J’étais Directeur Général Adjoint des services techniques de la Ville de Besançon quand j’ai rencontré Paulette Guinchard-Kunstler pour la première fois, au printemps 1983. Une jeune femme m’avait été présentée par Bernard Girardot, qui terminait son mandat d’adjoint PSU à l’environnement, comme quelqu’un avec qui j’aurais sans doute à travailler, si les élections municipales se déroulaient comme attendu. « J’espère que ça ne vous gêne pas » m’avait-il dit. Cet entretien a duré une demi-heure. Elle a bien parlé, sans cacher son accent local, et surtout elle a écouté. Elle s’est imposée naturellement. Il faut dire qu’à l’époque les élus de poids étaient plutôt des hommes et dans les services techniques, la féminisation débutait, non sans difficulté. J’ai d’ailleurs souvenir de deux agents des Espaces Verts qui étaient venu me voir à mon bureau pour me signifier qu’ils n’accepteraient jamais de travailler sous l’autorité d’une femme.
Une fois élue, celle qui était rapidement devenue Paulette, s’attaqua à de nombreuses tâches. Elle ne tarda pas à nous surprendre en nous demandant de travailler sur le bruit dans les écoles, du fait de la circulation routière et dans les cantines. Nous avons construit un mur anti-bruit en haut de Fontaine-Ecu près du boulevard et démarré des améliorations dans les cantines. C’était nouveau pour nous car à cette époque, on ne s’imaginait pas le « bruit » comme une catégorie de « l’environnement ».
Nous avions un service des Espaces Verts innovant avec un directeur, Pierre Contoz, eu une adjointe, Michèle Mouneyrac très volontaire pour les innovations. Il a été facile de se lancer dans la suppression progressive des produits chimiques, avec traitement manuels, élevage d’insectes utiles, le feu, etc., et surtout la formation des agents.
L’énergie était dans son portefeuille, et c’est un sujet qui l’enflammait. Notre parc de chaudières fioul était à bout de souffle et, quelques années après le second choc pétrolier, tout nous incitait à changer de sources d’énergie. Paulette déclara vouloir transformer des chaufferies vers le charbon (à l’époque, le charbon faisait partie des alternatives encouragées en France et soutenus politiquement et financièrement) et surtout vers le bois, une énergie renouvelable. Sur ce point, elle n’obtint pas gain de cause : les services préfèreraient, et de loin, une solution présentée comme simple, souple et pratique, le gaz naturel, arguant de surcroît que la pollution urbaine en serait réduite. Elle eut beau argumenter que le directeur du service, Henri Schneider, se chauffait au bois chez lui, c’est un programme complet de transformation des chaufferies municipales vers le gaz naturel, sous l’impulsion de l’adjoint aux finances, Jean Boichard, qui fut adopté. Parallèlement une télégestion des chaufferies, très en pointe à l’époque, fut mise en place, le tout concourant à des économies d’énergies substantielles. Il a fallu former le personnel à de nouvelles tâches. Paulette a su là encore écouter les différents points de vue.
Lorsque, en 1989, elle débuté son deuxième mandat d’adjointe, j’ai découvert une femme qui avait beaucoup grandi, j’ai vu émerger en elle une « dame », une « cheffe ». Sur le sujet de la création du District, forte d’un mandat de Robert Schwint qui lui a fait confiance (ainsi que d’un accord du Maire avec Claude Girard, alors Président du Conseil Général du Doubs, garantissant que ce serait toujours le Maire de Besançon qui présiderait le District), elle prit le leadership du processus jusqu’à la création du District. Les obstacles ne manquèrent pas, tant avec certains élus des communes périphériques qu’au sein des élus et de l’administration de Besançon. Là encore, elle a beaucoup écouté et le Maire a écarté ceux qui lui faisaient obstacle.
Ce rôle de leadership, j’ai pu en prendre également la mesure au plan international. Quand nous avons travaillé à la création d’Energie-Cités, c’est elle qui dans les réunions internationales du groupe de préfiguration, pris l’initiative. J’ai particulièrement le souvenir d’une réunion à Berlin. Elle acquit la légitimité pour être l’élue qui lança en février 1992, depuis Mannheim, l’appel à créer un réseau de villes européennes conscientes de la nécessité d’agir dans le domaine énergétique. Je le remarquai également à Bielsko-Biala, en Pologne, où elle conduisit notre délégation à la première rencontre des villes polonaises pour la maîtrise de l’énergie, où fut lancée l’idée de créer un réseau de villes polonaises dédié (ndlr : ce qui se produisit en 1994 et perdure en 2021). Elle était vraiment l’animatrice de notre groupe. Sur le retour, passant par Prague, elle nous dit : « on s’arrête » et on a visité la ville durant cinq heures. En parallèle, une coopération concrète avait débuté avec Bielkso Biala, conduite par les services techniques, sur l’éclairage public dans cette ville, puis dans la foulée à Bistrita en Roumanie où fût réalisée la première rénovation d’éclairage public dans ce pays. A chaque fois des visites sur place de spécialistes motivés – et fiers – de la municipalité bisontine.