Pour moi, Paulette a toujours été Zaza.
Ce n’est que récemment, par ce qu’a dit son frère Paul lors de ses obsèques, que j’ai compris l’origine de son petit nom.
Dans les liens qui se sont tissés au fil des ans, démêler ce qui relève de l’engagement militant, de l’amitié ou des temps partagés à l’époque où nous étions jeunes parents est difficile.
Parmi d’autres, émergent deux souvenirs forts : la vie à Planoise dans les années 70-80 et la création d’EPI.
Celui concernant Planoise est sans doute enjolivé puisqu’il a trait à une période où j’étais plus jeune. Mais je crois que le Planoise de cette époque était un quartier où il faisait bon vivre.
Autour du « terrain d’aventures » Epoisses, des écoles Bourgogne et Champagne, de la place Jean Moulin, habitaient nombre de militants ou de sympathisants du PSU et de la CFDT. Les associations comme la FCPE, la CLCV ou la CNL étaient bouillonnantes d’activités. Les engagements étaient mêlés. Zaza vivait dans ce « chaudron ».
Pour nos enfants, le cadre de vie était rassurant, sans besoin d’une surveillance excessive. La proximité des lieux d’habitation, des écoles, de la crèche, les liens de confiance entre nous, tout cela autorisait chacun à se sentir en charge des enfants des autres quand il le fallait.
Georges, le fils de Zaza et de Jean, en a bénéficié également. Utile avec des parents militants, d’autant que Zaza est devenue adjointe au maire en 1983…
Contrairement à Zaza, entrée au PS en 1986, je n’ai fait que quelques brefs passages dans ce parti, préférant l’engagement syndical où les enjeux de pouvoir sont moindres. Quand elle a été candidate à la succession de Robert Schwint pour les municipales de 2001, j’ai adhéré pour la soutenir.
Peu passionné par les bagarres d’appareil, j’ai peu de souvenirs de la campagne interne qui opposa Jean-Louis Fousseret et Zaza. J’ai pourtant encore en tête le débat entre les deux postulants devant la section du Parti socialiste dans une salle comble.
Forcément partial, j’ai trouvé Zaza brillante, avec une vision pour Besançon, une vision sociale et inscrivant le développement de la ville dans un cadre régional plus large. Son concurrent m’a paru plus laborieux (j’assume ma mauvaise foi …) mais utilisant habilement le verbe de gauche qui plait tant aux adhérents. En caricaturant à peine, une gauche de proclamation d’un côté, une gauche plus tournée vers la transformation du réel de l’autre…
C’est de cet échec qu’est né EPI ou plutôt l’idée de la nécessité, à Besançon, d’un lieu de réflexion non partisan, autour de la conception de l’engagement politique qui était celle de Zaza.
Dès le début, beaucoup ont prêté à EPI des intentions qui étaient très éloignées des siennes : machine de guerre contre la municipalité, instrument de conquête du pouvoir au sein du PS, etc.
Pourtant on était très loin d’un complot.
Je me souviens d’un repas (sans doute chez Zaza) où ses proches faisaient avec elle le bilan de son échec lors de sa candidature. Des aspects organisationnels et politiques ont été abordés.
Revenait surtout la difficulté qu’il y avait, au Parti socialiste, à penser à haute voix, à faire part de ses réflexions et de ses doutes sans apparaitre inféodé à un camp ou appartenant à une tendance.
C’était l’époque de la gauche plurielle, du gouvernement Jospin. Les partis politiques de gauche avaient été efficaces pour conquérir le pouvoir. Ils montraient leurs limites dans la conduite d’une réflexion collective.
Cette envie de confronter les regards, de débattre, de faire réfléchir ensemble des militants politiques, des responsables associatifs, des syndicalistes, des citoyens curieux s’est affinée et concrétisée en 2001 par la création d’EPI (qui a failli s’appeler EPINE …).
Même si Zaza a permis et facilité cette création (les premiers CA se tenaient dans sa permanence place des Tilleuls, ses attachés parlementaires y étaient actifs), il n’y a jamais eu de lien de subordination.
Beaucoup d’hommages ont rappelé l’action politique, son bilan et les qualités humaines de Paulette. J’ajouterai pour ma part son goût pour les débats d’idées et la nécessité pour elle, de toujours confronter la production intellectuelle et les pratiques de terrain. S’y astreindre pour soi-même, c’est lui manifester une forme de fidélité…