Pour esquisser qui était Paulette, quelle belle personne c’était, quelques souvenirs, quelques évènements, sans importance, mais bien significatifs.
La fidélité en amitié
Un dimanche matin vers 9h, un appel téléphonique de Zaza.
« Dominique, il faudrait que j’aille à Lille déjeuner avec Martine AUBRY, nous voulons à quelques-uns lui témoigner notre soutien dans les difficultés qu’elle rencontre. Est-ce que tu peux m’emmener ? »
« Euh oui bien sûr mais je ne suis pas prêt ! »
Bref je passe la prendre à 10h30 chez elle et en route pour Lille. J’avais une Xantia à l’époque, grosse berline mais malgré tout, Lille c’est loin ! C’est quand même 550 km et 6h de route normalement.
Exceptionnellement, j’ai roulé très vite et nous sommes parvenus à arriver en cours de repas. La place de Zaza était réservée au milieu des nombreux ministres, surtout des femmes.
J’ai pour ma part déjeuné avec des attachés de communication, ce qui m’a permis de constater que les collègues de Zaza n’avaient pas tous la même considération qu’elle pour les contacts populaires.
En fin d’après-midi, nous avons repris la route, plus tranquillement cette fois, pour arriver vers 23h à Besançon. Bilan : 11h de route et 1100 km parcourus ce dimanche. Un dimanche bien rempli pour « simplement » donner un signe d’amitié fort à Martine.
Elle était comme ça Zaza : une fidélité sans faille dans l’amitié, et une présence discrète mais chaleureuse quand il le faut.
Le plaisir d’être ensemble
Un dimanche encore Zazza me propose d’aller à la fête du vin à Lods. J’acquiesce car je connais mal l’histoire du vin dans cette vallée de la Loue. Ma première surprise fut la découverte d’une photo de la vallée au 19e siècle avec les pentes couvertes de vignes, comme en Suisse. Jamais je n’aurais pensé à un tel développement du vignoble à cet endroit. C’est un choc cognitif.
La seconde surprise, ce fut de voir Zaza au contact des personnes présentes pour cette fête en extérieur : tout le monde la connaissait, elle était chez elle ! Tous étaient ses cousins ou ses cousines. Je pensais qu’il n’y avait qu’en Corse qu’il y avait tant de « cousins ».
Et Zaza a passé l’après-midi à parler avec tout le monde avec un réel bonheur. Elle était parmi les siens. Elle écoutait, commentait, enregistrait. Pour elle, pas question d’aller « rencontrer le peuple » comme certains élus le formulent aujourd’hui, il s’agit simplement de rencontrer des personnes dont elle se sent proche et d’écouter, quelquefois de raconter : ses missions, sa place.
Elle était comme ça Zaza : être parmi les gens n’est ni une obligation, ni un passage obligé du politique, c’est un plaisir, c’est passer un bon moment, c’est se ressourcer et se détendre.
L’Afrique
Un jour où nous étions partis marcher, Zaza me demande de mes nouvelles. Je raconte mes petits soucis et mes ennuis. Alors elle me répond, gentiment : « arrête de te plaindre ! Nous avons des problèmes de riches. Je rentre du Burkina et je t’assure que les problèmes de pauvreté c’est autre chose ! ».
La relation qu’elle entretenait avec l’Afrique, ce n’était pas seulement une série d’actions (dont d’autres ont très bien parlé ici), c’était aussi une puissante source de décentrement pour ne pas faire d’ethnocentrisme et surtout mettre en perspective des réflexions de vie quotidienne.
J’ai toujours retenu cette façon de penser. Elle permet de toujours trouver le bonheur dans la vie même si elle ne correspond pas à ce qu’on en rêve.
Elle était comme ça Zaza : toujours à se réjouir de ce qui est bon dans le quotidien, malgré les vicissitudes et la férocité potentielle de la vie politique.
Action engagement
L’irts de Franche-Comté s’était grandement développé et nous atteignions à l’époque les 1000 étudiants, sans compter la formation continue. Nos locaux de la rue Léonard de Vinci, dans les rez de chaussée et sous-sols d’un HLM étaient beaucoup trop petits et nous devions louer des salles à proximité, voir chez des confrères.
Les élus des différentes instances régionales étaient au fait de la situation, mais un premier tour de table n’avait rien donné, car nous arrivions après la finalisation du contrat de plan état région. J’avais compris qu’il fallait impérativement démarrer très tôt les démarches pour être inscrit dès le départ dans le contrat suivant. La ville nous avait « vendu » un terrain à Planoise pour un euro symbolique. Après avoir demandé une audience auprès du Préfet de région Claude Guéant, j’en ai parlé avec Paulette pour recueillir ses conseils.
Et là, elle me dit « j’ai rdv avec lui dans la semaine, je vais essayer de lui en parler. ».
Lorsque nous avons rencontré le Préfet avec le président Maurice Saclier, nous avons eu la surprise de rencontrer un homme convaincu par le dossier et par la nécessité de donner au travail social une plus grande visibilité à travers les locaux de son institut régional. C’est tout juste si ce n’était pas lui qui voulait nous convaincre du projet !
Bien sûr, nous avions envoyé un dossier solide sur le projet, mais il est certain que l’intervention de Paulette a été déterminante pour l’adhésion de Claude Guéant. Maurice Saclier en a d’ailleurs fait part au conseil d’administration.
Elle était comme ça Zaza : une fidélité dans ses engagements, une action simple, mais déterminée et déterminante.
L’action politique et la participation de la société civile
« Ce schéma s’attache également à coordonner les différentes filières de formation des travailleurs sociaux, notamment avec l’enseignement supérieur, et favorise le développement de la recherche en travail social. »
Cette petite phrase issue de la loi d’orientation du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions a une histoire. Une belle histoire…
Le projet de loi comportait plusieurs passages importants pour le cadrage juridique des formations sociales. Plusieurs aller et retours entre le cabinet ministériel et les organisations représentant les centres de formation avaient permis une négociation intelligente qui donnaient satisfaction à tous. Mais, coup de théâtre, au moment de la présentation à l’assemblée, la référence à la recherche avait disparu. Après discussion avec Paulette, convaincue de l’importance de la recherche, elle nous a proposé de se charger de négocier avec le cabinet, le dépôt d’un amendement. L’enjeu était simple : la recherche, oui mais le financement de la recherche non !
Nous nous sommes retrouvés, mon collègue Jean-Pierre Blaevoet et moi-même, avec Paulette un soir dans son bureau de l’Assemblée nationale pour rédiger l’amendement.
Paulette nous dit : « Bon les grands, moi j’ai fait mon travail, j’ai négocié l’amendement, maintenant à vous de faire le vôtre et de l’écrire ».
Il nous a fallu plus d’une heure pour trouver la formulation qui puisse être acceptée par le cabinet de la ministre et qui garantisse l’existence de la recherche en travail social. L’amendement est passé et, à ma grande surprise, j’ai retrouvé dans le texte de loi promulgué, la phrase telle que nous l’avions rédigée C’était une grande fierté d’avoir participé à ce petit point d’histoire et c’était aussi un bonheur que cette expérience directe de la démocratie.
Elle était comme ça Zaza : la participation des citoyens à la vie politique n’est pas une posture politicienne, c’est simplement l’évidence de trouver les ressources d’expertise là où elle se trouve. Efficacité et simplicité.
« Je voudrais simplement vous dire »
Paulette commençait souvent une intervention improvisée par ces mots. Mais c’est aussi la façon dont elle a conclu sa vie. Quelle volonté admirable de vouloir transformer une fin de vie difficile en un dernier acte politique fort.
En choisissant de mettre elle-même un terme à sa vie en Suisse, elle a « simplement voulu nous dire » combien il était nécessaire de poursuivre la réflexion sur le sujet.
Pas de démonstration, juste un acte incontournable.
Au revoir Paulette et merci.
Elle était comme ça Zaza : une femme debout tout simplement.