J’ai rencontré Paulette Guinchard (elle est toujours restée pour la famille notre amie Zaza) alors qu’elle travaillait à la librairie Camponovo, rue Jean-Jacques Rousseau à Besançon. Elle aura gardé de cette proximité avec les livres une passion dévorante pour la lecture.
Paulette avait une personnalité aussi forte qu’attachante, qui ne laissait personne indifférent. Et que l’on soit sous le charme ou non, peu lui importait : elle dominait naturellement les échanges. Elle était déjà une militante aguerrie qui savait affirmer et défendre ses convictions sociales – rapidement devenues convictions politiques –, forgées dans les rigueurs de son enfance à Reugney dans le Haut-Doubs. Après son emploi chez Camponovo, elle travailla à l’hôpital de Novillars en qualité d’infirmière et se mit au service des personnes âgées. Ce fut pour elle la révélation d’une vocation qui ne la quittera plus.
Son parcours, qui la mènera aux plus hautes responsabilités de l’État, est connu. Je n’y reviendrai pas. Ce qui l’est moins, en revanche, c’est l’attachement qu’elle pouvait prodiguer aux autres, sa curiosité et son attention à la vie d’autrui.
Le métier de diplomate qui a été celui de mon épouse et le mien pendant plus de quarante ans aura été pour Zaza l’occasion de venir nous rendre visite – parfois plusieurs fois — dans chacun des postes que nous avons occupés. La culture et la vie des gens d’autres continents la passionnaient, leur manière de résoudre leurs problèmes sociaux, leur aspiration à la paix. C’est ainsi que Paulette est venue au Pérou, à Cuba, en Sierra Léone, au Canada (où vivait aussi l’un de ses frères), à l’Île Maurice, en Inde (avec le couple De Sury), au Burkina Faso, au Congo Brazzaville — pays alors en guerre civile ouverte –, à Madagascar, mais aussi à Paris lorsque les hasards des affectations nous y avaient envoyés…Partout elle se sentait chez elle : « rien de ce qui est humain ne lui était étranger ». Elle approchait chacun avec un naturel si désarmant qu’elle se faisait rapidement adopter.
C’est au cours de son séjour à Ouagadougou, au Burkina Faso, qu’elle mit la dernière main à son projet d’« Allocation Personnalisée d’Autonomie » dite « Loi APA ».
Zaza ne manquait pas non plus de venir avec son fils Georges nous rendre visite dans notre maison jurassienne de Villevieux lorsque nous étions en congés. Elle nous disait s’y ressourcer, loin de ses tracas d’élue ; elle cuisinait, elle herborisait. Elle nous parlait paysage avec son approche de fille de la campagne.
De notre côté nous allions aussi la voir à Besançon. Zaza eut la très grande gentillesse d’accueillir dans son appartement bisontin notre fille Sandrine lorsqu’elle dut accomplir sa terminale au Lycée Pasteur. Plus tard, Sandrine fut (brièvement) l’une de ses assistantes parlementaires.
Paulette, surtout, a fait preuve du plus grand des courages. Ce vrai courage qui consiste à affronter avec dignité les épreuves, même sans espoir, comme celle de son affection, dont elle savait parfaitement ce qu’elle était et dont elle en connaissait l’issue inéluctable. Elle aura mené sa fin comme elle a mené sa vie : avec une totale détermination.