L’image de ma mère est celle d’une femme politique forte qui défendait ses idées. Cette image est assez éloignée de celle que j’avais d’elle durant mon enfance avant son entrée dans la politique au niveau national. A cette époque, je la voyais simplement comme ma maman, qui était toujours prête à m’emmener en vacances avec mes cousines et cousins ou avec des copains. Je la voyais comme une maman qui ramenait souvent ses innombrables et bruyantes copines à la maison pour des discussions sans fin.
A la maison, j’avais souvent l’impression de voir ses fragilités, et les doutes qu’elle avait sur ce qu’elle faisait. Pourtant, elle m’a montré qu’il était possible de construire sa force et sa détermination pour faire avancer ses idées tout en acceptant ses doutes. J’ai l’impression que le fait d’accepter ses doutes cela lui permettait de vraiment écouter les autres. Cela lui permettait de faire avancer ses idées en construisant avec les idées des autres sans s’engluer dans une vision préconçue des choses.
Le fait d’avoir une grande force et une grande détermination tout en acceptant ses propres faiblesses explique aussi sa volonté de défendre les vieux (comme elle les appelait) et les handicapés. Car elle ne voyait pas en eux, leurs fragilités, mais tout ce qu’ils peuvent apporter de positif à notre société.
Une autre facette de ma mère, qui est, je pense, évidente pour toutes les personnes qui l’ont connu, c’était sa joie de vivre et sa capacité à s’émerveiller sur tout. Combien de fois est-ce que je ne l’ai pas entendu s’exclamer « Oh c’est superbe » que cela soit pour un foulard rose bonbon, pour un champ avec des vaches dans le Haut Doubs ou pour les couleurs d’un marché africain.
Avec ma cousine Rose-Marie on la taquinait souvent sur son expression favorite. Elle avait aussi parfois une certaine impertinence assez enfantine. Je me souviens par exemple de l’avoir vu tirer la langue à des inconnues en costume dans un des ascenseurs de l’assemblée nationale. Elle aimait vraiment bien cela tirer la langue, elle était par exemple très contente de montrer à ses petites filles les exercices d’orthophonie où elle devait tirer la langue. Et surtout elle ne faisait pas vraiment attention aux conventions, que cela soit pour mélanger les ingrédients de cuisine les plus étranges comme ce gâteau courgette et chocolat qu’elle avait voulu faire gouter à ses petites filles ou quand elle décidait d’inventer des poèmes sur les idées qui lui passaient par la tête.
Bien sûr sa joie de vivre est devenue encore plus grande quand elle a rencontré Denis. Et avec Denis cette joie de vivre ne l’a jamais quittée. Même à la fin quand sa maladie était devenue trop dure à supporter et qu’elle a décidé de partir je crois que cette joie de vivre et cette impertinence sont restées avec elle jusqu’au bout.
C’est sa joie de vivre et son impertinence que j’aimerais que vous gardiez comme souvenir d’elle aujourd’hui.