Paulette, qu’on imagine la malice dans le regard, a lâché un jour devant un journaliste : « Je suis le seul ministre qui sait traire les vaches ». La formule a fait sourire, parfois avec un zeste de condescendance, mais pour celles et ceux qui la connaissaient, cette apparente plaisanterie allait très au-delà du simple trait d’esprit.
La jeune Zaza avait appris à traire les vaches. Madame la ministre savait s’en souvenir. Elle le savait techniquement, c’est comme le vélo et ça ne s’oublie pas. Elle le savait politiquement, n’ayant jamais varié d’une ligne. Par-dessus tout elle le savait humainement, car elle avait beaucoup appris mais rien oublié, ni personne, et jamais elle ne s’était perdue de vue.
Parmi toutes ses qualités, la fidélité à ses convictions, l’opiniâtreté, le pragmatisme et une immense intelligence des choses et des gens, cette capacité inoxydable, cette constance, à être toute elle-même et rien qu’elle-même tout au long de son parcours rendaient Paulette irrésistiblement attachante.
Certains ont connu la jeune apprentie virevoltant « à sauts et à gambades » dans les rayonnages de sa librairie bisontine. D’autres ont été les complices de ses combats politiques, assortis de leur lot de bonheurs et de déceptions. Celles de Safran ou du « groupe des neuf » – où on phosphorait dur pour se colleter avec un réel rugueux – ont inventé et ri avec elle. D’autres encore l’ont côtoyée officiant sous les ors de la République et ferraillant ferme pour que soit mis en œuvre ce à quoi elle croyait profondément depuis toujours. Quelques-uns n’ont été « que » ses amis. Toutes, tous ont fréquenté une seule et même femme : simplissime, directe, carrée, chaleureuse et de plain-pied. Inchangée parce qu’inchangeable, inrayable, comme on le dit du diamant.