémore pas comme un temps de défaite mais surtout comme un temps fondateur pour des engagements ultérieurs.
Admirable parcours de vie face à la maladie, Paulette a déployé une résistance à la hauteur de ce que fut sa détermination tout au long de sa vie. Elle avait coutume de dire « peu importe la taille de la bougie, c’est la flamme qui compte et tant que la flamme est là, il y a de la lumière, de la vie… ». Avec Denis, son roc, dans leur grande maison accueillante de Chaux Neuve, elle nous réchauffait de cette flamme qui puisait sa force dans des trésors de créativité artistique ; et son immense sourire nous accueillait chaque fois que nous franchissions le pas de sa porte.
La flamme jusqu’au bout, la vie jusqu’au bout et, suprême et grande leçon de vie, sa décision d’en finir avec l’insoutenable souffrance, en demandant à Berne ce que la Loi de notre pays n’autorise pas : la maîtrise de son destin en toute conscience, en toute liberté, en espérant que cette ultime décision contribue à faire bouger les lignes.
Texte lu aux obsèques de Paulette, 26 mars 2021
Anecdotes
C’était, à Chapelle des Bois, une de tes promenades préférées depuis Chaux Neuve au lac des Eaux mortes, surtout au printemps quand prairies et tourbières se couvrent d’une floraison aussi abondante que multicolore.
Grâce à ton utilisation résolue des scooters électriques, tu aimais y amener tes amis, faisant fi de ton impossibilité de marcher, et, alors, ton sourire était tel qu’on se prenait à être avec toi, pour quelques instants, dans la légèreté de ces moments suspendus où tu nous montrais les fleurs de ton choix, pour des bouquets et pour des sources d’inspiration de tes innombrables tableaux.
Je crois que les fleurs t’ont aidée dans ta lutte contre la maladie, elles te donnaient des motifs de dessins, peintures, confection d’haïkus et tout simplement de contemplation. Et, comme par hasard, ce n’étaient pas les plus lumineuses, les plus recherchées, qui captaient ton attention, mais les plus sobres, les plus simples, graminées des fossés plus que fleurs des champs.
Pourquoi ne voit-on pas sur nos chemins davantage de personnes handicapées utiliser ces scooters si libérateurs ?
Certes, il fallait de l’audace, mais elle était tellement payante et libératrice : nous t’avons vue pénétrer les chapelles romanes du Brionnais sans te laisser arrêter par les quelques marches d’entrée, nous t’avons vu arpenter les combes enneigées avec résolution tandis que nous n’en menions pas large car la batterie nous semblait à bout de souffle, et, sans ton scooter de voyage, donc pliant, tu n’aurais pas pu aller au bout de ton mandat de la CNSA.
Tu étais une grande lectrice, poussée par ta curiosité insatiable et tu as lu jusqu’ au bout, grâce à ta tablette qui ne te quittait pas.
J’ai deux souvenirs particuliers à propos de livres que tu m’ a recommandés ; d’ abord, c’ est le souvenir de SEGOU, saga africaine écrite par Maryse Condé, je crois que tu aimais le faire connaitre car il témoignait d’ un passé africain, celui des royaumes d’avant la colonisation, où richesse des relations humaines et paix faisaient bon ménage ; un passé qui te fascinait, comme t’ont fascinée les femmes et les hommes de Cote d’ Ivoire, du Mali et du Burkina Faso ; l’ autre livre un peu culte pout toi a été « LE METIER D’HOMME » d’ Alexandre JOLLIEN, handicapé de naissance, devenu écrivain et professeur de philosophie et dont tu partageais tout le code de valeurs inscrit dans un profond humanisme, dont tu admirais la façon dont il transcendait sa fragilité, en une force à toute épreuve ; je l’ai lu, sur tes conseils, avant que la maladie ne se déclare pour toi et je ne me doutais donc pas que le chemin tracé par cet homme préfigurait un peu le tien, un chemin fait de persévérance, écartant toute expression de colère ou d’ amertume et porté par la bienveillance ;nul doute que tu étais complétement en phase avec cet homme d’ exception qui professait la richesse de toute personne, rejetait les jugements blessants et les préjugés face au handicap