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Brigitte Louvet

Paulette Guinchard… Ah oui, Zaza !

C’est avec ce surnom que je l’ai connue quand elle travaillait chez « Campo » avec ma sœur. J’avais une quinzaine d’années peut-être.

1984 : j’ai 28 ans, je suis dans la salle des mariages à la mairie de Besançon. Monsieur le Maire ne devrait pas tarder, la porte s’ouvre… c’est Paulette Guinchard qui entre avec un grand sourire et son ruban tricolore qui lui barre le buste. Je suis surprise et ravie ; loin d’avoir un discours un peu banal, c’est avec des mots émouvants, chaleureux, justes et sincères qu’elle nous touche. J’ai eu bien du mal à retenir mes larmes. Merci, Zaza, pour ces paroles qui sont allées droit au cœur.

Les années passent, et ma mère devient un relai de terrain pour les personnes âgées. Elle était même un peu étonnée et surprise que Paulette soit si proche et attentive à ce qu’elle lui disait. Et quand ma mère évoquait ses échanges avec Paulette c’était toujours avec beaucoup d’estime et de respect.

Paulette a marqué des étapes importantes dans notre famille tout au long de notre vie, et toujours avec beaucoup de simplicité et sincérité.

Marie-Anne Montchamp

Paulette GUINCHARD, c’était l’engagement !

Un engagement, militant et syndical, qui s’est construit depuis sa jeunesse dans ses terres du Doubs. Des Jeunesses agricoles catholiques à la CFDT. Paulette GUINCHARD a connu l’engagement syndical et l’a fait vivre tout au long de son parcours politique et personnel. Quand nous échangions ensemble, elle s’y référait toujours. C’est la source et l’ancrage de ses convictions.

On rencontre au cours de sa vie des femmes et des hommes engagés, qui portent des idéaux, qui projettent une vision et une ambition pour notre société. Pour moi, alors que nous étions issues de deux familles politiques différentes, Paulette était une de celles-là.

Paulette GUINCHARD a marqué son passage par des avancées majeurs pour notre système de protection sociale contemporain. Nous les lui devons ! Récemment nous avons fêté les 75 ans de la Sécurité sociale ; Paulette a été l’un des architectes, des concepteurs, des promoteurs d’une vision avancée de notre modèle social. Rendons lui hommage pour cela.

Je souhaite, en cette occasion, vous faire part d’un souvenir personnel celui de Paulette GUINCHARD dans l’hémicycle, à 2 heures du matin, quand nous bataillions pour la loi du 11 février 2005. Paulette ne lâchait rien. Les amendements qu’elle portait étaient de ceux qui comptent et font avancer un texte. Ils ne résistaient pas aux postures politiciennes ! Et Paulette, depuis les bancs de la gauche, interpelait le gouvernement sans relâche dans l’intérêt général.

C’est là l’origine de notre amitié politique et d’engagement et de notre estime mutuelle.

Enfin, Paulette GUINCHARD, c’était l’engagement personnel, l’engagement d’une femme sensible, ouverte, courageuse, pétillante, qui savait lucidement ce que la maladie et le handicap impliquaient pour elle. Elle avait la générosité de la reconnaissance immense envers ses proches qui lui permettaient d’être elle-même et de faire ses choix, choix d’engagement et choix de vie !

En mon nom et au nom du Conseil de la CNSA, en lien avec Philippe Pichery qui y siège comme vice-président aujourd’hui, je veux citer un couplet souvent oublié de notre hymne national … Ce couplet, plein d’humilité, nous rappelle que « nous entrerons dans la carrière quand nos aînés n’y seront plus » et que nous formons au fond une longue chaîne de l’engagement républicain.

Odile Agnani

Paulette Guinchard a été membre d’honneur de notre association Des Liens Par l’Art. Elle nous a soutenue dans notre choix d’aller vers les personnes éloignées du monde vivant des arts.

Je suis triste de son départ. Je salue son courage et sa volonté de faire percer ses idéaux jusqu’au bout du possible.

AUDAB

Figure de la vie politique de Besançon et de sa grande agglomération, ancienne secrétaire d’État aux personnes âgées, Paulette GUINCHARD a présidé l’AUDAB, l’agence d’urbanisme Besançon centre Franche-Comté, à la suite de Monsieur Robert SCHWINT.

L’AUDAB retiendra de cette grande dame, bien-sûr, la force et la détermination avec laquelle elle a initié puis porté le projet, un peu fou, comme le titrait les journaux de l’époque, d’inscription des fortifications VAUBAN de Besançon au Patrimoine Mondial de l’UNESCO ; mais aussi et surtout son humanisme, sa gentillesse, sa bienveillance et son dévouement pour les autres.

Elle était une présidente d’agence très proche de ses salariés, grands et petits, en témoigne sa douce présence à l’occasion notamment des arbres de Noël dans les locaux de l’Hôtel Jouffroy.

Chacun de nous était fier d’appartenir à son environnement et au sens qu’elle donnait à la vie, de la petite enfance aux personnes âgées, sujets qui lui tenaient à cœur et qu’elle a confiés à l’AUDAB pendant sa présidence.

Paulette GUINCHARD a porté le projet de l’agence d’urbanisme et son empreinte personnelle fait éternellement partie de l’ADN de l’AUDAB.

L’AUDAB est ce jour, et pour de nombreux jours, en deuil et tient à adresser ses sincères condoléances à la famille et aux proches de Madame Paulette GUINCHARD.

Extrait du discours inaugural de Madame Paulette GUINCHARD lors de l’emménagement de l’AUDAB à l’hôtel Jouffroy, le 6 décembre 2004.

« Faisant nôtre la devise d’Antoine de Saint-Exupéry « Dans la vie il n’y a pas de solutions, il n’y a que des forces en marche : il faut les créer et les solutions naissent », nous voulons passer à la vitesse supérieure par une professionnalisation de l’équipe et par un développement de nos actions d’observation, de prospective et d’assistance aux communes.

Je veux créer, ici même, une pépinière d’idées prospectives et d’observation territoriale, un lieu d’excellence pour une meilleure aide à la décision de nos élus.

Vous saurez qu’à l’agence d’urbanisme il y a des femmes et des hommes de tempérament qui ne s’inclinent pas devant la difficulté. Vous saurez qu’ici l’on a la résistance dans l’âme et dans la tâche.

A vous tous qui m’écoutez, sachez que l’AUDAB mérite son ambition, qu’elle est l’héritière de vos décisions et, qu’à ce titre, elle doit regarder son avenir avec détermination telle une architecture pointée vers le ciel, signe d’élévation ; renvoyant son éclat, signe de réflexion, pour réussir le rayonnement et l’attractivité de notre agglomération. »

Monique Bachelier

Son combat pour le droit des femmes.

Toute sa vie elle a combattu pour l’égalité femmes-hommes.

Je l’ai rencontrée dans les années 1975 lors de la création du Centre Régional d’information des droits des Femmes (CRIDF) qui a succédé au CIF à Besançon. Elle était secrétaire générale de l’association dont la présidente était Janie Devèze. Marie-Guite, Paulette et moi avons participé à la création du CRIDF et de là est née notre amitié indéfectible, sympathie entre féministes, avec le même désir de participer à l’émancipation des femmes et à leur responsabilisation.

En 1988, à Besançon, c’est Paulette qui organisa des journées d’information et de conférence : « s’épanouir au-delà de 50 ans » « comment réussir ma retraite ». Thèmes fort peu abordés jusque-là !

En 2012, elle a répondu avec plaisir à mon invitation à participer aux 20 ans du CIDFF du Jura, que j’avais organisé à Lons-le-Saunier, en compagnie de l’équipe militante rocardienne, féministes de la première heure : Michèle André, ancienne ministre aux droits des femmes, Marie-Claude Veyssade, parlementaire européenne, Marie-Guite Dufay, Présidente de la Région Franche-Comté et Françoise Laurent, élue grenobloise.

A ce moment, elle était déjà très fatiguée, ne pouvant rester debout. Elle ne faisait pas secret de sa maladie dégénérative, voulant montrer qu’elle restait forte mentalement. Son esprit n’était pas du tout affecté et elle restait toujours aussi combattive.

En 1986, lors de la première élection au suffrage universel du Conseil Régional, elle est élue avec Geneviève Vacheret et moi, trio de femmes au milieu des 43 élus. Je rappelle qu’avant cette date, on était désigné par les communes pour siéger au Conseil Régional. Il n’y avait alors jamais eu de femme en Franche-Comté…

Inutile de préciser que nous étions alors très entourées et je dois dire que nous n’avons guère eu à nous plaindre d’agressivité masculine déplacée. Nous ne l’aurions pas toléré ! Partageaient les séances, sous la Présidence d’Edgar Faure, Gérard Bailly, Jean-Pierre Chevènement, Joseph Parrenin, Jean Perraudin, Christian Proust, J.P. Santa-Cruz, Robert Schwint (entre autres).

Marie-Claude Bastien

Paulette Guinchard et la Blanchisserie du Refuge

En 1986, l’association Jean-Eudes a repris la Blanchisserie du Refuge fondée au XIXe siècle par la congrégation Notre-Dame de Charité du Refuge.

Paulette Guinchard a toujours eu un regard attentif sur la Blanchisserie du Refuge, présence amicale, suivi efficace lors de ses différents mandats.

En tant que députée de la 2e circonscription du Doubs, elle nous a reçus et soutenus dans le maintien du statut de « chantier » d’insertion de la Blanchisserie, alors que le ministère du Travail nous pressait fortement vers « l’entreprise » d’insertion tout en nous informant de son travail au sein de la lutte contre l’exclusion.

En tant que secrétaire d’État, Paulette Guinchard a honoré de sa présence les 15 ans de l’association Jean-Eudes. Inaugurant un nouveau parc de machines, la Blanchisserie devenait « aseptique ». Nous gardons le souvenir d’une Dame qui, passé le moment des discours, bavardait avec tout un chacun, s’attardait au-delà de ses obligations, obligeant par-là Pierre Lambert alors secrétaire général de la préfecture à demeurer, puisque telles sont les règles du protocole !!

Marie-Noëlle Besançon

Paulette, très chère amie et soutien des Invités au Festin

Nous nous sommes connues lors de nos années étudiantes, puis tu t’es tournée vers la politique et moi, vers la médecine puis la psychiatrie.

Tu as toujours été présente dans l’aventure des Invités au Festin, expérience alternative et innovante de psychiatrie citoyenne, dès son origine en 1990. En tant qu’adjointe à la solidarité, tu venais passer du temps avec nous pendant la soirée de Noël que nous organisions chaque année le 24 décembre, dès le début de l’association pour les personnes seules.

Lorsque nous avons mis en œuvre le projet de la Maison de Sources avec Jean en 2000, en achetant le couvent des Capucins afin de créer un lieu de vie pour vivre avec les personnes en souffrance psychique, tu as été présente pour plaider notre cause auprès de la préfecture et au national alors que tu étais députée du Doubs. Tu as pu nous aider financièrement et cela a été essentiel pour que nous arrivions à nous lancer et réussir dans cette entreprise utopique, et hasardeuse, hors des sentiers battus !

Tu étais de toutes nos fêtes et spectacles, et en particulier à nos 10 ans, en 2001 pour notre 1er défilé de mode, et à nos 15 ans au Grand Kursaal avec Martin Hirsch et Bernard Jolivet.

Nous avons écrit nos 1ers livres en même temps, en 2006, toi sur les personnes âgées, dites « les vieux », moi sur les personnes malades psychiques, dites « les fous », même combat contre la stigmatisation, l’exclusion, chez le même éditeur, avec la collaboration de Marie Thérèse Renaud. Puis nous avons organisé ensemble une table ronde autour du « care » avec notre éditeur pour un livre que tu as coordonné sur ce sujet, et dont j’ai écrit un chapitre.

Paulette, amie fidèle, simple et engagée, combative et déterminée pour défendre les causes qui te tenaient à cœur, tellement humaine et chaleureuse, ton départ nous plonge dans une grande tristesse.

Mais je crois que tu es toujours présente, en lien avec tes proches, tes nombreux ami-e-s. Du ciel, le cœur grand ouvert, tu continues ton œuvre d’amour et de générosité auprès de tous ceux qui en ont besoin. C’est une immense consolation.

Marie-Joëlle Bévalot

Paulette est partie, mais elle ne nous a pas quittés.

Nous avons souvent eu l’occasion d’échanger sur mon lieu de travail, un salon de coiffure que j’avais appelé un lieu de vie, bien loin des ambiances que rencontrait Paulette dans sa vie professionnelle.

Zaza se promenait de fauteuil en fauteuil, passant de l’un à l’autre, si l’envie lui prenait, elle plaçait deux fauteuils l’un en face de l’autre puis s’installait pour écouter, échanger, rassurer, aider.

Son regard si direct, son honnêteté transperçaient et redonnaient confiance.

Elle me disait souvent : « c’est toujours pareil, chez toi je ne sais jamais à quelle heure je repartirai » ceci n’était pas absolument exact, nous savions respecter son temps qui n’était pas extensible… mais nous avions ce petit clin d’œil entre nous.

Je me souviens, bien sûr des préparations et des campagnes d’élections. Des résultats de ces élections.

De la cérémonie de mariage de ma collaboratrice qu’elle a célébrée avec Marie Guite.

Des tranches de vie qui nous ont réjouies.

La VIE tout simplement, comme était Paulette.

Nicolas Bodin

Paulette Guinchard nous a malheureusement quittés.

Je retiendrai plusieurs choses de son message politique à la fois son intérêt très tôt pour l’environnement (1983 : adjointe à l’environnement), ancienne appellation de l’Ecologie, et son engagement pour l’intercommunalité ce qui était à l’époque précurseur pour une élue de la ville de Besançon mais … je retiendrai surtout le fait qu’elle nous avait ouvert les yeux sur la vieillesse sujet qui jusqu’alors était un sujet tabou dans notre société. Pour « Les vieux » comme elle osait les appeler, elle a su leur donner une dignité et une visibilité ce qui dans notre société d’Europe occidentale n’est pas une évidence.

La mise en place, en 2001 par le gouvernement Jospin, de l’APA (Allocation Personnalisée d’Autonomie) reste un événement majeur des 50 dernières années en termes de politique sociale.

Un grand respect donc pour cette femme tellement humaine.

Le choix de sa mort aura été un ultime geste politique nous interrogeant collectivement sur ce débat de la fin de vie. Sujet tabou s’il en est, clivant au-delà de toutes les convictions personnelles des uns et des autres quant à cette possibilité qui nous serait donnée de choisir le moment de sa propre fin. Ce sujet est un sujet de fond et peut être pas uniquement un problème de loi mais de lecture au cas par cas.

Les personnes qui ont eu la chance de rencontrer Paulette se souviennent de son humanité et de sa bienveillance permanente pour chacun(e) et notamment à l’égard des plus fragiles. Dotée de qualités relationnelles, Paulette savait écouter et surtout entendre. L’empathie la caractérisait. Elle aimait sincèrement les gens.

Sa vie aura été celle de combats : d’abord pour l’écologie, ensuite pour le droit des femmes et enfin pour les personnes âgées, pour que la perte d’autonomie soit la plus douce possible pour les personnes.

Je sais que la municipalité aura à cœur de dédier rapidement son nom à un lieu symbolique de son action.

Pour reprendre les propos d’un autre bisontin illustre ou français illustre, Victor Hugo : « Rien de ce qui était humain ne lui était étranger ».

Au revoir Paulette.

Daniel Boucon

Paulette, qu’on imagine la malice dans le regard, a lâché un jour devant un journaliste : « Je suis le seul ministre qui sait traire les vaches ». La formule a fait sourire, parfois avec un zeste de condescendance, mais pour celles et ceux qui la connaissaient, cette apparente plaisanterie allait très au-delà du simple trait d’esprit.

La jeune Zaza avait appris à traire les vaches. Madame la ministre savait s’en souvenir. Elle le savait techniquement, c’est comme le vélo et ça ne s’oublie pas. Elle le savait politiquement, n’ayant jamais varié d’une ligne. Par-dessus tout elle le savait humainement, car elle avait beaucoup appris mais rien oublié, ni personne, et jamais elle ne s’était perdue de vue.

Parmi toutes ses qualités, la fidélité à ses convictions, l’opiniâtreté, le pragmatisme et une immense intelligence des choses et des gens, cette capacité inoxydable, cette constance, à être toute elle-même et rien qu’elle-même tout au long de son parcours rendaient Paulette irrésistiblement attachante.

Certains ont connu la jeune apprentie virevoltant « à sauts et à gambades » dans les rayonnages de sa librairie bisontine. D’autres ont été les complices de ses combats politiques, assortis de leur lot de bonheurs et de déceptions. Celles de Safran ou du « groupe des neuf » – où on phosphorait dur pour se colleter avec un réel rugueux – ont inventé et ri avec elle. D’autres encore l’ont côtoyée officiant sous les ors de la République et ferraillant ferme pour que soit mis en œuvre ce à quoi elle croyait profondément depuis toujours. Quelques-uns n’ont été « que » ses amis. Toutes, tous ont fréquenté une seule et même femme : simplissime, directe, carrée, chaleureuse et de plain-pied. Inchangée parce qu’inchangeable, inrayable, comme on le dit du diamant.

Jean-Luc Boyer

J’étais Directeur Général Adjoint des services techniques de la Ville de Besançon quand j’ai rencontré Paulette Guinchard-Kunstler pour la première fois, au printemps 1983. Une jeune femme m’avait été présentée par Bernard Girardot, qui terminait son mandat d’adjoint PSU à l’environnement, comme quelqu’un avec qui j’aurais sans doute à travailler, si les élections municipales se déroulaient comme attendu. « J’espère que ça ne vous gêne pas » m’avait-il dit. Cet entretien a duré une demi-heure. Elle a bien parlé, sans cacher son accent local, et surtout elle a écouté. Elle s’est imposée naturellement. Il faut dire qu’à l’époque les élus de poids étaient plutôt des hommes et dans les services techniques, la féminisation débutait, non sans difficulté. J’ai d’ailleurs souvenir de deux agents des Espaces Verts qui étaient venu me voir à mon bureau pour me signifier qu’ils n’accepteraient jamais de travailler sous l’autorité d’une femme.

Une fois élue, celle qui était rapidement devenue Paulette, s’attaqua à de nombreuses tâches. Elle ne tarda pas à nous surprendre en nous demandant de travailler sur le bruit dans les écoles, du fait de la circulation routière et dans les cantines. Nous avons construit un mur anti-bruit en haut de Fontaine-Ecu près du boulevard et démarré des améliorations dans les cantines. C’était nouveau pour nous car à cette époque, on ne s’imaginait pas le « bruit » comme une catégorie de « l’environnement ».

Nous avions un service des Espaces Verts innovant avec un directeur, Pierre Contoz, eu une adjointe, Michèle Mouneyrac très volontaire pour les innovations. Il a été facile de se lancer dans la suppression progressive des produits chimiques, avec traitement manuels, élevage d’insectes utiles, le feu, etc., et surtout la formation des agents.

L’énergie était dans son portefeuille, et c’est un sujet qui l’enflammait. Notre parc de chaudières fioul était à bout de souffle et, quelques années après le second choc pétrolier, tout nous incitait à changer de sources d’énergie. Paulette déclara vouloir transformer des chaufferies vers le charbon (à l’époque, le charbon faisait partie des alternatives encouragées en France et soutenus politiquement et financièrement) et surtout vers le bois, une énergie renouvelable. Sur ce point, elle n’obtint pas gain de cause : les services préfèreraient, et de loin, une solution présentée comme simple, souple et pratique, le gaz naturel, arguant de surcroît que la pollution urbaine en serait réduite. Elle eut beau argumenter que le directeur du service, Henri Schneider, se chauffait au bois chez lui, c’est un programme complet de transformation des chaufferies municipales vers le gaz naturel, sous l’impulsion de l’adjoint aux finances, Jean Boichard, qui fut adopté. Parallèlement une télégestion des chaufferies, très en pointe à l’époque, fut mise en place, le tout concourant à des économies d’énergies substantielles. Il a fallu former le personnel à de nouvelles tâches. Paulette a su là encore écouter les différents points de vue.

Lorsque, en 1989, elle débuté son deuxième mandat d’adjointe, j’ai découvert une femme qui avait beaucoup grandi, j’ai vu émerger en elle une « dame », une « cheffe ». Sur le sujet de la création du District, forte d’un mandat de Robert Schwint qui lui a fait confiance (ainsi que d’un accord du Maire avec Claude Girard, alors Président du Conseil Général du Doubs, garantissant que ce serait toujours le Maire de Besançon qui présiderait le District), elle prit le leadership du processus jusqu’à la création du District. Les obstacles ne manquèrent pas, tant avec certains élus des communes périphériques qu’au sein des élus et de l’administration de Besançon. Là encore, elle a beaucoup écouté et le Maire a écarté ceux qui lui faisaient obstacle.

Ce rôle de leadership, j’ai pu en prendre également la mesure au plan international. Quand nous avons travaillé à la création d’Energie-Cités, c’est elle qui dans les réunions internationales du groupe de préfiguration, pris l’initiative. J’ai particulièrement le souvenir d’une réunion à Berlin. Elle acquit la légitimité pour être l’élue qui lança en février 1992, depuis Mannheim, l’appel à créer un réseau de villes européennes conscientes de la nécessité d’agir dans le domaine énergétique. Je le remarquai également à Bielsko-Biala, en Pologne, où elle conduisit notre délégation à la première rencontre des villes polonaises pour la maîtrise de l’énergie, où fut lancée l’idée de créer un réseau de villes polonaises dédié (ndlr : ce qui se produisit en 1994 et perdure en 2021). Elle était vraiment l’animatrice de notre groupe. Sur le retour, passant par Prague, elle nous dit : « on s’arrête » et on a visité la ville durant cinq heures. En parallèle, une coopération concrète avait débuté avec Bielkso Biala, conduite par les services techniques, sur l’éclairage public dans cette ville, puis dans la foulée à Bistrita en Roumanie où fût réalisée la première rénovation d’éclairage public dans ce pays. A chaque fois des visites sur place de spécialistes motivés – et fiers – de la municipalité bisontine.

Jean-Paul Bruckert

Zaza nous l’avons connue à son arrivée en Fac alors que nous étions des étudiants déjà bien avancés dans nos études. C’était la sœur de Marie-Noëlle qui, comme nous, faisait des études d’histoire. S’est-elle dès lors inscrite à l’AGEB-UNEF dès son entrée en FAC ? Ce qui a certainement facilité son intégration car en ce temps, hélas révolu, le syndicat étudiant regroupait tout le monde de la « Calotte » à l’UEC en attendant les « gauchistes ». En tout cas ce fut certainement au bar de l’AG, tenue par la « mère Barouillet », que nous avons accueilli la petite sœur. Mais il faut reconnaître que ce souvenir est bien estompé…

Beaucoup plus tard, autre souvenir, plus précis et plus personnel. C’était un soir au Kursaal, un soir d’élections, le soir de ce jour où Zaza avait été élue à la députation (mars 1997). J’étais heureux pour elle mais en même temps, sachant ce que le pouvoir peut faire, je lui ai dit, tout en lui faisant la bise, « Tu ne changes pas, hein ! ». Elle m’a répondu « Pas d’inquiétude ! ». Dire qu’elle n’a pas du tout changé serait trop dire. Comme tout un chacun, nous évoluons et elle aussi. Mais sans reconduire totalement le passé elle a conservé cette simplicité, cette attention aux autres qui sont la marque de celles et ceux qui savent d’où ils viennent.

Quelques années après, c’était en fin avril- début mai 2002, nous subissons un ahurissant séisme politique. Le Pen au second tour ! Du fait de la multiplicité des candidatures à gauche et de la mauvaise campagne de Jospin. D’où d’impressionnantes manifestations antifascistes. Lors de l’une d’entre elles alors que nous traversions la place du 8 septembre j’aperçois Zaza qui se tient sur le trajet mais sur le bord de la manifestation. Je vais vers elle et lui dit « Zaza, viens, ta place est parmi nous ». Elle me répond « Oui je suis de ton avis mais je préfère rester en retrait ».  Était-elle encore ministre ? Probablement car ce devait être entre les deux tours.

Voilà en quelques lignes échappées de ma mémoire quelques souvenirs de cette belle personne qu’était « la Paulette ».

Martine Carrillon-Couvreur

Paulette, une rencontre exceptionnelle

Il y a dans la vie des rencontres exceptionnelles ….

C’est en 2002 que j’ai rencontré Paulette dans un moment important, celui de ma campagne pour les élections législatives. Venue spécialement m’apporter son soutien elle a participé avec enthousiasme à la dernière réunion publique. Nous partagions les mêmes engagements politiques et déjà je l’admirais pour son travail sur la question de l’avancée en âge et la publication de son rapport « Vieillir en France » qui a transformé le regard sur le vieillissement et inspiré la politique conduite par le gouvernement de Lionel Jospin, en particulier avec la création de l’APA – (allocation personnalisée de l’autonomie).

Élue en juin 2002 je l’ai retrouvée à l’Assemblée Nationale et nous avons très vite choisi les sujets de travail que nous voulions porter à savoir la question des solidarités et des politiques publiques à développer en direction des personnes âgées et des personnes handicapées. Nous nous étions convaincues de la nécessité de repenser la question de l’autonomie et de l’accompagnement des personnes quel que soit l’âge.

Tout au long de ce mandat de 20020 à 2007 Paulette a montré toute sa détermination à soutenir sans relâche ces sujets qu’elle considérait avant tout essentiels dans notre société. Son engagement public sur ces questions reflétait son éthique et son attachement à l’humain. Tout ce qui devait inspirer les politiques au service des plus fragiles pour faire progresser la société tout entière.

Quelques années après nous avons poursuivi nos réflexions sur ces sujets et nous avons continué nos travaux en organisant, entre autres, un grand colloque à l’assemblée nationale sur « la vulnérabilité et les nouvelles solidarités ».

Malgré ses difficultés de santé Paulette a été présente pour témoigner de l’importance des choix à défendre sur ces questions.

L’actualité nous montre combien elle avait raison d’attirer notre attention sur ces sujets.

Pour elle le respect et le sens de l’humain comptaient avant tout et ce message reste pour moi le plus important.

Toutes ces années avec Paulette furent exceptionnelles. Je lui dois beaucoup.

Je veux saluer son mari Denis qui a toujours été présent pour permettre à Paulette de conduire tous ses choix.

Marie-Thérèse Ceugnart

La presse s’est fait l’écho du décès de Mme Paulette GUINCHARD reproduisant les nombreux hommages qui lui ont été rendus avec une grande justesse dans les mots et dans l’expression de ses qualités.

Les qualités de « Paulette » : tous ceux qui l’ont côtoyée mesuraient l’authenticité de ses convictions, sa sincérité, son engagement, sa cohérence dans son action, son esprit visionnaire et son humanisme.

« Paulette », dotée d’un tempérament volontaire – tempérament forgé par des parents aux racines familiales solides fortement ancrées dans la terre – était chaleureuse, généreuse, rayonnante. Sa simplicité, son attention aux autres, son écoute sans à priori, l’ont porté naturellement à s’engager politiquement, à militer, à agir, à entraîner.

Mes vingt années passées au Centre Hospitalier Universitaire de Besançon au poste des Affaires Médicales, puis mon éloignement professionnel aux Centres Hospitaliers de Provins et de Dole ne m’ont fait connaître réellement Madame Guinchard qu’en l’an 2000. C’est à partir de cette date que j’ai opté pour les établissements médico-sociaux et que j’ai été nommée directrice du Centre de Long Séjour de Bellevaux.

Combattante – Militante – Engagée, mais à l’écoute 

Nos relations datent donc de cette période. C’est en septembre 2001 lorsqu’elle visite le Centre de Long Séjour de Bellevaux dans son tour de France pour expliquer les dispositions de sa Loi sur l’Allocation Personnalisée d’Autonomie (APA) et plaider pour l’amélioration de l’accueil des personnes âgées dans les « hospices », que je prends conscience de la politique qu’elle entend mener.

Cette politique est résolument orientée vers la diversification de l’offre de service, elle appelait à « organiser la cohérence de l’offre » ce qui exige un développement volontariste du partenariat entre tous les acteurs du secteur gérontologique.

C’est grâce à cette philosophie que nous avons pu développer les services complémentaires (accueil de jour, hébergement temporaire, hébergement de nuit) qui venaient relayer le service de soins infirmiers à domicile et concilier au mieux, milieu de vie ordinaire et institution.

J’ai pu, au cours d’un rendez-vous à son Ministère, en mars 2002, pour lui présenter nos projets, compter sur son engagement sans faille et mesurer l’authenticité de ses convictions et de son engagement pour prévenir la dépendance.

La subvention ministérielle est arrivée avec un petit mot et la… recette d’une mousse au chocolat… car nous avions, avec sa conseillère technique, échangé sur nos addictions réciproques au chocolat !!!

Cohérente – Volontaire – Humaniste :

Faire entrer la Vie dans nos Institutions était également un de ses combats : elle a soutenu avec chaleur, l’accueil des bénévoles grâce à l’Association « Des liens pour l’Art » et celle des « Amis de Bellevaux » qui permettaient l’agrément culturel de nos « vieux » comme « Paulette » les appelait.

Les sorties au musée, les concerts, les activités peintures, sculptures, lectures ont pu être organisées grâce à ces bénévoles, grâce aux assistants de vie dont nous avions créé des postes spécifiques. Le programme d’activités et d’animations était, chaque semaine, soutenu et permettait des rapprochements familiaux.

Chaleureuse – généreuse – simple – femme de cœur :

Je me souviens d’une de ses visites « surprises » en août 2003 lors de la canicule. Le sort et la dignité des anciens la préoccupaient de façon permanente. Elle était près du cœur de nos aînés.

« Il faudrait que cette canicule montre l’enjeu d’un encadrement suffisamment important. C’est un vrai problème de fond. J’ai d’ailleurs écrit dans ce sens au Président Chirac » nous avait-elle dit.

Le répit aux aidants : elle mesurait parfaitement la réalité du quotidien des familles qu’il soit financier et/ou affectif. La détresse et le déchirement que cela générait, était son souci constant.

Par son rayonnement et sa foi dans le handicap, elle nous encourageait dans nos responsabilités, nos actions au quotidien et nos approches plus humaines dans l’organisation et le fonctionnement de nos établissements.

Visionnaire et …. Réaliste

L’IRV : l’Institut Régional du Vieillissement.

Cette institution a été créée en octobre 2002 sous son impulsion. C’est une première expérience en France de mise en réseau des professionnels et des chercheurs du champ gérontologique dans une logique disciplinaire.

Par suite d’une fusion-absorption, cet Institut est devenu le Pôle de Gérontologie Interrégional de Bourgogne-Franche-Comté.

« Paulette » était fidèle aux journées de réflexion programmées par cette instance. Elle y a présidé de nombreuses conférences.

Nous avions toujours un très grand plaisir à se retrouver et, elle, à s’enquérir de l’avancée de nos projets (zoothérapie, création de l’espace SNOEZELEN) au hasard de ces réunions.

A titre personnel, j’ai eu du Secrétariat d’Etat aux Personnes Agées, en juillet 2001, l’honneur d’une proposition de nomination dans l’Ordre National du Mérite.

Cette distinction, qui m’a été remise, en sa présence le 16 février 2002 a donné à mon mari, sa dernière grande joie.

L’exemple qu’elle nous a transmis par sa vie professionnelle est encore exalté par le courage qu’elle a démontré dans sa finitude. Elle est restée fidèle à ses convictions et militante jusqu’au bout, jusqu’à cette fin qu’elle a choisie.

Un seul mot nous revient à l’esprit pour définir sa vie : Amour. Celui qu’elle portait aux autres et aux siens.

Que cet Amour puisse donner à son mari – qui lui aussi force l’admiration par le respect qu’il a manifesté du choix de « Paulette » – le courage et la force morale pour vivre son absence.

« Si la vie n’est qu’un passage, sur ce passage, au moins, semons des fleurs » écrivait Montaigne. C’est vraiment ce que « Paulette » a réalisé tout au long de son existence.

CFDT Retraités

La CFDT Retraités a appris avec tristesse le décès de Paulette Guinchard, ancienne secrétaire d’État aux personnes âgées dans le gouvernement de Lionel Jospin, de 2001 à 2002.

Infirmière psychiatrique d’origine professionnelle, elle adhère à la CFDT depuis le début de sa vie professionnelle et lui reste fidèle en adhérant à la CFDT Retraités du Doubs. Elle adhère au PSU en 1969 et en 1986 au Parti socialiste.

En un an au secrétariat d’État aux personnes âgées, son action fut déterminante pour l’accompagnement de la perte d’autonomie des personnes âgées. Elle met en œuvre l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) qui transforme la prestation spécifique dépendance (PSD) couvrant un peu plus de 100000 personnes en un vrai droit qui touche aujourd’hui 1 300 000 bénéficiaires. Elle est à l’origine de la grande loi dite 2002-2 rénovant l’action sociale et médico-sociale) toujours en vigueur. Elle lance le premier plan Alzheimer.

On lui doit aussi la réforme des maisons de retraites devenues établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) et la création des centres locaux d’information et de coordination (CLIC), ces lieux de proximité qui facilitent l’accès des personnes âgées à leurs droits.

Comme députée, elle ne cesse de porter haut et fort la cause des personnes âgées et des personnes handicapées.

Infatigable, après 20 ans d’engagement politique, elle quitte l’Assemblée nationale en 2007 mais ne reste pas inactive pour autant. En 2013, Paulette Guinchard est à la tête de la Fondation de gérontologie. La même année, elle est appelée à présider la Caisse nationale solidarité pour l’autonomie (CNSA), poste qu’elle occupe jusqu’en 2017.

En 2016, elle nous avait fait l’honneur d’assister à la célébration des 70 ans de la CFDT Retraités.

Malade depuis plusieurs années, Paulette Guinchard a décidé de sa mort en pratiquant le suicide assisté. Cette grande dame restera gravée dans nos mémoires. La CFDT Retraités lui rend aujourd’hui hommage.

Pour la commission exécutive, Dominique FABRE Secrétaire générale

Intervention de Claudine Guénot, CFDT Séance plénière du CESER du 9 mars 2021

Hier, c’était la journée des droits des femmes et en tant que femme adhérente à la CFDT, je voudrais rendre hommage à une autre femme de la CFDT, adhérente fidèle depuis son entrée dans la vie professionnelle comme infirmière psychiatrique, jusqu’à la semaine dernière, où elle a choisi de mourir dans la dignité en Suisse.

La CFDT a eu l’honneur de compter Paulette Guinchard dans ses rangs tout au long de sa vie.

Plusieurs fois adjointe aux Maires de Besançon, conseillère régionale, députée du Doubs et vice-présidente de l’assemblée nationale, Secrétaire d’État aux personnes âgées sous Jospin, quelle que soit sa place ou sa fonction, Paulette illuminait par sa simplicité, sa capacité d’écoute et d’attention.

Nous avons perdu une femme exceptionnelle, qui a initié l’APA – l’allocation personnelle d’autonomie -, contribué à modifier le regard de la société sur la vieillesse, lancé le premier plan Alzheimer, réformé les maisons de retraite pour en faire des EHPAD…

Paulette Guinchard, c’est celle qui n’a cessé de porter haut et fort la cause des personnes âgées et des personnes handicapées, et ce, bien avant qu’elle soit elle-même très malade.

Toute sa vie, elle a été de tous les combats pour l’égalité, la dignité, l’émancipation et la solidarité.

Merci Paulette, merci.

Daniella Chaillet

C’est une « payse », Paulette Gunichard, c’est Zaza. Oui, dire que Paulette était proche des gens, c’est un euphémisme, elle les a incarnés, soignés et plus tard défendus avec une force puisée dans ses racines, dans la noblesse de ses racines terriennes. Les vraies gens l’ont toujours reconnue « des leurs ». C’est dans les hautes sphères, selon l’expression consacrée, qu’elle a porté la parole des vieux sans revenus décents pour survivre. A l’Assemblée Nationale, elle subit la risée de certains députés du fait de son accent franc-comtois !  Auraient-ils agi ainsi face à un homme ? Mais Zaza parlait à tout le monde, souriante, aimable des qualités vraies qui ne trompent pas.

L’acte posé, entre autres, par la secrétaire d’État qu’elle fut, c’est l’APA (Allocation Personnalisée d’Autonomie) pour que les vieux ne vieillissent pas et ne meurent pas dans la misère ; j’ajoute maintenant, et puissent mourir dans la dignité en limitant la souffrance. Ça cause ! Et un peu plus actuellement car avec la pandémie pendant le premier confinement, les morts dans les EPHAD étaient de suite évacués dans des sacs plastiques et « L’adieu interdit », le livre de Marie de Hennezel. Où va t-on ? Pas de rites funéraires et par là même, deuil presque impossible.

Paulette fut contrainte, avec un courage incommensurable, de demander à nos voisins suisses -c’est vrai que l’on sait les trouver dans certaines situations difficiles nos voisins helvètes… – d’être assistée dans sa mort. Quelle admiration pour moi ! Quel exemple… Je sais on va dire ce n’est pas le moment de parler de cela  mais il est quand le moment ? Travaillons pour  lever ce tabou en France de la mort assistée médicalement lorsque la personne le souhaite ardemment. Paulette je ne crois pas te trahir là.

Souvenirs… Souvenirs ponctués par une virgule de Madeleine Proust, son sourire, son regard acéré et bien sûr son accent.

Un voile de Proudhon, sa fibre sociale, son esprit novateur, son mutualisme car ne l’oublions pas Pierre-Joseph Proudhon était de Chasnans.

Et bien sûr « notre » Gustave Courbet, son engagement, sa fierté, sa détermination et la Commune de Paris… lui qui a parcouru la vallée de la Loue, lui qui est né sur le plateau de Flagey.

Moi qui suis fille du plateau de la même génération que Zaza, je pense pouvoir me permettre ces raccourcis historiques et jongler avec ces similitudes.

Paulette, par tes convictions tu as fait honneur au Peuple de ta région.

Philippe Cholet

C’était sans doute en début d’automne 1997, un début de soirée, je participais à une réunion organisée par Paulette Guinchard. Une loi est en préparation qui portera sur la lutte contre les exclusions. Dix ans auparavant, en décembre 1988, la loi instaurant le revenu minimum d’insertion indiquait dans ses dispositions générales que « l’insertion sociale et professionnelle des personnes en difficultés constitue un impératif national ».

Pourtant la pauvreté ne faiblit guère et la lutte contre les exclusions, contre les obstacles à l’insertion, a besoin d’un souffle renouvelé. Lionel Jospin premier ministre s’y engage et Martine Aubry est ministre de l’Emploi et des Solidarités. Paulette Guinchard, députée récemment élue, souhaite être contributive à ces travaux et mobilise des connaissances, des réseaux, des personnes soucieuses et investies sur ces questions. Au-delà des cadres partisans et des appareils, elle souhaite entendre, écouter et réfléchir avec les acteurs locaux qui voudront bien s’y « coller » avec elle pour faire qu’à son niveau de parlementaire, la loi soit au plus près des besoins et fasse levier aux bons endroits.

Nous étions nombreux, sans doute plus d’une quarantaine ce premier soir, des militants associatifs côtoyaient des directeurs et cadres institutionnels, des travailleurs sociaux et tant d’autres, à débattre ce soir-là, à nommer les blocages, les insuffisances en matière de solidarité et un climat général malsain qui laissait à penser que les pauvres pouvaient être coupables de leur situation.

Cette écoute n’était pas la consultation éphémère de bon aloi de l’élu qui se penche pour entendre, elle était active, participative, impliquée dans le souci d’une connaissance du pratique, des pratiques, des faits au-delà des discours. Elle donnait à penser, à espérer qu’on peut agir sur le quotidien.

Je ne détaillerai pas les multiples réunions d’un groupe à géométrie variable qui se mit à travailler par-delà l’objectif législatif pour tisser des liens, susciter des dynamiques. La mise en œuvre d’une Mission d’Information Régionale sur l’Exclusion en découle.

Au cours d’un échange plus personnel, Paulette me dit que cette manière de faire, de mettre au travail des bonnes volontés en dehors d’un cadre formel interrogeait bien des « politiques », que seuls quelques-uns dans les coulisses de l’assemblée y trouvaient de l’intérêt, me disant quelque chose comme : « Mais enfin pour changer la société, il faut bien s’appuyer sur la société ».

Quand la loi de lutte contre les exclusions parut en juillet 98, tout en étant bien conscient que ces échanges et ce travail commun, ce qui se voulait contributif, était en décalage avec ce qu’il en résultait du fait même du parcours qui permit sa promulgation. Je n’en ressentais pas moins comme une certaine fierté d’avoir participé, si humblement soit-il, à ce nouveau socle de droits qui cherchait à s’immiscer dans bien des détails d’une lutte sans cesse à renouveler.

Avoir pu travailler avec Paulette Guinchard dans cette dynamique collective fut mémorable pour moi, pour le travailleur social que je demeure au fil de mon parcours. Mais cette rencontre fut aussi riche par la simplicité des relations que Paulette savait tisser, par l’énergie qu’elle dégageait, l’énergie qu’elle communiquait avec le sentiment que sans attendre un quelconque grand soir, on pouvait « changer la vie », agir sur le cours des choses et pour la dignité de chacun et de tous.

CNSA

Paulette Guinchard, présidente du Conseil de la CNSA de 2013 à 2017

Paulette Guinchard, ancienne secrétaire d’État aux personnes âgées, a été à l’initiative notamment de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) en 2002, qui bénéficie aujourd’hui à plus de 1,3 million de personnes.

Cette réforme majeure pour soutenir l’autonomie des personnes fragilisées par l’âge et favoriser leur maintien à domicile l’a naturellement conduite au mandat de présidente de la Caisse d’octobre 2013 à septembre 2017. C’est dans ce contexte qu’elle s’est vu confier la mission de mener la concertation sur la création des conseils départementaux de la citoyenneté et de l’autonomie dans le cadre de la loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement, en vue de soutenir la pleine participation des personnes, âgées ou en situation de handicap, aux politiques qui les concernent.

Tous les membres du Conseil de la CNSA ont pu mesurer au long de son mandat son engagement, sa connaissance profonde des sujets et son souhait de les rendre compréhensibles par tous, ses idées et son dynamisme, ainsi que ses qualités humaines.

« Ministre engagée en charge des personnes âgées, militante, députée exemplaire, elle n’a rien cédé dans l’examen de la loi de 2005 pour faire avancer les droits et les chances, la participation et la citoyenneté des personnes en situation de handicap » se souvient Marie-Anne Montchamp. « Présidente du conseil de la CNSA, elle a soutenu avec force l’Institution aujourd’hui 5e branche. J’ai été honorée de lui succéder ».

« Infatigable combattante de l’autonomie, Paulette Guinchard a inspiré de son engagement l’ensemble des équipes de la Caisse qu’elle a également soutenu de son amitié tout au long de son mandat » souligne Virginie Magnant.

Paulette Guinchard avait reçu, au sein même de la CNSA, l’insigne d’Officier de la Légion d’honneur des mains de François Hollande, président de la République, le 11 mai 2017.

 

Pierre Contoz

Que de respect, que d’échanges, que de pages d’idées écrites, que d’idées concrétisées, que de temps passé, d’affection…. et que « tu m’énerves !!! sympathique » lorsque nous avions quelques divergences, toujours mineures..

Si ses rôles nationaux de députée, de Secrétaire d’État souvent rappelés et pour cause, personnellement, l’ayant côtoyée et soutenu comme maire… et ayant fait bénéficié ma commune et ses habitants de sa philosophie, comme a bénéficié notre intercommunalité, de sa vue des choses, ma vie professionnelle en a été plus qu’orientée.

Sans elle députée, je ne crois pas que la première Maison Age et Vie, née à Montfaucon n’aurait vu le jour. Pas plus que les Maisons intergénérationnelles de l’Allée Abbé Pierre, les premières de l’agglomération bisontine.

Comment ne pas évoquer le rôle déterminant dans le redressement en 2004 du Musée des Maisons Comtoises de Nancray, alors dans une situation catastrophique. Ses racines des plateaux l’avaient porté à agir, mais aussi ses vues sur des projets de territoires équilibrés.

Au cours de son incroyable mandat, à la tête du syndicat mixte du musée des Maisons comtoises, Paulette Guinchard a su redresser définitivement la barre du Musée qui se trouvait dans une situation financière et structurelle délicate.

Elle a su fédérer le Département et l’Agglomération avec l’appui de l’État, de la Région en lien avec l’association Folklore comtois afin d’assurer au Musée un avenir à sa hauteur.

Avec Marie Spinelli-Flesch qu’elle nommera à la direction, elles travailleront à la professionnalisation du Musée et à lui donner une nouvelle envergure grâce à un Projet Scientifique et Culturel innovant. Tourné sur l’habitat, l’éducation à l’environnement et au développement durable, le Musée sera le premier de France à se doter d’un agenda 21 !

Son mandat a marqué le Musée, l’a transformé et lui a donné un nouveau rôle social et environnemental !

En 2008, avec une insistance toute amicale mais déterminée comme à son habitude, elle me convainquit à lui succéder… par fidélité…par souci de sa maladie… j’y suis encore.

Inévitablement deux pans énormes de son action humaine et politique sont présents dans mes souvenirs.

Environnementaliste alors que l’écologie politique balbutiait

1983 : J’étais directeur du service espaces verts et forestiers de la Ville de Besançon lorsque je rencontrai pour la 1ère fois cette jeune femme (elle avait 34 ans) élue adjointe au maire de Robert Schwint. Elle succédait à Bernard Girardot, syndicaliste LIP.

1983…c’était il y a 38 ans …

Ces actions exemplaires, imaginatives, réalistes en faveur de l’environnement urbain, des espaces verts, des espaces naturels, de la biodiversité, de l’éducation à l’environnement … alors qu’il y avait à peine les prémices d’émergence de l’écologie politique…. ont fait à l’époque école nationale.

La liste est riche, très riche : quelques exemples tirés de cette liste, juste pour illustrer :

  • Pour la 1ère fois puis plusieurs fois Besançon citée 1ère Ville verte de France
  • 1ère politique nationale de l’Arbre urbain reprise en colloques nationaux
  • Signature avec l’État du 1er protocole de Prise en Compte de l’Environnement Urbain (Mme Bouchardeau était ministre).
  • Développement de l’idée de jardin botanique éclaté de laquelle sont nés : le jardin des Sens de l’Helvétie et la Roseraie de Battant.
  • Engagement déterminé à remplacer les arbres d’alignement dans les rues par abattage-replantation : c’est de cet engagement que des rues ont aujourd’hui des arbres beaux et en bonne santé : Quai de Strasbourg – Avenue d’Helvétie – Remparts Dérasés…
  • Le développement des jardins familiaux à partir de Rosemont…, c’était, il y a 38 ans.
  • Engagement d’une gestion différenciée des espaces verts (oui, il y a 35 ans …) qui fit école en France… C’est ce qu’on appelle aujourd’hui l sauvegarde de la biodiversité urbaine.
  • Et puis un soutien déterminé à la recherche engagée sur les pluies acides… avec cartographie aérienne infra-rouge des dépérissements sur Besançon.
  • La même cartographie avec la même méthode des espaces végétalisés urbains… les deux en mobilisant l’Université de Franche-Comté.
  • C’est sous son mandat qu’a émergé l’idée de la Petite École de la Forêt de Chailluz qui vit le jour en début de mandat suivant.
  • Je pourrais aussi parler des incroyables floralies de novembre 1988…en plein centre-ville, jamais une ville n’avait osé cela. C’était 6 mois avant les élections municipales de 1989 Et nous voulions apporter notre contribution. Je me rappelle Raymond Tourrain (l’opposant de Robert Schwint, ndlr) , effaré dans la cour du Palais Granvelle quelques heures avant l’ouverture et me disant «  Rude coup, bien joué.. »!! La manifestation fut reprise en 1994….

Humaniste envers le tiers-monde

Vers la Côte d’Ivoire

En 1992, sous le mandat de Pierre Chantelat, Paulette Guinchard, alors conseillère régionale, a fait partie d’une délégation se rendant dans l’ouest montagneux de la Côte d’Ivoire (capitale régionale Man, région limitrophe de la Guinée-Conakry et du Libéria) .

Faisant suite à rencontre en Franche-Comté entre chargé de mission ivoirien de l’environnement et Jean-Claude Jacques alors DRAE (Directeur régional de l’architecture et de l’environnement), cette mission avait pour objectif d’envisager une coopération décentralisée entre le PNR du Haute-Jura et le Parc National Ivoirien du Mont-Sangbé.

Cette coopération a été instauré et a été l’origine de la création de l’Association Franc-Comtoise ARDECOD (regroupant près de 15 communes franc-comtoises et l’équivalent de communes ivoiriennes partenaires-bénéficiaires).

Lors de sa mission initiale, Paulette Guinchard (elle était aussi adjointe au maire, déléguée aux Relations Internationales) au-delà de l’intérêt de la coopération entre les 2 parcs avait mesuré un autre intérêt pour les populations ivoiriennes :  celle de l’instauration d’une autre coopération décentralisé entre Besançon, et la ville ivoirienne de Man (100.000 h, capitale régionale).

Son intention fut validée par Robert Schwint (qui se rendra avec elle en Côte d’Ivoire ) et son conseil municipal .

Elle mobilisa les cadres municipaux (dont moi-même et me convainquit de porter le projet avec elle ) pour apporter un appui institutionnel à la mairie de Man , mais aussi autres communes ivoiriennes avec partenaires comtois. Des micro-chantiers à haute intensité de main d’œuvre ont bénéficié aux communes (marchés – points déchets)

Elle fut à l’initiative mobilisatrice en 1995, d’une réunion à Man avec les bailleurs de fond (France – Canada – Europe) qui marqua à jamais ces bailleurs internationaux qui ne s’étaient retrouvé autour de la même table… pour une commune.

Elle obtenu de l’État, un Fonds d’action de coopération pour la ville de Man ( une 1ère pour une commune ivoirienne ) qui permis une restructuration de la mairie et la mise en place d’équipements dont une voirie en pavés bêton conduisant à l’hôpital… seule voie carrossable pendant des dizaines d’années : voie réalisée également dans le cadre d’un chantier à haute Intensité de main-d’œuvre… Réalisation inégalée en Côte-d’Ivoire pendant 20 ans.

L’appui aux groupes de femmes, notamment dans la collecte des ordures ménagères et la propreté de la ville fut aussi son crédo continuel, mais aussi le centre de santé, la maternité, …

Elle négocia, en 1995, à Bruxelles un projet d’un montant de 1 millions de francs baptisé Eau, Source de Vie et de développement, pour alimenter par réseau ou par puis les quartiers les plus défavorisés de 12 communes ivoiriennes de la région.

Anecdote, à cette occasion, déplacement aller-retour Besançon-Bruxelles, dans la petite AX de son chef de service sous une pluie diluvienne… mais la négociation porta ses fruits. Quel autre élu de ce niveau l’aurait fait !!!

Ce projet fut interrompu par la rébellion et la guerre ;

Paulette Guinchard fut élevée au grade de Chevalier dans l’ordre du mérité dans l’ordre de la Côte d’Ivoire en 1995.

Pour la petite histoire, le dernier contact en Côte-d’Ivoire, Besançon-Man, est intervenu en 2007. Invité par l’État-Major Bisontin (le 19è RG est la force Licorne) d’interposition entre rebelles et armée régulière) Jean-Louis Fousseret se rendit à Abidjan-Yamoussoukro. Je l’accompagnais et me suis rendu à la demande de l’armée française à Man, occupée par les rebelles, pour évaluations… toutes les réalisations dont la mairie à initiative bisontine étaient rasées !!

La République de Côte-d’Ivoire éleva Paulette Guinchard en 1995 au grade de Chevalier du mérité ivoirien.

Vers le Burkina Faso

Dans le cadre de son mandat d’adjoint aux relations internationales, Paulette Guincherd soutint et dynamisa des actions humanitaires, à essence associative avec la commune de Douroula.

Elle fut à l’origine de l’implication de la ville de Neuchâtel (CH) ville jumelle de Besançon.

En tout cas, lorsque l’on a été son directeur de service pendant 1 mandat, lorsque l’on a accompagné plus longtemps… on n’en sort pas intact intellectuellement.

Rita Corona

Quand je me balade à Besançon, moi qui ai travaillé avec Paulette tout au début de ses premiers mandats d’adjointe à la mairie, c’est retrouver sa mémoire vivante au travers de ce qu’elle a semé… Arrivée en train à la gare, en passant par les Glacis, et saluer  » L’Homme et l’Enfant » la belle sculpture d’Ousmane Saw, sénégalais – qui a réalisé également le grand ‘Victor Hugo’ dans la cour de la mairie – c’est se rappeler la passion de Zaza pour l’Afrique. Et se souvenir aussi de ses actions de coopération menées en Côte d’Ivoire (à Man) et au Burkina Faso (à Douroula) pour l’alimentation en eau potable des habitants.

Continuer la balade pour rejoindre le parc Micaud en passant par le petit jardin des senteurs en bordure du Doubs, créé à l’époque avec les associations de personnes handicapées, c’est se souvenir à la fois de son engagement pour préserver l’environnement et l’écologie urbaine, et de sa façon de travailler : questionner pour comprendre, écouter, discuter, travailler en réseau et toujours en lien avec les habitants.

Si la balade continue vers la Rodia, il ne faut pas hésiter comme » les vieux et les vielles », à qui elle aura redonner dignité, à s’assoir sur un banc pour profiter du beau paysage des remparts de la Citadelle. Qui se rappellera que c’est sur son initiative que les fortifications de Vauban sont classées au patrimoine mondial de l’Humanité ? La nuit, les lumières de la Citadelle sont désormais éteintes, économie d’énergie oblige avec le réchauffement climatique… Elle qui a mené dès les années 80 les premiers programmes d’économies et d’efficacité énergétique, de là-haut le sourire dans les étoiles, elle est d’accord… Ce qu’elle a semé continue de germer, et d’autres continuent de semer…

Et si pour ne pas oublier et que sa mémoire reste dans l’histoire de la ville (et de l’agglo qu’elle a contribué à créer) son nom soit inscrit sur ce banc « A Paulette Guinchard, une femme politique d’une grande humanité » ?

Sylvie Debras

A la fin des années 1990, je rencontrais souvent Paulette Guinchard-Kunstler dans le train pour Paris. Militante à l’AFJ, association des femmes journalistes, j’en profitais pour lui parler du « maltraitement médiatique » des femmes politiques par les médias.

Je lui avais notamment conseillé de ne pas se laisser appeler par son prénom seulement, comme une enfant ou une subalterne, alors que les hommes politiques étaient désignés par leur nom. « Sylvie, vous voyez le mal partout, vous êtes trop féministe ! », m’avait-elle répondu.

Au début des années 2000, j’avais envisagé d’écrire sa biographie – j’ignorais que Catherine Eme-Ziri y travaillait. J’avais donc rencontré Paulette à sa permanence de la place des Tilleuls. Après avoir passé en revue sa vie politique, y compris les déboires, elle m’avait avoué que, sans doute trop naïve, elle n’avait pas été assez féministe !

Jean-Louis Debré

Ses anciens collègues de l’Assemblée Nationale ne peuvent oublier l’exceptionnelle personnalité de Paulette GUINCHARD, députée du Doubs de 1997 à 2007. Elle fut un temps Vice-Présidente de l’Assemblée Nationale.

Fidèle à ses convictions, elle savait cependant écouter et comprendre celles et ceux qui ne les partageaient pas. D’ailleurs, quelques furent leurs appartenances politiques, les députés avaient pour elle un authentique respect.

Le 8 mars 2005, pour la journée internationale de la femme, je lui ai demandé de présider la traditionnelle, souvent agitée et toujours difficile séance des questions au gouvernement. Forte de son autorité naturelle et sa compétence reconnue, elle s’acquittera de sa tâche avec efficacité et la plus parfaite impartialité.

Son parcours politique national marqué pour son sens de l’intérêt général et de la justice sociale, est tout à fait remarquable et digne de ne pas être oublié surtout par les nouvelles générations d’élus à la recherche de repaires ambitieux.

Colette Demonet

Jamais je n’oublierai Paulette, d’abord on n’oublie jamais les personnes que nous avons aimées, de par son charisme, sa force de caractère, son dévouement politique, l’amitié incomparable.

Mais quelle souffrance a-t-elle dû subir avant de prendre cette ultime décision de ne plus souffrir !!!

Respect pour elle et Denis qui l’a entouré de tant d’amour.

Marie-Guite Dufay

Marie-Guite Dufay salue la mémoire de son amie Paulette Guinchard

Paulette était mon amie. Elle était « notre » Paulette tant le lien qui s’est tissé entre elle et tous ceux qui ont eu la chance de la côtoyer était fort. Aujourd’hui, le chagrin est immense.

Paulette Guinchard a durablement marqué la vie politique de notre Région. A Besançon, elle a contribué à la construction de l’intercommunalité et très tôt mis l’écologie au cœur de l’action politique. Au niveau national, ensuite, en tant que députée et Secrétaire d’État aux Personnes Âgées, elle a mis toute sa détermination, son dévouement et son énergie pour défendre la cause des personnes âgées, en menant des réflexions et réformes essentielles, dans le cadre du rapport « Vieillir en France » ou avec la création de l’Allocation Personnalisée à l’Autonomie.

Pendant tout ce parcours politique admirable, Paulette Guinchard a été guidée par la volonté acharnée de transformer la vie des gens, en particulier des plus fragiles. Ce parcours, totalement ancré dans les valeurs de la gauche sociale, porte également une marque très personnelle, en rupture avec les codes habituels de la politique : toujours accessible, modeste et naturelle avec son franc-parler, Paulette savait trouver des mots simples et compréhensibles par tous, même pour les sujets les plus complexes, en se posant toujours la question du sens. Ses qualités lui ont valu le respect de tous, y compris de ses adversaires.

Sensible à la place des femmes dans notre société, elle a également toujours veillé à rechercher et à pousser des femmes vers la prise de plus de responsabilités.

Jusqu’au bout, elle a combattu la maladie avec les armes que nous lui connaissons : courage, lucidité et détermination, mais aussi avec l’amour sans bornes de Denis, son mari. Jusqu’au bout, elle a été dans la vie malgré ses souffrances, illustrant cette image qu’elle aimait tant rappeler : « peu importe la taille de la bougie, c’est la flamme qui compte et tant que la flamme est là, il y a de la lumière, de la vie… ».

Pendant toute sa vie, Paulette nous a beaucoup poussé à réfléchir et à repenser notre rapport au vieillissement. Sa décision ultime, le suicide assisté, que la loi de notre pays n’autorise pas, nous invite encore à réfléchir et à avancer pour mieux appréhender la fin de vie en toute dignité, en toute conscience et en toute liberté. Grande leçon de vie ! Admirable Paulette ! »

Communiqué de Presse, 4 mars 2021

 

Paulette Guinchard nous a quittés après avoir lutté contre la maladie avec toutes les forces que nous lui connaissons : courage, lucidité, détermination et avec l’amour sans bornes de Denis, son mari.

Le chagrin est immense. Paulette était mon amie. Elle était « notre » Paulette tant le lien qui s’est tissé entre elle et tous ceux qui ont eu la chance de la côtoyer était fort.

ADMIRABLE PAULETTE, toute tendue vers les autres, et notamment les plus faibles :

  • Admirable, sa simplicité qui instaurait immédiatement un lien de confiance avec tous ;
  • Admirables, sa détermination et son énergie qui lui permettaient de faire fi des obstacles, notamment du sexisme ou du mépris ;
  • Admirable, sa disponibilité à toute épreuve quand nous travaillions ensemble au Centre d’Information Sur les Droits des Femmes, où elle n’avait de cesse de trouver des solutions aux problèmes d’emploi ou de logement des femmes que nous recevions ;
  • Admirable, sa passion pour l’Afrique qui l’amena à organiser de nombreux échanges de coopération ;
  • Admirable, son dévouement à la cause des personnes âgées pour trouver les moyens d’accompagner la perte d’autonomie de la façon la plus humaine.

ADMIRABLE PARCOURS POLITIQUE, qui sans plan de carrière, mais guidé par la volonté acharnée de transformer la vie de gens, en particulier des plus fragiles, l’aura amenée de la ville de Besançon jusqu’à des fonctions nationales.

  • À la ville de Besançon, Paulette Guinchard a su être pionnière, en matière de politiques environnementales, et a pleinement contribué à la naissance de l’intercommunalité grâce à sa patience, son habileté et son art de créer la confiance.
  • À la Région, où elle a siégé comme élue d’opposition pendant deux mandats.
  • À l’Assemblée nationale, où elle a été élue députée en 1997, grâce à ses qualités personnelles, mais aussi grâce à la décision du Parti Socialiste d’anticiper pour lui-même la mise en œuvre de la parité en réservant la deuxième circonscription du Doubs à une femme.

Elle choisit alors d’installer sa permanence dans le quartier bisontin de Palente, haut lieu symbolique des luttes sociales.

En tant que députée, elle a forcé le respect de tous, en particulier par son travail autour du rapport « Vieillir en France », qui lui a permis de poursuivre son action au gouvernement, au Secrétariat d’État aux Personnes Âgées avec des réformes qui ont fait date. Lionel Jospin reconnaîtra alors en elle un « concentré d’humanité ».

Après la défaite de la gauche en 2002, elle a été la seule parlementaire de gauche en Franche-Comté à retrouver son siège, ce qui lui a permis d’accéder à la Vice-Présidence de l’Assemblée nationale pendant cet ultime mandat.

Ce parcours riche et intense porte une marque toute personnelle, tranchant avec les codes habituels de la politique : toujours modeste et naturelle avec son franc-parler, Paulette savait trouver des mots simples et compréhensibles par tous, même pour les sujets les plus complexes, en se posant toujours la question du sens.

Rien ne l’arrêta, pendant ses 40 années d’action politique et je me demandais souvent comment elle pouvait tenir sans repos… Quand les premiers signes de la maladie frappèrent, toujours à l’affût pour pousser des femmes à prendre plus de responsabilités, elle me demanda de prendre le relai sur la 2ème circonscription du Doubs. Ce temps de campagne à ses côtés a été tellement riche que je ne me le remémore pas comme un temps de défaite mais surtout comme un temps fondateur pour des engagements ultérieurs.

Admirable parcours de vie face à la maladie, Paulette a déployé une résistance à la hauteur de ce que fut sa détermination tout au long de sa vie. Elle avait coutume de dire « peu importe la taille de la bougie, c’est la flamme qui compte et tant que la flamme est là, il y a de la lumière, de la vie… ». Avec Denis, son roc, dans leur grande maison accueillante de Chaux Neuve, elle nous réchauffait de cette flamme qui puisait sa force dans des trésors de créativité artistique ; et son immense sourire nous accueillait chaque fois que nous franchissions le pas de sa porte.

La flamme jusqu’au bout, la vie jusqu’au bout et, suprême et grande leçon de vie, sa décision d’en finir avec l’insoutenable souffrance, en demandant à Berne ce que la Loi de notre pays n’autorise pas : la maîtrise de son destin en toute conscience, en toute liberté, en espérant que cette ultime décision contribue à faire bouger les lignes.

Texte lu aux obsèques de Paulette, 26 mars 2021

 

 

Anecdotes

C’était, à Chapelle des Bois, une de tes promenades préférées depuis Chaux Neuve au lac des Eaux mortes, surtout au printemps quand prairies et tourbières se couvrent d’une floraison aussi abondante que multicolore.

Grâce à ton utilisation résolue des scooters électriques, tu aimais y amener tes amis, faisant fi de ton impossibilité de marcher, et, alors, ton sourire était tel qu’on se prenait à être avec toi, pour quelques instants, dans la légèreté de ces moments suspendus où tu nous montrais les fleurs de ton choix, pour des bouquets et pour des sources d’inspiration de tes innombrables tableaux.

Je crois que les fleurs t’ont aidée dans ta lutte contre la maladie, elles te donnaient des motifs de dessins, peintures, confection d’haïkus et tout simplement de contemplation. Et, comme par hasard, ce n’étaient pas les plus lumineuses, les plus recherchées, qui captaient ton attention, mais les plus sobres, les plus simples, graminées des fossés plus que fleurs des champs.

Pourquoi ne voit-on pas sur nos chemins davantage de personnes handicapées utiliser ces scooters si libérateurs ?

Certes, il fallait de l’audace, mais elle était tellement payante et libératrice : nous t’avons vue pénétrer les chapelles romanes du Brionnais sans te laisser arrêter par les quelques marches d’entrée, nous t’avons vu arpenter les combes enneigées avec résolution tandis que nous n’en menions pas large car la batterie nous semblait à bout de souffle, et, sans ton scooter de voyage, donc pliant, tu n’aurais pas pu aller au bout de ton mandat de la CNSA.

 

Tu étais une grande lectrice, poussée par ta curiosité insatiable et tu as lu jusqu’ au bout, grâce à ta tablette qui ne te quittait pas.

J’ai deux souvenirs particuliers à propos de livres que tu m’ a recommandés ; d’ abord, c’ est le souvenir de SEGOU, saga africaine écrite par Maryse Condé, je crois que tu aimais le faire connaitre car il témoignait d’ un passé africain, celui des royaumes d’avant la colonisation, où richesse des relations humaines  et paix faisaient bon ménage ; un passé qui te fascinait, comme t’ont fascinée les femmes et les hommes de Cote d’ Ivoire, du Mali et du Burkina Faso ; l’ autre livre un peu culte pout toi a été « LE METIER D’HOMME » d’ Alexandre JOLLIEN, handicapé de naissance, devenu écrivain et professeur de philosophie et dont tu partageais tout le code de valeurs inscrit dans un profond humanisme, dont tu admirais la façon dont il transcendait sa fragilité, en une force à toute épreuve ; je l’ai lu, sur tes conseils, avant que la maladie ne se déclare pour toi et je ne me doutais donc pas que le chemin tracé par cet homme préfigurait un peu le tien, un chemin fait de persévérance, écartant toute expression de colère ou d’ amertume et  porté par la bienveillance ;nul doute que tu étais complétement en phase avec cet homme d’ exception qui professait la richesse de toute personne, rejetait les jugements blessants et  les préjugés face au handicap

Jean-François Dugourd

Paulette Guinchard : le bonheur du simple !

C’est en lien avec la création d’activités par les femmes (programmes européens NOW), d’un colloque organisé par l’AFIP (Association de Formation et d’Information Pour le développement de l’activité en milieu rural) à la Saline royale d’Arc et Senans et de l’accompagnement collectif de porteurs de projets (programmes européens EQUAL), que j’ai eu l’occasion d’échanger avec Paulette Guinchard.

A l’occasion d’un café-installation, elle avait adressé un message limpide, faisant le lien entre la responsabilité politique, l’ancrage local, la cohérence des engagements et le poids des propos tenus. Sa proximité naturelle, sa capacité à tenir un argumentaire puissant avec des propos simples, nous touchaient toutes et tous et s’accompagnaient d’une vision persuasive.

Paulette Guinchard, insista sur la nécessité de s’appuyer sur le rôle des femmes, de ne laisser aucun public au bord de la route, de porter en responsabilité le rôle de l’Europe.

Ces ambitions pouvaient paraitre éloignées, alors qu’elles incarnaient équilibre et crédibilité intellectuelle. Faire raisonner, aux côtés des soutiens financiers, l’engagement de l’Europe au cœur des territoires ; cet engagement relevait pour elle, d’une responsabilité de tous et de tous les instants !

Nous étions, fin des années 90, début des années 2000, la suite allait malheureusement lui donner raison.

Paulette Guinchard incarnait pour moi le bonheur et la force du simple !

Elle était celle dont les messages et les actes marquent un individu et questionnent la société dans son ensemble !

Martine Duquet

La fidélité dans l’amitié

50 ans d’amitié qui se sont cultivées et enrichies lors de rencontres régulières, chaque mois, pour commenter et analyser l’actualité ; la ré-écrire avec des débats enflammés au sein d’une bande d’amis ; mais aussi savourer la vie avec des bons petits plats, s’évader par un acharnement au jeu et tout cela dans une ambiance joyeuse qui apaise, qui réconforte, où chacun peut être lui-même dans un climat bienveillant et d’écoute vraie.

C’était ça l’amitié avec Paulette qui savait traverser joie et épreuves de la vie de chacun, et qui permet d’être accueilli tel qu’il est, de se réconforter, repartir, rebondir…

Prendre du recul, rire aux éclats de tout ou de rien, …et repartir le lundi à la tâche bien ressourcé.

Peut -être le secret d’une vie épanouie dans l’action ?

Nous garderons dans notre cœur et notre mémoire cette journée tarot au sein même de l’Assemblée nationale mais chut !

Myriam El Yassa

Paulette Guinchard était une des plus grandes figures de la vie politique régionale et nationale

Issue d’une famille d’agriculteurs du Doubs, elle s’engage dans la Jeunesse agricole catholique, puis rejoint le PSU et milite également à la CFDT.

Infirmière de profession, elle ne cessera dès lors de porter attention à la condition des personnes âgées.

Elle est élue adjointe à l’environnement au côté de Robert Schwint en 1983, puis adjointe à l’intercommunalité en 1995, à l’origine de l’agglomération bisontine, deux sujets précurseurs. Elle sera aussi conseillère régionale pendant une dizaine d’années et adhérera au Parti socialiste. Son travail reconnu et sa popularité lui permettront de devenir députée, puis secrétaire d’État aux Personnes âgées. L’aboutissement de son engagement est sans doute la création de l’APA, l’allocation personnalisée d’autonomie, afin de permettre aux personnes âgées en perte d’autonomie de vivre dans la dignité, en écho au minimum social garanti mis en place sur Besançon, ce dernier qui inspirera le RMI sur le plan national.

Elle quittera la vie politique en 2007, diminuée par la maladie. Son dernier combat aura été de choisir le moment de sa mort. Une décision qui continuera de nous interroger, comme sujet de société.

Sa popularité n’avait d’égale que sa simplicité. Son engagement de toute une vie et sa générosité ne cesseront d’inspirer les jeunes générations et de nous inspirer. Une grande dame nous a quittés.

Le Parti socialiste présente ses sincères condoléances à sa famille et à ses proches.

Catherine Eme Ziri

De l’Assemblée au gouvernement

En 1997, le destin va lui sourire : le Parti socialiste veut donner de la place aux femmes. La loi sur la parité n’existe pas encore, la gauche plurielle la votera en 2000. Mais les socialistes veulent montrer l’exemple et ne pas payer les pénalités déjà prévues par la loi. Le PS réserve donc une circonscription du Doubs, la deuxième, à une femme, ce sera Paulette Guinchard. Le député sortant, Michel Jacquemin, UDF, est très bien implanté dans ce fief de droite et semble imbattable. Et pourtant, l’adjointe bisontine l’emporte. A la surprise générale, déjouant tous les pronostics. Surtout dans son propre parti.

L’une des explications de sa victoire, c’est son poste d’adjointe à l’intercommunalité. Elle a rencontré inlassablement les maires des environs, se faisant un réseau et arrivant à convaincre même hors de son camp politique.

Un contact simple et direct avec les citoyens

De plus, une autre raison peut être avancée : elle a un contact simple et direct avec les citoyens. Un don naturel, pas feint, pas calculé, qui lui permet d’être en empathie avec son interlocuteur, quel qu’il soit. Notable ou quidam, jeune ou vieux.

« Les vieux » : Paulette Ginchard désigne ainsi les personnes âgées, un terme qui n’est absolument pas péjoratif pour elle. Elle connait l’univers de la vieillesse, même de la vieillesse dégradée, du corps qui souffre et de la mémoire qui s’effiloche. Elle a été formatrice en soins pour personnes âgées.

De plus, dans sa vie familiale, elle a vu sa grand-mère paternelle atteinte d’une maladie génétique s’éteindre au domicile familial. Elle a vu son père atteint lui aussi par la même pathologie. L’homme est resté cinq ans, grabataire, dans son lit. Elle s’en est beaucoup occupée.

Paulette Guinchard est l’auteur de la loi qui donne naissance à l’APA

En 1999, Lionel Jospin, Premier Ministre socialiste, confie un rapport à la députée du Doubs qu’il sait sensible à la question de la vieillesse. Ce sera « Vieillir en France », un rapport dans lequel elle pointe les manques et fait des propositions pour mieux prendre en charge les personnes âgées dans notre pays.

Entre autres, elle préconise l’APA, Allocation Personnalisée d’autonomie, qui permet d’aider financièrement les personnes âgées à rester à domicile ou en établissement.

Puis, Paulette Guinchard est l’auteur de la loi qui donne naissance à l’APA. Reconnue pour son travail par Lionel Jospin et les professionnels de la vieillesse, elle est même chargée de la mettre en œuvre : elle entre au gouvernement en devenant secrétaire d’Etat aux personnes âgées. Un rapport, une loi, un poste ministériel : un trajet extrêmement rare. Michel Bourgeois, son suppléant, militant socialiste de longue date, la remplace alors l’Assemblée nationale.

En 2002, pour le bicentenaire de la naissance de Victor Hugo à Besançon, Jean-Louis fousseret, Paulette Guinchard et Lionel Jospin, Premier Ministre • © France Télévisions

Reconnue par tous dans le domaine de la vieillesse

Paulette Ginchard ne reste que 14 mois au gouvernement.

14 mois seulement mais 14 mois denses. Elle met en place l’APA et se rend compte immédiatement que cette mesure répond à un véritable besoin de la population. Les dossiers sont beaucoup plus nombreux que prévus, le financement doit être revu à la hausse. Preuve de son succès.

L’élection présidentielle de 2002 est un échec cuisant pour la gauche divisée. Lionel Jospin, socialiste, n’est pas qualifié pour le second tour qui oppose Jacques Chirac et Jean-Marie Le Pen. Il abandonne la politique.

Les législatives suivantes sont un désastre pour les candidats socialistes, tous battus en Franche-Comté (Jean-Louis Fousseret, Pierre Moscovici dans le Doubs, André Vauchez dans le Jura, Jean-Pierre Michel en Haute-Saône, Raymond Forni et Jean-Pierre Chevènement dans le Territoire de Belfort. Tous sont battus, sauf Paulette Guinchard qui est réélue dans la deuxième circonscription du Doubs.

A la fin de ce second mandat, qu’elle a passé dans l’opposition, elle décide de ne pas se représenter et d’abandonner la politique, fatiguée par plus de 20 d’engagement dans la vie publique, et déjà malade.

Une personnalité hors normes, très attachante

Femme dans un milieu très sexiste, elle ne revendiquait pas de manière exacerbée une place pour les femmes, elle ne se déclarait pas féministe militante mais elle savait que, par son exemple, elle pouvait aider d’autres femmes à s’engager. Elle vouait une grande admiration à sa mère, prénommée Paulette également. Sa mère avait eu de nombreux enfants, avait été agricultrice, s’était occupé de son mari malade durant des années. Et elle avait une retraite très active, très épanouie.

Paulette Guinchard admirait également Marguerite Vieille-Marchiset, une adjointe aux affaires sociales très active de Robert Schwint à Besançon. Et son modèle féminin en politique, c’était Martine Aubry, députée socialiste, maire de Lille et plusieurs fois ministre.

Selon elle, le principal obstacle des femmes pour accéder à des postes à responsabilités, professionnellement ou politiquement, c’est la prise de parole en public. C’est ce qu’elle trouvait le plus difficile, au début de sa carrière. D’ailleurs, à l’Assemblée nationale, quand elle devait répondre aux questions des députés en tant que membre du gouvernement, elle avouait une peur énorme.  « Heureusement », son ministre de tutelle, Bernard Kouchner, à la Santé, ne lui en laissait que peu l’occasion.

Faire de la vieillesse un « temps à vivre »

Si elle a été sensible aux questions de la vieillesse, par histoire familiale douloureuse, elle est devenue compétente et reconnue dans ce domaine par l’ensemble des professionnels.

L’APA, l’Allocation Personnalisée d’Autonomie est considérée comme une avancée sociale comparable à la création du RMI, le Revenu Minimum d’Insertion.

Elle s’est battue pour que ce secteur soit reconnu créateurs d’emplois et surtout d’emplois qualifiés. Ancienne formatrice en soins à la personne âgée, elle voulait que les aides à domicile soient reconnues dans leurs compétences et donc mieux rémunérées. Autre point sur lequel elle insistait beaucoup : les aidants familiaux, qui prennent en charge, tout ou en partie, un parent âgé et dépendant.

Son combat politique : mieux accompagner les personnes âgées en perte d’autonomie et faire de la vieillesse un « temps à vivre » : « Le temps de la vieillesse peut être un temps de la vie très beau, très différent mais très beau. »

Paulette Guinchard a occupé plusieurs mandats, d’adjointe à conseillère régionale, députée et même secrétaire d’Etat. En restant la même, en empathie avec les autres, elle disait : « Si on n’aime pas les gens, on ne doit pas faire de politique… ».

Dans une émission sur notre antenne, pour illustrer sa façon de faire de la politique, elle a choisi cette citation de Marivaux : « Bien écouter, c’est presque répondre. »

 Anecdotes

Quand elle est nommée ministre, Paulette est bien embêtée : comment s’habiller maintenant ? Une amie, peut-être Ghislaine de Sury ?, lui souffle la recette : tu mets du noir et tu ajoutes une touche de couleur. Très sérieuse et consciente d’être la représentante du gouvernement, Paulette appliquera la recette durant son passage au gouvernement et après… Avec cette amie, Paulette se rend dans un magasin pour faire le plein de pantalons, vestes, chemisier et tailleur. Sa réaction : « Tu te rends compte ? En pas deux heures, j’ai dépensé largement plus d’un trimestre de retraite de ma mère ! »

Selon Paulette, la plus grande difficulté des femmes est de prendre la parole en public. Pour elle non plus, faire un discours n’était pas au début un exercice qu’elle affectionnait. Sans parler de répondre aux députés lors des fameuses questions au gouvernement à l’Assemblée nationale…

En demandant conseil à une personne expérimentée, elle s’entend dire : « C’est simple, il faut que tu places deux mots dans n’importe quel discours : « tradition » et « modernité » et le tour est joué. » En fait, je crois que sa recette à elle, même si elle préparait ses interventions publiques, c’était déjà de parler avec son cœur, et ses auditeurs l’entendaient très bien !

Paulette est intervenue, quand elle était ministre, dans l’émission « Télé Matin » de William Leymergie. Elle a bien évidemment parler de son regard sur les « vieux », de l’accompagnement de la vieillesse, de l’allocation personnalisée d’autonomie… Quand elle part du plateau, le journaliste l’apostrophe à propos de ce qu’ils ont en commun tous les deux : les dents du bonheur ! Hilarité !

L’interview s’est très bien passée mais les téléspectateurs qui lui en ont parlé ensuite avaient retenu une seule chose : leur dentition ! Elle a un peu regretté que ce soit ce détail qui ait plus marqué le grand public que son message !

Groupe local EELV Grand Besançon

Courageuse, sincère, et militante jusqu’au bout ! Quelle leçon !

C’est un « pied de nez » bien dans son style qu’elle nous livre en portant ses idées jusque dans le choix de sa mort assumée. L’air de rien, sans tambour ni trompette aurions-nous envie d’écrire, mais quelle force. Elle ne demande sans doute même pas qu’on en fasse quoi que ce soit, juste qu’on inscrive dans nos mémoires qu’on peut porter jusqu’au bout un message militant.

Il y a tellement de situations qui rendent compte de la faculté qu’elle avait de ne rien concéder à la mode de la communication. Ministre, vous avez dit Ministre ? La belle affaire ! L’important n’est pas tant de s’en prévaloir que d’agir là où l’on est pour faire avancer les choses.

Ça lui venait de loin, à Paulette, cette capacité à sourire de son parcours même ; on pense à la Madeleine Proust qui doit être bien triste d’avoir perdu une sorte de copine… Parce que c’est de là qu’elle venait Paulette : d’en bas, du moins de ce qu’on pense être le bas, pour gravir les échelons, ceux des échelles de cerisiers, qui permettent seulement d’accéder aux plus hautes branches, pas pour frimer, mais pour cueillir les grappes les meilleures. Pas pour elle, mais les rapporter aux autres, sans lesquels il n’y a pas d’intérêt de faire quoi que ce soit.

Ils rendent hommage à une militante constante et efficace de la solidarité, qui a fondé ses choix politiques sur la sincérité et l’authenticité de ses engagements. Ils témoignent de son ouverture à l’innovation politique, en particulier en direction de l’écologie, de la vieillesse, de la solidarité, déterminant ses choix sur des convictions intellectuelles profondes.

Ils garderont le souvenir de son optimisme et de son sens des relations simples et directes.

Cécile Prudhomme, Secrétaire Régionale EELV Franche-Comté

Tilale El Yousfi et Claude Mercier, co-secrétaires du groupe local EELV du Grand Besançon

Ensemble ! 25

« La Paulette », une fille du peuple

Paulette Guinchard, « la Paulette » ou « Zaza », s’est donné la mort en Suisse le 4 mars 2021 par suicide assisté. Elle qui abhorrait les périphrases aurait détesté qu’on dise « elle a choisi de quitter la vie ». Son choix de mourir dans la dignité est certes un choix personnel – elle était affectée depuis des années d’une maladie génétique de plus en plus invalidante – mais c’est en même temps, alors même qu’un débat sur cette question se fraye un chemin, un acte politique, car ce faisant elle souligne la cruelle absence de législation de ce type dans notre pays.

« Seule ministre qui sait traire les vaches », disait-elle, née à Reugney, village du Haut Doubs, entre Ornans et Levier, elle avait très tôt, dès ses années d’étudiante à Besançon, milité à gauche. Comme un certain nombre d’entre nous elle avait adhéré dès ses vingt ans au PSU (Parti Socialiste Unifié) et s’était signalée, dans les années 1973-1974, par son soutien au MLAC (Mouvement pour la liberté de l’avortement et de la contraception). Mais à la différence de celles et ceux qui, prolongeant la tradition de ce parti à travers les Alternatifs, se retrouvent aujourd’hui à Ensemble!, elle adhère au PS en 1986.

Elle poursuit dès lors une carrière politique entamée en 1983, locale d’abord (conseillère municipale, adjointe, conseillère régionale), puis nationale (députée), ce qui la conduira à la vice-présidence de l’Assemblée. De manière symbolique elle la présidera lors de la Journée internationale des femmes. Renouant dès lors le fil rouge de toute sa vie, l’attention portée aux « vieux » comme elle disait, elle accède enfin au secrétariat d’État aux personnes âgées. « Paulette », qui en tant qu’infirmière en psychiatrie, avait très tôt été attentive à leur accompagnement, fait adopter en juillet 2001 l’APA (Allocation Personnalisée d’Autonomie), un texte qui leur permettant de rester chez elles ou de financer une partie de leur maison de retraite, change radicalement leur condition. Elle continuera dans cette voie en devenant Présidente de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie et de la Fondation de gérontologie.

Personnalité reconnue à gauche, elle avait eu l’occasion de faire un très beau discours en 1999 lors de la remise par Georges Séguy de la Légion d’Honneur à Robert Charles, figure du Parti communiste du Haut-Doubs et de Franche-Comté. Et ce devant un parterre de militants venus de tous les horizons. Soucieuse depuis toujours de la cause des femmes, c’est elle aussi qui remit en 2012 l’Ordre du Mérite à Édith Mougin, Présidente de Solidarité Femmes de Besançon, association dans la création de laquelle elle s’était impliquée.

Le respect souvent affectueux qu’elle a suscité dépasse et de loin, la question des appartenances et des différends parfois sérieux que nous avions avec elle (en dernier lieu sur les récentes élections municipales à Besançon, où elle a soutenu Alauzet (ex EELV) malgré son choix de soutenir LREM). « Fille du peuple » – ses parents étaient agriculteurs et elle a milité à la JAC (Jeunesse Agricole Catholique) – elle fut moquée pour son accent mais, regard clair et pénétrant, parole douce mais ferme, écoute attentive et empreinte d’une empathie profonde, convictions chevillées au cœur, Paulette fut certes une femme politique qui, modestement mais durablement, outre une attention précoce et persistante à l’écologie, aura marqué de son sceau le destin des personnes âgées. Mais elle fut aussi plus simplement une belle personne !

EPI, Espace Politique d’Innovation

Paulette Guinchard, dite Zaza pour beaucoup d’entre nous, souffrait depuis des années, ainsi que vous le savez sans doute, d’une maladie qui l’a dépossédée progressivement de ses capacités physiques. Elle a décidé de mettre un terme à sa souffrance. Une décision mûrie depuis de longs mois dont elle attendait un profond soulagement.

Pour elle, le mot « autonomie » avait un sens dans sa pensée, le choix des mots comme dans son action, en particulier avec la création de l’Allocation Personnalisée à l’Autonomie dont elle est à l’origine prenant en sorte le contre-pied de la prestation « dépendance », en vigueur à l’époque.

C’est autour d’elle qu’EPI est née, il y a tout juste 20 ans, « s’appuyant sur la culture d’une gauche bisontine ouverte, une volonté existe de trouver des réponses plus modernes et mieux adaptées à une société qui se transforme et se renouvelle à grande vitesse, s’ouvre à des problématiques nouvelles et appelle des solutions pour lesquelles on ne peut tout attendre de l’Etat » (extraits des statuts)

Elle s’est éteinte, paisiblement, ce jeudi 4 mars, à Berne.

Elle aura marqué la vie politique, sociale et environnementale de sa ville, de sa région et du pays tout entier. Elle est source d’inspiration.

Luc Faivre

Je me souviens de ce conseil municipal je dirais fin 1983, conseil municipal consacré exclusivement à l’énergie un samedi matin dans la salle Courbet, donc sous la houlette de Paulette.

La nouvelle équipe municipale de 1983 avait étendu la délégation initiale de l’environnement créée en 1977 à la maîtrise de l’énergie.

Elle était donc à la baguette sous les regards peu convenus voire méfiants des éléphants de l’époque, les BOICHARD, l’homme aux 10 000 sapins plantés, DEFRASNE l’homme aux bouteilles planquées, PONCOT pris dans le tourbillon des méandres de l’urbanisme, PINARD pris dans ses envolées lyriques… Elle présentait les projets nombreux dans ce domaine et plus faciles à financer compte tenu des prix du fioul de l’époque encore très impactés par le deuxième choc pétrolier.

C’était l’époque quand Henri (Schneider) et René (Fleury) essayaient des trucs, j’étais la petite main du haut de mes quelques 25 ans, nous avions installé les premières chaudières à condensation à gaz, révolution à l’époque avec les 105 % de rendement sur PCI (les gens croyaient qu’on récupérait plus qu’on consommait…), celle du 6 rue de la Madeleine avait même brûlé au bout d’une ou deux semaines suite à un retour de flamme et les conduits de fumée pourtant en inox déjà haut de gamme perçaient comme des feuilles de papier mouillé et ça coulait vert…

C’était aussi le temps de l’arrivée des chaufferies bois collectives avec beaucoup de déboires pour diverses raisons : combustion peu maîtrisée, alimentation du foyer aléatoire, combustible pas toujours de qualité… Donc, Henri s’en méfiait malgré sa recherche permanente d’innovation…

Et au terme de son intervention, la Paulette tranquille sur ses talons, conclut au bout de bien 2h00 de tribune en s’adressant à la salle : «  il y a quand même quelque chose que je ne comprends pas dans l’évolution actuelle et avec la volonté politique de la ville dans ce domaine de l’énergie, nous n’avons encore installé aucune chaufferie bois dans un des bâtiments municipaux, alors que le directeur et le directeur-adjoint (René à l’époque) du service électricité-chauffage ne se chauffent plus au fioul mais au bois chez eux depuis quelques mois… »  Ils avaient effectivement pour faire baisser leur facture coupler leur chaudière FOD avec une chaudière à bûches…

J’ai beaucoup apprécié ce petit taquet, je dois dire que je les ai regardés autrement après…

J’avais rappelé cette anecdote à Paulette quand elle m’avait invité à déjeuner à Chaux-Neuve il y a 5 / 6 ans, anecdote dont elle ne se souvenait plus, mais pas autrement surprise qu’elle ait pu en être l’auteure…

Je me souviens aussi quand elle était venue à l’atelier de chauffage composé à l’époque d’une petite quinzaine de bonshommes dont certains allaient encore charger matin et soir les quelques chaudières charbon qui subsistaient dans des écoles (Herriot, Fontaine-Ecu, Rivotte…) dont certaines sont devenues des chaufferies bois installées par Myriam (Normand) quelques décennies plus tard. Paulette leur expliquait en deux coups de cuiller à pot le lien entre les pourcentages d’énergie économisés, fruit de leur action quotidienne, et le pourcentage d’augmentation d’impôt évité par ce biais… Ils avaient beaucoup, beaucoup apprécié les bougres qu’on leur explique ce lien, pédagogie que René et moi utilisions déjà dans nos fonctions respectives.

Olivier Faure

Paulette Guinchard était une des plus grandes figures de la vie politique régionale et nationale

Issue d’une famille d’agriculteurs du Doubs, elle s’engage dans la Jeunesse agricole catholique, puis rejoint le PSU et milite également à la CFDT.

Infirmière de profession, elle ne cessera dès lors de porter attention à la condition des personnes âgées.

Elle est élue adjointe à l’environnement au côté de Robert Schwint en 1983, puis adjointe à l’intercommunalité en 1995, à l’origine de l’agglomération bisontine, deux sujets précurseurs. Elle sera aussi conseillère régionale pendant une dizaine d’années et adhérera au Parti socialiste. Son travail reconnu et sa popularité lui permettront de devenir députée, puis secrétaire d’État aux Personnes âgées. L’aboutissement de son engagement est sans doute la création de l’APA, l’allocation personnalisée d’autonomie, afin de permettre aux personnes âgées en perte d’autonomie de vivre dans la dignité, en écho au minimum social garanti mis en place sur Besançon, ce dernier qui inspirera le RMI sur le plan national.

Elle quittera la vie politique en 2007, diminuée par la maladie. Son dernier combat aura été de choisir le moment de sa mort. Une décision qui continuera de nous interroger, comme sujet de société.

Sa popularité n’avait d’égale que sa simplicité. Son engagement de toute une vie et sa générosité ne cesseront d’inspirer les jeunes générations et de nous inspirer. Une grande dame nous a quittés.

Le Parti socialiste présente ses sincères condoléances à sa famille et à ses proches.

Marcel Ferréol

Le « départ » de Paulette m’a profondément attristé. Je l’aimais et l’estimais beaucoup. Elle a été une grande personnalité et une « grande femme » de notre région. Elle a apporté une grande nouveauté dans la vie publique et la politique : un rapport différent et plus modeste au pouvoir et une relation bienveillante aux gens.

Je l’ai assez bien connue dans son activité politique, je pense l’avoir accompagnée au sein du PS où elle n’était pas la bienvenue.

Me reste le souvenir amer des conditions indignes du vote qui l’ont empêché d’être candidate à la Mairie de Besançon.

Souvenirs de la confiance qu’elle m’a témoignée dans l’action de soutien et de coopération avec la Roumanie.

Complicité dans notre campagne citoyenne de 2012 de soutien à la candidature de Martine Aubry. D’autres souvenirs plus personnels dans le cadre de notre amitié mutuelle que je n’oublierai pas.

Fédération hospitalière de France

Au-delà de sa compétence dans les questions de Santé, de solidarité et d’autonomie, « Paulette », comme beaucoup de nous l’appelions, était une personnalité politique hors normes, dotée d’un franc-parler, d’une simplicité et d’une attention aux autres qui resteront dans nos mémoires.

Très attachée aux territoires ruraux, comme son village natal de Reugney ou son domicile dans la Val de Mouthe, elle a fortement promu l’accès géographique aux soins à travers les Hôpitaux de Proximité, et aimait vanter l’exemplaire fonctionnement de son Hôpital local de Mouthe.

Catherine Sadon, maire de Semur en Auxois, Présidente de la Fédération Hospitalière de France – Bourgogne Franche-ComtéPatrick Genre, Maire de Pontarlier, Vice-Président

Marcel Fleury

Tu nous as quittés par un acte de vaillance que tu as voulu exemplaire.

Tu es entrée en même temps que moi au Conseil Régional de FRANCHE –COMTE en 1986 et je peux dire que dans ton sillage au sein du groupe socialiste, un air nouveau a soudain émergé.

Ensuite en tant que Secrétaire du COMITE REGIONAL pendant de longues années, je suis à même de témoigner que, dans tous les postes électifs occupés, tu as toujours continué à nous inspirer confiance; tu t’y es dévouée intensément tout en respectant scrupuleusement les règles de fonctionnement prévalant au Parti

Alain Fousseret

Une mémoire éternelle

Je n’ai jamais milité dans le même parti que mon amie Paulette, mais dans le cadre de ma vie militante et amicale, j’ai eu l’occasion de la croiser, de la côtoyer, de vibrer avec elle un certain nombre de fois, et ces moments resterons pour moi inoubliables.

Ses engagements et ses passions ont coloré tout son cheminement politique. J’ai pu l’apprécier depuis les années 80. Plus particulièrement lors d’un voyage d’étude en 1986 dans les grands espaces naturels québécois que nous avions découvert dans le cadre d’une délégation régionale de la DRAE (Direction Régionale à l’Architecture et à l’Environnement) de l’époque.

Puis ce furent des cheminements croisés pour nous deux, elle dans son engagement au parti socialiste sur Besançon, la région et à l’Assemblée nationale, et moi dans mon engagement dans le mouvement national et régional des Verts. Nous avions eu un secret espoir en 2004 de la voir désignée comme tête de liste de l’union de la gauche et des écologistes pour les élections régionales mais les militants socialistes en avaient décidé autrement.

Ces dernières années, alors que nous n’étions plus vraiment, ni elle ni moi, aux « responsabilités » que nous avons eu de beaux et lumineux échanges partagés avec sa belle équipe d’amis.

Je garderai le souvenir de cette Paulette juché sur son engin électrique et sillonnant les pâtures autour de Chaux Neuve pour nous montrer qu’elle pouvait « tout à fait » nous accompagner en Calabre dans le petit village escarpé de Riace, à la rencontre des migrants ou cette petite lumière qui brillait dans ses yeux dans la basilique de Vézelay alors que nous y découvrîmes la symbolique de son architecture.

Malgré cette terrible maladie, elle aura su rester curieuse et imaginative, sereine et paisible, et déterminée dans l’adversité. Elle n’a pas cessé de nous apporter des leçons d’une grande beauté. Elle aura su nous les donner jusqu’à son dernier souffle et sa mémoire restera éternelle.

 

Pierre Gainet

Je n’ai appelé Paulette « Zaza » que de très rares fois. Pour moi, Paulette, c’était Paulette. Je l’ai rencontrée pour la première fois alors que je faisais du théâtre au lycée Pasteur avec Sandrine Monnier qu’elle hébergeait. J’avais tout de suite senti sa bienveillance et son intérêt pour les gens.

J’ai eu la chance de participer à sa campagne législative de 1997 en jeune militant socialiste que j’étais. Je me revois arpentant les routes du canton de Roulans avec Joaquim Ferreira, pour assurer l’affichage et son entretien. Paulette avait la même considération pour les membres de son équipe, quels que soient leurs apports. La tâche qui m’avait été assignée était en outre visionnaire, vu la tâche qui me fut confiée 7 ans plus tard de représenter le PS aux cantonales dans ce même canton de Roulans…

Plus tard, j’ai eu l’occasion de la rencontrer en tant que Président de l’association Aides pour parler des difficultés rencontrées par les personnes séropositives et par leurs proches. Toujours attentive, elle répondait présente à nos assemblées ou nos invitations.

Ensuite, j’ai connu Paulette en tant qu’employeur. Lorsque Nicolas Perrette a décidé d’embrasser une carrière d’entrepreneur avec Simon Vouillot, il lui fallait recruter un nouvel assistant parlementaire en circonscription. Elle m’a proposé le poste que j’ai accepté promptement, connaissant la valeur de l’élue pour laquelle je m’apprêtais à travailler.

Débutèrent quatre années d’apprentissage intensif de la vie politique, de la vie professionnelle, de lassitudes, de colères parfois… Car de telles fonctions ne sont pas un long fleuve tranquille.

Sitôt arrivé à sa permanence que Paulette est nommée au gouvernement. Son travail de terrain, son sens de l’écoute, sa combattivité étaient enfin justement récompensés. Les vieux allaient enfin être écoutés. Le travail d’aide à domicile mieux reconnu. L’APA allait succéder à une Prestation spécifique dépendance inadaptée. Vingt ans plus tard, cette réforme majeure du gouvernement Jospin est toujours en vigueur, preuve de sa pertinence. Les ors de la République peuvent monter à la tête et transformer les gens. Pas Paulette.

Paulette n’a jamais oublié d’où elle venait. Elle est restée fidèle à son territoire. La preuve : dans cette deuxième circonscription du Doubs, réputée de droite, qui lui avait été confiée car non gagnable, Paulette est brillamment réélue en 2002 dans un contexte politique apocalyptique pour la gauche. Elle est la seule rescapée de gauche de ce scrutin sur l’ensemble de la Franche-Comté ! N’oublions pas pour l’occasion son suppléant, Michel Bourgeois, Conseiller général du canton de Marchaux et Maire de Devecey, qui a assuré les fonctions de Député de la circonscription lors du passage de Paulette au Gouvernement.

Pour moi Paulette, c’est une vraie responsable politique. Forte de valeurs solidement ancrées en elle, elle savait mieux que quiconque le chemin parfois sinueux qu’il fallait emprunter pour au mieux les défendre.

Responsable car le parti socialiste bisontin menaçait de se scinder après cette terrible campagne interne fin 2000 qui devait la départager de Jean-Louis Fousseret pour savoir qui mènerait la liste socialiste et d’union de la gauche aux élections municipales de l’année suivante. Sèchement battue, elle doit cependant consoler ses partisans et les inciter à ne pas quitter le navire.

D’aucuns pensent que la création d’EPI, Espace Politique d’Innovation, était une tentative de concurrencer le PS de manière revancharde. C’est bien au contraire un moyen de continuer à construire une pensée de gauche avec des gens dont les opinions vont au-delà des seuls socialistes.

Paulette savait rassembler, dépasser les clivages idéologiques.

Paulette savait également transmettre ses doutes, ses moments de découragement et son stress à son équipe proche. Nous étions en quelque sorte une éponge à stress qui permettait ensuite à Paulette de reprendre sa route et de se consacrer aux autres avec sans cesse la même écoute.

Avec Fabienne et Marie-Édith, nous faisions tourner la permanence de Palente. C’était également avec le soutien de bénévoles très investis tels que Josiane Valony, Jacqueline Cuenot, Louis Martin, Michel Jeanningros ou même Marc Chapelain, ancien Maire et Conseiller général d’Ornans, qui apportait toute son expertise de terrain.

Lors de ses moments d’angoisse, nos réunions de travail se résumaient à une distribution des dossiers qui étaient empilés sur son bureau et qu’elle nous répartissait, après quoi elle estimait avoir bien travaillé et retrouvait un peu de sérénité.

Je me souviens également de certaines expressions, notamment lorsqu’elle nous demandait, à l’occasion de félicitations ou de condoléances, de faire « un mot de [sa] main ».

Ces anecdotes nous amusaient tant l’ambiance qui régnait dans cette permanence était conviviale et que nous y trouvions une réelle solidarité.

Je me souviens également des déjeuners au FJT des oiseaux qui permettaient de rencontrer de nombreuses personnes, d’être au contact des gens, des jeunes, du monde du travail.

Paulette a su mettre en avant les autres, faire se rencontrer les talents, ce qui n’est pas si courant dans le domaine politique.

Elle était à l’écoute des personnes avec lesquelles elle travaillait. Si bien que sur la proposition d’un de ses collaborateurs de l’agence d’urbanisme, l’Audab, est venue l’idée d’un classement de Besançon au patrimoine mondial de l’Unesco, idée folle devenue réalité quelques années plus tard.

Travaillant depuis bientôt six ans au sein du Grand Besançon, j’ai pu mesurer l’importance de l’action de Paulette dans la construction de cette intercommunalité.

Bien qu’ayant eu quelques regrets concernant sa désignation pour les municipales de Besançon de 2001 ou les régionales en Franche-Comté de 2004 (ou la décision de choisir Raymond Forni fut prise dans le bureau du Premier secrétaire du Parti socialiste de l’époque), j’ai surtout beaucoup appris et je lui dois tout ce que je suis maintenant à titre professionnel.

J’ai vu comment cette femme – qui n’a jamais fait de sa féminité un argument de campagne – exerçait son mandat, comment certains à l’époque la prenaient de haut ou avec condescendance et comment elle passait outre, comment elle serrait les dents et essayait d’avancer coûte que coûte quand d’aucuns sous-entendait qu’elle ne serait pas capable de gérer une collectivité avec un budget important… J’ai vu sa loyauté à son parti, mais surtout sa loyauté à ses idées, à ses électeurs, à ses valeurs.

En ces temps troublés mêlés de désillusions, c’est en s’inspirant de son exemple que nous pourrons, peut-être, renouer les liens essentiels entre les citoyens et leurs représentants.

Merci Paulette.

Bertrand Gaume

Paulette Guinchard : une femme qui m’aura influencé à jamais.

C’était il y a 22 ans. C’était en 1999.

Je venais de réussir le concours de l’ENA et je commençais mon service national au service de presse de Matignon tandis qu’un ami, assistant parlementaire de Paulette à Paris, me propose de travailler avec elle alors qu’elle vient d’être désignée comme parlementaire en mission pour le gouvernement. Notre rencontre est simple et directe. Elle cherche un appui, au surplus de son équipe et des fonctionnaires mis à sa disposition, pour l’accompagner dans ses auditions et en assurer des synthèses sous son orientation politique.

A ses côtés, j’ai appris le sens de l’écoute, le respect des personnes rencontrées : des soignants, des aidants professionnels ou familiaux et, surtout, des personnes âgées, qu’elles appelaient simplement les vieux. A ses côtés, j’ai vu une humanité et une attention aux autres exprimées avec des mots et des attitudes empreintes de dignité et de force. Comme elle le disait, vieillir n’est pas une maladie et les épreuves du temps qui passe nous touchent toutes et tous. Cela doit nous obliger collectivement dans nos politiques publiques ; c’était sa conviction profonde avec ce rapport « Vieillir en France », avec son action plus tard comme ministre puis comme présidente la CNSA. Elle mettait en acte ses convictions en chaque instant, convaincue que la meilleure des idées ne fait pas sens si elle s’incarne dans une tentative d’application dans le réel. Cette volonté et cette détermination à appliquer ses convictions, elle l’a incarné par son acte ultime de liberté personnelle qui est aussi un acte éminemment politique.

Merci Paulette pour cet accueil, ce modèle d’engagement quand nous nous sommes retrouvés entre 2002 et 2004 alors que j’étais en fonction à Besançon comme sous-préfet, et enfin ce modèle de vie avec Denis lorsque nous vous rejoignions pour des escales franc-comtoises.

Merci d’avoir accepté de présider mon mariage avec Sylvie qui restera à jamais comme un moment de lumière en décembre dans nos cœurs. Merci.

Christian Gillmann

Quelques souvenirs de mes rencontres avec Zaza

On s’est connus certainement fin de l’année 1968 aux réunions des ESU (Étudiants Socialistes Unifiés), moi j’étais à l’IUT et Zaza en sciences éco. Nous avons fait ensemble la campagne présidentielle de Michel Rocard et je me souviens que l’on a été même la faire à Reugney où j’avais rencontré la première fois les parents de Zaza.

Par la suite, année 70, on a été à la MNEF de Besançon, Zaza était présidente de la section et moi trésorier.

Ensuite elle a abandonné la fac pour travailler chez Camponovo où on allait la voir.

Pendant le premier conflit Lip 73, je crois que Zaza avait commencé à mettre en place un groupe femme avec Madeleine Laude. Elle était modératrice par rapport à la radicalité de Madeleine.

Dans cette période il y avait la lutte pour l’avortement et la contraception (MLAC), je crois que Zaza faisait partie des équipes qui faisaient des avortements par la méthode Karmann.

Souvenir personnel en octobre 78 j’étais en stage à Bourg en Bresse et je logeais à Macon, le 24 octobre je reçois un coup de fil me disant que Régine, mon épouse, allait accoucher et c’est Zaza qui a accompagné Régine à la maternité, c’est elle qui a vu Damien en premier, moi je suis arrivé une heure après, venant de Macon.

Autrement on a fait du ski ensemble à Bardonechia avec les enfants, son frère Paul dans les années 80.

Une de ses grandes fiertés c’était le jardin des senteurs au bord du Doubs.

Quand elle était députée je l’ai accompagné dans quelques-unes de ces tournées dans la circonscription et j’étais toujours étonné par sa capacité à dialoguer avec les personnes et toujours bien accueillie.

Lors des élections présidentielles de 2002, 1er tour avant les résultats officiels on était au bureau de vote du Chemin Français lors du dépouillement, Zaza recevait un coup de fil de Martine Aubry lui annonçant l’élimination de Jospin.

Autre souvenir quand Zaza revenait de Côte d’Ivoire elle aimait ramener des tissus très chatoyants de là-bas.

On s’est naturellement vu souvent aux Gras, j’ai une photo d’elle prise en 1983 avec George son fils.

Claude Girard

Paulette a été, pour toute une génération d’élus, de militants de gauche et de simples citoyens, un exemple dans sa façon de faire de la politique. Pour certains, elle était même une exception.

Faire de la politique autrement, c’est souvent une volonté exprimée par beaucoup mais que bien peu mettent en application.

Pour Paulette, c’était évident et naturel. Je pense qu’elle avait un don pour parler simplement (un mot qu’elle employait souvent au début de ses phrases !!).

Elle aimait beaucoup le terme de « gens de peu », titre d’un bouquin du philosophe Pierre Sansot.

Je me souviens d’un épisode pendant la « fameuse » campagne des législative de 1997. On était un petit groupe à l’accompagner pour un porte-à-porte à la Cité Viotte. Elle a passé la matinée dans un appartement avec des vieilles dames maghrébines à boire du thé accompagné de gâteaux « maison ».

Des femmes qui n’avaient certainement pas le droit de voter, mais avec lesquelles elle avait envie d’échanger, de les écouter évoquer leur vie dans la cité, parler de différents sujets y compris la prise en charge par la famille des vieux dans cette population.

Combien d’autres fois, elle a pris sur son temps pour porter attention, s’intéresser à la vie des gens, en particulier les plus fragiles.

Je pense qu’elle avait besoin de ces contacts pour forger ses convictions et trouver des solutions pour améliorer leur quotidien.

Malgré l’emploi du temps chargé d’une Députée dans son immense circonscription et davantage encore quand elle était Secrétaire d’État, elle tenait à être présente à l’arbre de Noël d’Arc-en-Ciel (l’association de Palente-Orchamps), de rencontrer l’association de la Cité Viotte « De vous à nous », d’aller à la rencontre de la Banque Alimentaire et des Restos du Coeur, ou encore l’association « Les Invités au Festin » qui milite pour une autre prise en charge des handicapés psychiques.

Comme son amie Martine Aubry, dont elle était proche, elle avait travaillé sur le concept du « Care », concept du « prendre soin ». Même si ce concept n’a pas eu beaucoup d’échos en France, elle était intéressée par cette approche des gens avec le sens de l’empathie, de la sollicitude, de la proximité, de l’écoute et de l’attention aux plus vulnérables. Ce sont tous ces mots qui définissent le « Care ».

Mais c’est aussi et surtout la volonté d’apporter des réponses concrètes dans le cadre des politiques publiques.

La mise en place de l’APA en est l’exemple parfait : identifier un besoin (c’est le rapport « vieillir en France ») et se battre pour mettre en place un dispositif, une nouvelle allocation universelle pour la prise en charge de la dépendance des personnes âgées en établissement et à domicile.

Paulette aimait aussi partager et discuter de ses lectures, des ouvrages et des auteurs qui l’avaient marquée. Sans doute son dernier « coup de cœur » a été pour le premier tome des mémoires du Président Barak Obama. Elle avait de l’admiration pour cet homme qui, dans sa jeunesse, avait été travailleur social.

Elle m’avait faire découvrir, il y a déjà quelques années, le poète et philosophe libanais Khalil Gibran et son chef-d’œuvre « Le Prophète ». Elle avait offert un exemplaire du Prophète à ma fille aînée pour son mariage.

Gibran y parle du mariage, des enfants, de la liberté, de l’amitié : « Votre ami est la réponse à vos besoins. Il est votre champ dont les semailles sont amour et la moisson, reconnaissance… Et dans la douceur de l’amitié, qu’il y ait rire et partage de plaisir. Car dans la rosée des petites choses, le cœur retrouve son petit matin et ainsi il s’en trouve rafraîchi ».

C’est cette belle amitié que nous avons partagée avec Paulette et Denis lors de nos week-ends dans la chaleureuse maison de Chaux-Neuve, avec mon épouse Evelyne et les amis de Pagnoz, Joëlle et Pierre.

Malgré la maladie de Paulette, nous avons passé de bons moments ensemble.

Merci Paulette, merci pour tout.

Bernard Girardot

Pour moi, Paulette, penser à toi me replonge 45 ans en arrière, sur le plateau du Larzac lors de la grande marche des paysans. C’est là que nous avons fait plus ample connaissance et qu’a pris naissance l’amitié que j’ai pour toi.

Puis ensemble nous avons milité au PSU avec d’autres copains ; à LIP ou ailleurs jusqu’au moment où je me suis dirigé vers le milieu associatif, alors que toi, tu continuais à t’investir dans la politique avec le succès que l’on sait.

Ce que j’ai toujours apprécié chez toi, c’est ta chaleur humaine, ta rectitude, ta franchise et ton humanisme. Cet humanisme qui depuis ton combat permet à un grand nombre de nos « vieux » concitoyens de vivre mieux. En leur nom, je me permets de te dire : Merci Paulette !

Gilles Goezler

Avant de venir à notre amie Paulette, je pense qu’il convient de faire un petit rappel sommaire de notre aventure…

Dans l’année 2015, l’actualité terrible en provenance d’Irak relatait les exactions contre les chrétiens d’Orient. Sensibilisé à cette détresse humaine, nous avons décidé avec quelques connaissances de créer l’Association Accueil et Solidarité des Hauts du Doubs. Elle a vu le jour en Mairie de Mouthe le 15 octobre 2015 avec le soutien des élus de la CCHD (maintenant SIVOM).

Les bases de l’Association ont été mises en place ce même jour avec la constitution du bureau. Parmi les membres actifs et plein de bonne volonté je dois citer en premier lieu Denis Pagnier lequel a été nommé Trésorier. Je savais que je pouvais compter sur quelqu’un de très fiable.

Le 7 août 2016, après bien des péripéties administratives, enfin nous avons accueilli à l’aéroport de Lyon une famille irakienne composée de 10 personnes dont deux personnes âgées et 3 petits enfants.  Transportée à Mouthe, elle a intégré un appartement dans l’ancien Peloton de surveillance et d’intervention de la Gendarmerie propriété du SIVOM.

Comment vais-je vous parler de Paulette maintenant ?

C’est un exercice bien compliqué. Je ne suis sans doute pas très bon pour rédiger ce type de papier. Mais, j’ai tellement de respect pour elle que je ne peux pas refuser même si c’est compliqué pour moi. Déjà, il faut remettre notre première rencontre dans son contexte. Moi, l’ancien major de gendarmerie, toujours très respectueux des institutions je savais où résidait Paulette et avec qui. Mais pour moi, c’était la Secrétaire d’Etat, donc une personne « intouchable ».

Je n’ignorais pas la grave maladie qui la martyrisait. Lorsque Denis, chez lui, m’a présenté pour la première fois Paulette, j’étais sur la défensive et un peu impressionné de me retrouver face à elle.  Immédiatement, alors que nous ne nous connaissions pas, la glace a été rompue. Pas de chichi ni de formalité avec Paulette laquelle m’a mis à l’aise de suite devant un café et des gâteaux. Curieuse de notre engagement, très à l’écoute, j’ai compris qu’elle appréciait particulièrement notre geste pour ces pauvres Irakiens (bien qu’elle en connaissait déjà tous les détails par Denis).  Les échanges ont de suite été cordiaux, constructifs et efficaces. Dans l’Association, j’utilise énormément Denis qui se donne sans compter. Paulette spontanément a insisté pour nous aider dans le parcours administratif qui nous attendait. Cette aide providentielle nous a ouvert de nombreuses portes. Je n’ose penser aux nombres de téléphones qui ont dû être passés par eux deux.

Pour nous, les difficultés ont démarré avant même d’avoir pu accueillir ces deux familles. En effet, rappelez-vous la période, c’était au moment où la France était attaquée successivement par des attentats d’une violence inouïe. La liste des morts innocents devenait longue, trop longue. Le Gouvernement, devant ces actes de guerre a suspendu du jour au lendemain tout mouvement migratoire. Paulette dans ces moments de doute nous a conseillés et orientés et soutenus. La situation était compliquée. Nous avions obtenu un bel appartement par la collectivité mais, nous n’avions personne à y mettre. C’était frustrant et surtout les mois s’égrenaient…

Matériellement tout était en place mais, pas de migrant !!! Certains élus commençaient à me mettre la pression. Dans ces moments de difficultés, Paulette rompu à bien plus de pression lorsqu’elle exerçait ses plus hautes fonctions savait dédramatiser et nous rassurer.  Elle avait pleine confiance dans notre engagement.  Mais elle aussi s’est engagée dans cette aventure et pas qu’un peu. A chaque difficulté ou complications administratives, par l’intermédiaire de Denis, une solution émergeait et se concrétisait. Je ne vais pas énumérer ce qu’elle a fait. C’est juste considérable, sans elle cette aventure aurait existée mais avec quelles difficultés pour nous ! Elle a su nous ouvrir des portes infranchissables, sans doute que je ne l’ai pas assez remerciée pour cela.  Son efficacité, son empathie et son humanisme ont été remarquables.

J’ai pu apprécier sa grande compassion vis-à-vis de notre famille Irakienne. Elle accueillait chez elle non seulement nos réunions mais aussi nos amis Irakiens. Je voyais qu’elle avait plaisir à les recevoir, à les questionner, à les encourager dans leur nouvelle vie. On ressentait chez elle l’amour des gens et, je crois que ce que nous avons fait pour ces étrangers la touchait au plus profond d’elle. Paulette aimait les gens, c’est indéniable. Sa grande gentillesse, sa simplicité, son origine modeste fait qu’on se trouvait de suite à l’aise à ses côtés. Nos amis Irakiens l’appréciaient particulièrement mais moi aussi.

Je lui serai à jamais redevable pour son engagement.

Nous avons perdu une très belle personne.

Jeannette Gros

Paulette a beaucoup compté pour moi et aujourd’hui, ma pensée va encore souvent vers elle. Nous avions en commun nos profondes racines rurales, et notre accent, bien reconnaissable, faisait reconnaître notre région dans d’autres coins de France où nous passions (« vous avez le même accent que Paulette ! »).

Nos engagements nous ont fait nous retrouver à Paris à la même période, moi comme présidente nationale MSA et Paulette comme députée. Sa nomination comme Secrétaire d’État auprès des personnes âgées nous a encore davantage rapprochées, car le projet sur la future loi APA nous tenait toutes deux très à cœur.

Nous ne voyions pas l’APA comme seulement une aide financière indispensable mais comme aussi l’occasion de faire avancer un vrai projet de société où les personnes âgées soient prises en compte à part entière jusqu’à la fin de leur vie.

Paulette a beaucoup parcouru les régions, visité des expériences nouvelles, et tout ce qui favorisait l’épanouissement de nos anciens l’intéressait. Sa simplicité, son sourire et son ancrage de terrain ont décontenancé plus d’un grand théoricien. Son humanisme viscéral transparaissait inévitablement dans sa façon de s’adresser au public : elle aimait les gens… c’est tout.

Pour moi, sa grande compétence et son humilité font d’elle une « grande Dame » de notre temps que j’ai eu la chance de côtoyer et d’apprécier.

Jeannette Gros. Anciennement Présidente de la Caisse Centrale Mutualité Agricole (dec.1997 à mai 2005) ; Présidente Conférence régionale santé (2006-2009) ; Présidente Institut Régional d’Éducation Santé (2009-2013)

Geneviève Gueydan

C’est à la CNSA que nos chemins se sont croisés, Paulette Guinchard présidente et moi directrice. Quelques images d’abord. Sourire lumineux de Paulette dans les couloirs de la CNSA, expliquant aux équipes, déambulateur décoré de fleurs en mains, toute l’importance de changer de regard sur les aides techniques. Paroles fortes, brins d’humour et regard concentré, lors des longues séances du Conseil qu’elle animait avec brio, qu’elle « animait » en leur donnant une âme.  Accents franc- comtois mêlés des rires de ses petites filles, émotion entre rires et larmes, lors de la remise par François Hollande de l‘insigne d’officier de la légion d’honneur.

Ce qui rendait Paulette unique, forçait l’admiration et le respect, c’était sa manière d’incarner ses valeurs, ses combats. Lors du Conseil, loin des propos institutionnels et convenus, c’est forte de son expérience revendiquée de « personne et âgée et handicapée », qu’elle dénonçait l’invisibilisation et la dévalorisation des « vieux » et des « handicapés », et réclamait pour eux dignité, droits et soutiens. Dans ses prises de positions, c’est la femme d’action et de convictions, conjuguant finesse et audace, détermination et sens du concret, qui transparaissait ; toutes qualités qui ont rendu possible la création de l’APA, avec ses millions de bénéficiaires. Merci madame Guinchard, grande dame du social !

Nous aimions Paulette parce qu’elle était bienveillante, pleine de vie et aimante. Nous l’admirons parce que jusqu’au bout, elle a été elle-même : une femme lucide et courageuse face à l’épreuve d’une terrible maladie, une femme engagée et libre de son ultime choix.

Jean-Michel Guyon

Paulette Guinchard et l’hôpital de Mouthe, c’est une longue histoire d’engagement, de passion.

Paulette est d’abord intervenue comme consultante en 1993, ou son entreprise avait été retenue pour un audit missionné par un directeur qui pour son premier poste, avait décidé de sauver les lits sanitaires. Nous avons gardé le souvenir de sa compétence, de son expérience de terrain, de sa bienveillance qui nous avait permis de reprendre confiance, et redynamiser ce petit hôpital local.

Ce fut le début d’une grande histoire de soutien sans faille de notre petite structure dans tous les postes à responsabilités qu’elle a assumée avec compétence et engagement. Elle n’a eu de cesse, à travers ses mandats, que ce soit mandats régionaux et nationaux, de défendre et soutenir notre établissement.

Cette bienveillance nous obligeait à être un établissement dynamique, innovant. Et nous nous sommes efforcés pendant toutes ces années à être à la hauteur de son engagement et de son éthique sur la prise en charge des personnes âgées.

Elle nous a accompagnée dans un premier temps à sauver nos lits sanitaires (5 tentatives de suppression en 25 ans) puis dans tous nos projets structurants : reconstruction avec maison de santé intégrée, regroupement au sein d’un établissement intercommunal.

Mouthe un des plus petits hôpitaux de proximité (13 lits sanitaires) de France, en danger permanent au gré des reformes destructrices avait toujours un ange gardien, à l‘ARS, à la DGOS, au ministère, pour défendre ce petit hôpital isolé dans nos belles montagnes du Jura.

Nous savons ce que nous lui devons, nous sommes heureux d’avoir pu lui proposer des services de santé de proximité pour l’accompagner dans son combat contre la maladie, tout petit retour sur 25 ans de soutien puissant et constant et de bienveillance continue.

Merci Paulette pour tout.

Didier Hassoux

Paulette Guinchard-Kunstler, carte merveille, Libération, 15 janvier 2002

Guinchard-Kunstler, 52 ans, secrétaire d’Etat aux Personnes âgées. Lionel Jospin la cite en exemple.

Un couple s’apprête à s’embrasser à pleine bouche. Des rides parcourent, creusent, embellissent les visages de l’homme et de la femme. De l’amour, couleur sépia. Paulette Guinchard-Kunstler a choisi la photo elle-même. Au dos, la secrétaire d’État aux Personnes âgées écrit ses voeux. A certains heureux destinataires, «madame la ministre» glisse un roman, en guise de cadeau de début d’année. Dans Une si longue lettre (le Serpent à plumes), la Sénégalaise Mariama Bâ écrit: «Mon coeur est en fête chaque fois qu’une femme émerge de l’ombre.»

Ces temps-ci, c’est Paulette Guinchard-Kunstler qui émerge de l’ombre, et veut bousculer les «contraintes sociales». Elle est devenue, malgré elle, la favorite de Lionel Jospin. C’est un conseiller de Matignon qui l’affirme: «Elle fait partie du trio de tête avec Mélenchon (Enseignement technique) et Patriat (Commerce et Artisanat)». Chouchoute mais pas chouchoutée: Jospin se sert d’elle et des autres pour parfaire son image de candidat. Honnête et travailleuse. Paulette n’est pas du genre Pompadour. Elle n’en a pas le physique. Ni le sens de l’intrigue ou le goût du pouvoir à tout prix. Elle est du genre plutôt tâcheronne, bûcheronne même, cette native d’une famille de paysans du haut Doubs.

Sur ce coup-là, Jospin ne s’est pas trompé. Au lendemain des municipales de mars dernier, le Premier ministre cherche une remplaçante à Dominique Gillot. La secrétaire d’Etat aux Personnes âgées et aux Handicapés, qui n’a pas réussi à s’imposer, vient d’être élue maire et démissionne illico du gouvernement. Il faut chercher une autre femme. Et, tant qu’à faire, une qui a une certaine appétence, si ce n’est compétence, pour son futur maroquin. Paulette Guinchard-Kunstler a exercé le métier d’infirmière en psychiatrie et a formé de nombreux soignants à l’accompagnement des personnes âgées. Devenue députée en 1997, elle a écrit un rapport parlementaire intitulé Vieillir en France, qui fait autorité dans le milieu de la gérontologie. Bingo. Un simple coup de fil et l’affaire est faite. Au passage, la nouvelle secrétaire d’Etat perd compétence sur les handicapés. Ségolène Royal a fait des pieds et des mains pour récupérer ce dossier.

Jospin nomme la Franc-Comtoise sans la connaître. Elle déboule au gouvernement la trouille au ventre, la certitude de se planter. Elle le dit, en parle à sa famille, sa maman, ses sept frères et soeurs. A sa nièce et filleule, Rose-Marie, 18 ans. L’étudiante en horlogerie, qu’elle trimbale dans tous les meetings et réunions obscures depuis qu’elle est toute petite, l’encourage. Son fils aussi, Georges, et bien évidemment son ex-mari, monsieur Kunstler, militant de Lutte ouvrière, qu’elle a quitté parce que la politique les a bouffés. Les Guinchard font bloc, rassurent leur «Zaza». C’est ainsi, que dans la vie, on la prénomme.

Lorsqu’elle naît, juste après-guerre, la petite Guinchard est la quatrième fille de la famille. Le père, paysan, est désespéré: il n’y a pas de gars pour reprendre la ferme. On se rappelle, alors, un truc de bonne femme au pays de la Cancoillotte et du Comté. Il suffit de donner à la dernière-née le prénom de sa maman et, c’est sûr, le prochain bébé sera sévèrement burné. Paulette est devenue Paulette par la grâce de sa maman et de la légende. Mais depuis qu’elle est môme, tout le monde lui donne du Zaza. Fallait bien la distinguer de sa mère.

Donc Yoyo ne connaît pas Zaza, lorsqu’il l’accueille, le 22 mars 2001, pour la première fois en réunion de ministres. Il l’a pourtant vue, quelques semaines auparavant, en campagne électorale à Belfort. Il ne la «remet» tellement pas, qu’il l’accueille avec un «Bonjour Nicole». Autour de la table, ces messieurs dames, les ministres bien nés, bien élevés, pouffent. Paulette-Zaza les voit, les sent, les oublie. Depuis Yoyo sait que Zaza s’appelle bien Paulette. A plusieurs reprises, le Premier ministre rend grâce à son travail, la cite en exemple.

Le 20 décembre, devant un parterre de 300 sommités de la gérontologie, il lui sert, dans un lapsus dont il a le secret, un «madame la ministre d’Etat». Un rang que même la «patronne» de Paulette, Elisabeth Guigou, présente ce jour-là, n’a pas. Souvent, Lionel Jospin dit: «Raconte-moi, explique-moi ce que tu fais.» La secrétaire d’Etat s’exécute volontiers devant d’autres ministres, les grands, les forts en gueule et en communication, qui jalousent sa cote. Elle narre ses 40 réunions en province ­ 300 personnes en moyenne à chaque fois ­ depuis septembre dernier pour populariser l’Aide personnalisée aux personnes âgées. La secrétaire d’Etat est un peu la maman de cette APA, qui distribue soutiens financiers et psychologiques aux vieux et à leur famille. Partout elle explique, répond aux inquiétudes, est attentive à chaque cas. Même Arnaud Montebourg n’en est pas revenu. En Saône-et-Loire, six cents personnes sont venues écouter la secrétaire d’Etat. Verdict du député: «Ils étaient bluffés. Ils me demandaient: « Pourquoi ils sont pas tous pareils que ta Paulette les autres ministres? » C’est vrai qu’elle est simple, directe, brillante. Elle est parfaite Paulette.»

Zaza n’en demande pas tant. Elle, ce qu’elle prétend, c’est «organiser réellement la solidarité, apaiser les souffrances, rompre les isolements». Fille, à la fois, de l’Action catholique, de la CFDT, de la lutte des LIP à Besançon et du PSU, elle est entrée en politique simplement «pour que les gens vivent mieux». Avec une certaine naïveté: elle a raté l’investiture du Parti Socialiste contre Jean-Louis Fousseret aux municipales de mars à Besançon pour ne pas avoir fait campagne auprès des militants socialistes. Elle qui n’en revient pas d’être ministre et s’étonne de la «méchanceté» de ses adversaires. Elle qui n’est pas parisienne pour un euro mais bisontine par tous les pores de la peau, et goûte chez elle les délices de la notoriété. Elle qui n’écrit pas de livre pour dire tout le bien qu’elle pense de Lionel Jospin, mais «regrette de ne pas le connaître assez. Il regarde ce que je fais… enfin je crois. Il écoute beaucoup. C’est très agréable pour moi». Elle qui espère, sans vraiment trop y croire, que le Premier ministre lui demandera de «faire quelque chose» pendant la campagne présidentielle. Elle qui s’inquiète parfois d’apparaître comme le vilain petit canard dans la mare aux ministres tout en espérant, secrètement, finir par y devenir un cygne.

 

Marcel Hoeuillard

Une grande dame nous a quittés

Paulette Guinchard s’en est allée. Elle manquera à Palente.

Son investissement sur notre quartier débute en 1973, où « Paulette », comme nous aimions l’appeler, est venue auprès des LIP pour les soutenir en organisant des concerts, des débats, en un mot « animer ».

Son parcours l’amènera très tôt à des responsabilités municipales. Cheville ouvrière de l’équipe municipale de Robert Schwint, elle était une visionnaire sur les enjeux environnementaux : nous étions en 1983 ! Elle a participé à l’élaboration des bases de l’intercommunalité, aujourd’hui Grand Besançon Métropole.

Députée de la 2éme circonscription en 1997, celle de « Palente », c’est dans ce quartier qu’elle choisit afin d’y installer sa permanence. Elle parlait « d’un choix affectif ». Elle voulait être au plus près des habitantes et habitants. Elle a été à l’initiative de la réflexion pour une rénovation « urgente » des Orchamps.

Lors de la création des Conseils de Quartiers sur Besançon en 2002, par l’adjoint aux Quartiers, Maurice THIRIET. Elle est nommée présidente, avec pour coprésident Marcel Hoeuillard pour animer le Conseil de Quartier de Palente-Orchamps-Combe Saragosse.

Les échanges étaient constructifs dans un esprit de démocratie participative de proximité afin d’améliorer la vie quotidienne au service du mieux vivre. Elle apportait un soutien réel et efficace au Conseil de Quartier. Elle n’hésitait pas à s’investir auprès des élus de la municipalité pour appuyer les projets et les idées émanant du Conseil de Quartier. Avec Paulette, la démocratie participative était réelle. Grâce à elle, des réunions publiques aux habitants furent organisées autour des projets d’aménagement du territoire. Les projets étaient concrets. L’aménagement de la place des Tilleuls, en 2003, est l’exemple réussi d’une concertation entre habitants et élus.

Par rapport à cette dynamique, le quartier fut déclaré le  plus dynamique de Besançon ce qui lui valut d’aller présenter ce modèle de participation participative à la ville BISTRITA, jumelée avec Besançon, et d’accueillir une délégation roumaine.

Son engagement prendra également forme dans la coopération internationale, Cote d’Ivoire, au Burkina-Faso, Palestine, Roumanie, le Maroc et  u Liban  pour suivre le déroulement des élections.

En 1998, elle fit partie d’une délégation qui se rendit au Burkina Faso « pays des hommes intègres » pour suivre les projets du jumelage signé par le Maire, Robert Schwint, en 1985, entre la Ville de Besancon et Douroula implanté dans la région Mouhoun. Ce jumelage a été initié par Charles Baudoin, animateur de séjours à l’AROEVEN et Blami Koté, fonctionnaire burkinabé.

Dans le cadre de la coopération décentralisée, elle participa à des rencontres sur le terrain avec l’adjoint des relations internationales, Marcelin Baretje, la directrice du service Relations Extérieures, Geneviève Randot-Socié, le directeur des espaces Verts, Pierre Contoz pour le reboisement et Marcel Hoeuillard, président de l’Association Afriq’Energies au lycée des métiers du BTP Pierre Adrien PÂRIS de Besançon.

Lors des rencontres avec les responsables burkinabé et villageois les échanges abordaient diverses thématiques : l’éducation des enfants et adultes, la santé, l’eau avec forage de puits, le reboisement, le maraîchage, l’équipement électrique par des panneaux solaires, la protection du patrimoine et la construction d’écoles et poste de santé et l’évolution des femmes.

Pour améliorer les échanges, Paulette proposa pour la réalisation des projets que l’on fasse appel à l’Association des Volontaires du Progrès qui était déjà implanté dans plusieurs pays africains afin d’assurer une meilleure mise en place de projets tant sur le plan technique que financier et leurs suivis en responsabilisant les villageois.

Pour officialiser ces projets elle rencontra la haute autorité burkinabé, l’Ambassade française et son ami Bernard Monnier, Consul de France, ainsi que  Pierre Michaillard, Belfortain, très impliqué dans l’administration Burkinabé pour la mise en place des projets sur la commune de Douroula et d’autres villages.

En  2011, Paulette représenta le Maire de Besançon pour l’inauguration d’un musée archéologique et ethnologique implanté en brousse  dans le village de Douroula qui se situait  sur  un site archéologique comportant du  mobilier datant 3 siècles AVJC. Elle contribua avec ses fonds parlementaires au cofinancement du projet. Ce musée a été conçu en lien avec l’archéologue Burkinabé, Lassina KOTE. Ce musée et atelier de recherche en archéologique fut réalisé et aménagé à 100 % par les élèves du Lycée Pierre Adrien Pâris et l’Association Afriq’Energies de Besançon en 2010.

En 2011, voyage découverte et de recherche au Mali depuis le Burkina via le pays Dogon, Tombouctou, Ségou et Bamako avec Afriq’Energies et l’Université de Besançon.

Suite à ce voyage, elle accueille en France l’archéologue, Lassina KOTE de l’Université de Ouagadougou en lien avec la Maison des Sciences Humaines de l’UFC de Besançon.la convention avait pour objectifs d’effectuer un diagnostic  sur le développement du territoire et proposer des orientations sur l’écotourisme sur la Région du Mouhoun.

Paulette aimait aussi faire découvrir ce pays à ses amies : Martine Aubry, Marylise Le Branchu…

Inévitablement, en 1997, les responsabilités nationales au Palais Bourbon lui tendaient tout naturellement les bras. Son passage dans le gouvernement de Lionel Jospin, en tant que secrétaire d’Etat marquera à jamais la cause des personnes âgées. Elle crée l’APA (l’Allocation Personnalisée d’Autonomie) le 20/07/2001. Plus tard et ayant toujours à cœur de défendre la cause des aînés, elle met en place des unités de vie pour les anciens à dimension humaine.

Jusqu’au bout de sa vie, Paulette aura été une militante dynamique. Le choix de son départ le lundi 22mars 2021, est un message fort. En rendant publique sa décision de mettre un terme à son insupportable maladie génétique invalidante. Elle s’est donnée la mort par suicide assisté en Suisse. Cet acte fort était, pour elle, une délivrance et un espoir de faire évoluer en France la loi Clayes-Léonetti sur la fin de vie.

« Elle avait cette philosophie d’une vie qui doit s’achever dignement »

 

Martine Iehl-Robert

C’est à travers ma vie professionnelle que j’ai eu la chance de rencontrer Paulette Guinchard.

Dès notre première rencontre, c’est de son regard dont je me souviens, de son sourire chaleureux, de sa voix chaude avec cet accent du haut Doubs qu’elle ne reniait pas, de tout son être : avenante, réconfortante, enthousiaste, attentive, à l’écoute… Nous nous sommes reconnues en tant que femmes, parce que toutes les deux nous étions avant tout des soignantes, mettant notre engagement auprès des plus faibles, des plus vulnérables, des oubliés, des invisibles, en particulier de ces vieillards malades, en perte d’autonomie, sur lesquels bien souvent la société porte un regard inquiet, un rejet non avoué : ne pas regarder ces vies qui seraient peut-être un jour la nôtre ! Ne pas comparer ces « séniors » actifs, dynamiques, engagés, et ces « vieux » inutiles, malades, déments, qu’il faudrait ne pas voir pour ne pas avoir peur !

La déchéance, elle est dans notre regard, pas chez ces vieillards malades.

La perte d’autonomie physique, psychique, intellectuelle, n’est pas un marqueur du vieillissement, elle témoigne de pathologies le plus souvent chroniques et dégénératives. Faire changer le regard sur la vieillesse, cela fait des années que la société milite pour cela, mais il reste toujours une peur fondamentale, inhérente à notre condition humaine.

Paulette Guinchard était une battante, engagée, convaincue que la politique était le chemin le plus noble pour faire avancer la société, et elle l’a largement démontré. Dès qu’elle fut élue à l’Assemblée Nationale, elle s’est lancée sur cette voie humaniste. Elle me fit le grand honneur de me demander souvent de réfléchir avec elle et d’autres professionnels sur ce qui devait être fait pour améliorer les conditions de vie de ces personnes âgées, dont elle devint la plus ardente des défenseurs. En 1998, elle me conviait à venir au Palais Bourbon, en ma qualité de Médecin Gériatre Hospitalier, pour échanger avec un groupe de parlementaires, chargé d’étudier le dossier des personnes âgées.

De même, elle m’a invitée chez elle pour travailler sur le rapport qu’elle préparait sur la politique en faveur des personnes âgées, à la demande du premier ministre. En 2001, elle fut nommée Secrétaire d’Etat aux Personnes Agées, et l’établissement hospitalier où j’étais alors chef de service a eu l’honneur de recevoir sa visite ministérielle. Ce ne fut pas une simple visite protocolaire, Madame la ministre a suivi avec beaucoup d’intérêt l’exposé de l’organisation de ce Centre de Soins (un établissement Hospitalier Public de Soins de Suite) pour le développement d’une offre de soins gérontologiques, diverse et complémentaire. Elle soutint alors énergiquement les différents projets, et en particulier la création d’un Hôpital de Jour (HDJ) d’évaluation et de réadaptation gériatrique, intégrant une consultation mémoire. Ce projet était innovant, le premier HDJ à ouvrir dans un établissement de Soins de Suite. Le soutien efficace de ce projet a alors permis l’ouverture de cette nouvelle unité au sein du Centre de Soins et de Réadaptation Les Tilleroyes à Besançon, en complément des consultations externes, en novembre 2002.

Et depuis Paulette est devenue « la marraine » de cet établissement, et le recommandait à ses proches. En 2013, elle nous faisait l’honneur de présider la cérémonie organisée pour les 10 ans de l’HDJ qui avait alors complété ses activités avec l’ouverture d’une consultation «soins des plaies et cicatrisation », une consultation « suivi de deuil », en lien très étroit avec les autres services de l’établissement et tout particulièrement avec l’Unité de Réhabilitation Cognitivo Comportementale nouvellement installée au CDSR Les Tilleroyes, et aussi avec le Réseau Gérontologique Bisontin porté depuis 2003 par ce centre hospitalier.

La confiance que portait Paulette dans notre établissement était un encouragement permanent à poursuivre nos efforts dans le sens de soins toujours plus respectueux, compétents, éthiques, avec bien évidemment une réflexion toute particulière sur les soins palliatifs.

Paulette Guinchard a toujours été à mes côtés, me faisant l’honneur de me présenter lors de ma nomination en qualité de Professeur Honoraire de l’Université de Franche Comté notamment. Nous étions devenues au fil de ces années très proches, même si nous ne nous ne nous retrouvions pas très souvent. Nous nous rencontrions lors de différents congrès, participant à des conférences, aux travaux préparatoires de l’Institut Régional du Vieillissement, au cours de certaines réunions de la Société Française de Gériatrie et Gérontologie ou d’autres rencontres professionnelles …

Il y aurait encore tant à dire sur cette Grande Dame. Ce qui me touchait tout particulièrement était sa sincérité et l’intérêt qu’elle portait à nos propos, son enthousiasme pour les idées nouvelles, surtout si elles semblaient utopiques, la fougue de ses propos, la passion de son engagement, sa volonté farouche de faire avancer, et surtout sa gentillesse, sa foi en l’homme. Jamais elle n’a caché ses difficultés liées à sa maladie, cela ne devait faire aucune différence.

Paulette nous a quittés en faisant acte de son ultime liberté de vivre sa vie. Elle restera un exemple magnifique pour chacun.

Colette Isabey

Souvenirs, au fil du temps

C’est en lisant les souvenirs de mes Copines-copains, que les miens sont ravivés….

Tiens, on entre au P.S.U. Zaza et moi en 1969… Je n’aurais pas su le dire ˝ j’ai la mémoire qui flanche, je m’souviens plus très bien…˝ On ne se connaissait pas à cette époque. On a dû, alors apprendre le Parti et faire connaissance de celles et ceux qui le constituaient, le faisaient vivre et y militaient.

Au long de toutes ces années, sans arrêt, nous nous croisons et militons ensemble, notamment au Droit des Femmes et à la CFDT.

En 1973/74/75, les aléas de la vie nous conduisent à travailler, Zaza à la librairie Camponovo, ce qui lui permettait de poursuivre et financer sa formation d’infirmière psychiatrique je crois, et moi à l’autre bout de la rue, à l’autre librairie : Cêtre. Les salariés du commerce sont dispersés et à la CFDT nous nous attelons à en regrouper quelques-uns : c’est important de ne pas se sentir seuls… Une petite équipe se forme, se retrouve pour discuter de nos conditions de travail, débattre entre nous. On est même arrivé à provoquer une re-discussion de la Convention Collective : un véritable évènement. Ce n’était cependant pas l’affaire du siècle, mais une façon de faire comprendre aux patrons-commerçants qu’il fallait compter avec nous et qu’ils ne pouvaient pas faire tout et n’importe quoi… Bien sûr, on y travaille ensemble.

Puis, il y a l’entrée de quelques membres du P.S.U à la Municipalité, le P.S. ayant ouvert sa liste, nous y laisse des places : Zaza, Bernard (Girardot), Claude (Magnin), Pierre (Rueff) font partie de l’aventure.

En 1997, après la dissolution de l’Assemblée, Zaza est investie pour être députée dans une circonscription acquise de très-très longue date à la Droite. L’équipe de campagne, avec Zaza, bien sûr, laboure le terrain, moi modestement j’assume le secrétariat depuis le local du P.S. Et, on gagne !

Lorsqu’on perd les élections, on dit communément ˝qu’on prend une veste˝ et cependant, nous voilà, Zaza et moi devant un dilemme important : elle a acheté deux vestes : laquelle choisir qui conviendra le mieux ? Je ne me souviens pas (toujours la mémoire) mais on a dû bien rire en nous souvenant de la veste à col Mao de Jacques Lang, qui avait fait polémique !

Il y a aussi cet épisode où le P.S. devait choisir d’investir ou Zaza, ou Jean-Louis (Fousseret) à la tête de la Mairie. Je pense qu’elle aurait fait un très bon Maire… mais j’étais persuadée qu’il était plus important qu’elle s’investisse complètement à l’Assemblée. Là, on n’était pas d’accord… Pourtant c’est ce qui est arrivé et on connaît la suite et toutes ces lois et dispositions qu’elle a pu mettre en place de si belle façon dans le gouvernement de Lionel Jospin.

Et encore : une petite équipe est invitée à une visite de l’Assemblée à Paris. Une formidable journée, vous vous rendez-compte, visiter l’Assemblée ! Elle était comme ça Zaza : partageuse.

J’ai toujours la ˝mémoire qui flanche˝ mais je me souviens très bien aussi de la naissance de Georges.

Pascal Jacob

Rencontrer Paulette Guinchard avec son compagnon Denis Pagnier fut pour moi un grand honneur et surtout un échange qui m’a beaucoup appris à mieux comprendre notre société.

Paulette Guinchard était un formidable exemple d’humanité pour une femme politique de son envergure, son premier talent était l’écoute attentive de plus démunis, son deuxième talent était de transformer cette attention en loi fondamental comme la création de l’APA, Aide aux Personnes Âgées, loi fondamentale qui honore notre pays qui se veut si fraternel.

En allant déjeuner avec elle et Denis dans sa maison au fin fond de la campagne, parfois avec un ami comme Christian Berthuy directeur général de la Fondation OVE à Lyon, nous avons échangé sur son rôle de présidente de la CNSA et sa vision des conditions de vie de nos concitoyens vivant avec un handicap. Ce fut pour moi un vrai bonheur de l’écouter, cela a marqué ma vie.

Voici quelques-uns de ces propos.

Oui la loi de 2005 est une loi fondamentale parce qu’elle a reconnu toutes les maladies psychiques et cette reconnaissance est d’une importance capitale, car trop souvent ce sont des maladies qui ne se soignent pas.

Je suis vraiment persuadée également que l’adaptation du poste de travail aux personnes handicapées qui est dans la loi est tout aussi importante. Cela touche toutes les entreprises. Ce qu’on a fait pour l’école il faut le faire pour l’emploi. C’est un exemple qui m’a toujours impressionnée dans les ESAT où la parole de la personne handicapée a été entendue.

Je crois et je suis d’accord sur ce que vous dites sur l’autonomie et le rôle du médecin qui a une énorme responsabilité pour reconnaître les besoins d’autonomie.

Vous voyez bien que l’on touche de près le besoin du minimum à vivre défendu par Benoît Hamon. Je pense qu’il ne faut pas opposer les fragilités entre elles. Et ce n’est pas au médecin traitant de traiter ce sujet mais au médecin des maisons départementales du handicap.

On a beaucoup trop institutionnalisé le handicap et on ne considère pas les personnes handicapées comme des personnes capables de travailler, en particulier les personnes atteintes d’un déficit intellectuel. Or pourtant beaucoup d’entre elles pourraient travailler. On adapte bien le temps pour les examens pour permettre aux personnes handicapées de concourir. En fait vous avez raison c’est toute la société qui doit être concernée.

Construire l’aide à l’accompagnement c’est investir dans l’autonomie de nos concitoyens. Il faut faire confiance à la personne handicapée et la laisser être acteur dans la société.

En fait l’autonomiseur va aider la société à accueillir et à accompagner la personne handicapée. L’autonomiseur va aussi faciliter la formation des personnes handicapées à être accompagnées par des non-professionnels.

Les départements n’ont pas encore compris qu’il faut dépasser le travail d’aide et de financement, en donnant plus accompagnement pour que la personne handicapée retrouve une autonomie aussi petite soit-elle comme vous le dites. La maison départementale du handicap devrait être animateur de l’école de l’autonomie du département. C’est cela qui permettra de sortir du champ du handicap qui est beaucoup trop spécifique.

Je suis d’accord avec vous il ne faut plus que ce soit que le médecin qui soit le seul évaluateur. Il faut mobiliser aussi les professionnels de l’accompagnement et du social. La maison départementale du handicap doit faire travailler ensemble toutes les composantes de l’accompagnement, du soin jusqu’au prendre soin, de l’urgence jusqu’aux gestes les plus quotidiens.

Il faut aussi réfléchir au titre de votre livre qui est très important, « Il n’y a pas de Liberté sans autonomie ». Il faut surtout y penser dans le travail des départements et des bassins de vie où tout le monde doit être concerné.

Le gouvernement a nommé Madame Cluzel comme secrétaire d’État dépendant du Premier ministre. C’est ce que vous vouliez dans votre dernier livre. Mais ce gouvernement doit montrer que le handicap ne dépend pas seulement du secrétaire d’État au handicap mais bien de toute la société et de tous les ministres.

Oui je pense que sans la société il n’y aura pas d’autonomie, et donc tous les ministres dans tous les domaines doivent être guidés par la secrétaire d’État au handicap s’ils en ont besoin.

C’est la grande question qui se pose sur la position de la CNSA dans notre pays. Est-ce un distributeur intelligent certes, mais un distributeur des fonds avec la DGCS ? Ou est-ce le grand animateur de l’école de l’autonomie de la France. Là aussi nous ne sommes pas au clair.

Il faut empêcher que le soin et l’accompagnement soient un obstacle à l’autonomie. Oui je suis d’accord et je trouve que c’est bien de faire une école de l’autonomie car l’autonomie, ça s’apprend, si on a donné envie aux personnes handicapées de devenir autonomes.

Quand je suis devenue Secrétaire d’État aux personnes âgées auprès de Monsieur Jospin, je voulais devenir la Secrétaire d’État à l’autonomie, et Monsieur Jospin m’a dit non. Je lui ai demandé pourquoi :  »Tu vas être bouffée par les associations des personnes handicapées. » J’y pense souvent.

Il faut changer de paradigme et clairement identifier ce qui fera vraiment le changement. Je crois que vous n’êtes pas loin de la solution. Vous allez devenir un déclencheur du changement, j’en suis sûre. Travaillons sur les écoles, sur l’emploi, sur les bassins de vie, c’est là qu’on trouvera les déclencheurs.

Je suis intimement persuadée c’est un grain de sable qui va nous permettre d’arriver tout doucement à la situation idéale. La question du grain de sable est très importante pour moi. Il faut trouver des petits grains de sable qui seront les déclencheurs des idées nouvelles. C’est Jean Le Garrec qui disait cela : ce sont les grains de sable qui permettent vraiment le changement. Et on arrive tout doucement à l’idéal ou presque.

Merci Denis de m’avoir invité à parler de Paulette qui est pour moi une personne exceptionnelle qui marquée par une mauvaise maladie qui lui permis de vivre ce pourquoi elle s’est toujours battue de manière digne et profondément humaine.

Jean Noel Jeanneney

Elle était l’énergie, le courage, la grandeur d’âme. Au long du chemin que chacun parcourt passent parfois quelques êtres dont la proximité s’éprouve comme un privilège. Ainsi d’elle.

Au Conseil régional, voici plus d’un quart de siècle, je la vis conquérir la place rare, entourée d’affection dans son camp, de respect partout, que lui mérita sa détermination civique. Elle y fut généreuse.

Plus tard, quand son destin la haussa, aussi désintéressé que fût son militantisme, au sommet de l’État, je saluai l’intensité de son engagement politique et de ses préoccupations sociales qui la protégeaient contre tout éblouissement.

Elle y fut précieuse. Les derniers temps, comme tous, j’admirai le rayonnement de sa vaillance et son combat contre les ravages du mal. Elle y fut libre, jusqu’au bout.

Claude Jeannerot

Cette nouvelle me plonge dans une profonde tristesse. Cette amitié a tellement compté :  lorsque j’ai rejoint Robert Schwint et son équipe municipale de Besançon en 1989, elle avait un temps d’avance dans l’expérience de la vie publique : et déjà, j’admirais la passion de ses convictions et la force sincère de son lien avec les « gens ». Toute sa vie et jusque dans la souffrance de ces derniers mois, elle a été fidèle à ses engagements.

Mais surtout, et grâce à ce qu’elle était, elle restera dans l’histoire sociale de notre Pays.  L’empreinte qu’elle laisse est considérable et ne sera jamais remise en cause ! En instaurant au 1er janvier 2002 l’Allocation Personnalisée d’Autonomie (APA), elle ouvrait un nouveau droit universel au bénéfice des Personnes Âgées (à l’égal de ce que fut en son temps la création des congés payés ou du RMI) A ce nouveau droit, un objectif immédiat : prévenir la dépendance et son cortège de maux. A ce nouveau droit, une ambition ultime : garantir la dignité de toute personne âgée et c’était ce qui donnait sens à son action. J’en ai été le témoin privilégié. Elle restera dans le cœur de nos concitoyens. Respect, reconnaissance et affection !

Odile Jeunet

Paulette,

Tu restes très présente à moi dans plein de souvenirs amicaux : le message téléphonique de Lionel Jospin un soir où nous partagions repas et bavardages chez moi te demandant de te rendre le lendemain auprès de lui au ministère, il avait une demande importante à te faire !

Une escapade un samedi à Valdahon pour visiter les chalets Gardavaud et suite de la matinée à Montfaucon chez Laurent, et combien d’autres moments joyeux ou sérieux, aux Erauges chez Marthe, à Baume les Dames pour l’association Alma et le réseau gérontologique baumois… !

Mais surtout, grâce à toi, chère Zaza, en France, depuis bien des années, toute personne âgée en perte d’autonomie est aidée avec l’APA (aide personnalisée à l’autonomie) octroyée par le département pour un mieux vivre malgré le handicap ; de cela nous ne te dirons jamais assez un grand merci.

Notre proche voisinage avec toi et Denis rue de Vesoul a amplifié nos relations toutes chaleureuses que je garde précieusement au fond de moi.

Lionel Jospin

Extrait d’une interview à France Bleu, 4 mars 2021

« Une des rencontres les plus précieuses de ma vie militante »

« Une femme d’une extraordinaire qualité »  

« C’est l’une des rencontres les plus précieuses de ma vie militante et de mon action gouvernementale ».

« Elle montrait une connaissance des dossiers dans leur technicité et dans leur dimension humaine, et elle a compris qu’elle avait la possibilité de faire avancer la cause de l’autonomie pour les gens qui commençaient à devenir dépendants. Quand il a fallu faire un choix pour le poste de secrétaire d’État aux personnes âgées, le choix de Paulette s’est imposé. »

« Lorsqu’elle a commencé à s’exprimer à l’Assemblée Nationale comme ministre, j’ai été immédiatement frappé par la façon dont elle a été accueillie sur tous les bancs de l’Assemblée »

« Elle a été rapidement écoutée par tous, majorité et opposition, avec une remarquable attention, avec un grand respect, parce que les députés se rendaient compte de l’extraordinaire qualité de cette femme« .

« Elle n’avait aucun des privilèges de la naissance, elle était fière d’être la fille d’un agriculteur et elle avait d’extraordinaires qualités humaines, une des rencontres les plus précieuses que j’ai faite dans ma vie militante et dans mon action gouvernementale« .

« Lorsque j’ai quitté la vie publique, nous avons continué à nous voir »

 » (En janvier 2021) Nous avons eu un échange long, extrêmement confiant et intime,  elle avait cette philosophie d’une vie qui doit s’achever dignement et qui peut être maîtrisée« .

« Paulette souhaitait sans doute qu’à l’occasion du choix qu’elle a fait pour la fin de sa vie, cette question soit à nouveau évoquée, elle se disait : pourquoi devoir aller en Suisse pour quelque chose qui pourrait être abordé en France?

Je n’en dirais pas plus, mais au moins voulais-je que son message soit, par ma voix, un instant entendu« .

Mustapha Kharmoudi

Paulette Guinchard s’en est allée

J’ai été son dernier directeur de cabinet alors qu’elle était Vice-Présidente de l’Assemblée Nationale. Juste avant que la maladie ne freine définitivement sa carrière politique, une carrière à l’époque en pleine expansion.

Elle avait occupé plusieurs postes de la vie politique locale : adjointe au Maire de Besançon, Conseillère régionale, etc.

Puis Secrétaire d’État dans un gouvernement de gauche dirigé par Jospin. C’est elle l’APA (la loi la plus avancée sur l’autonomie des personnes âgées),

Mais moi je l’ai connue bien plus tôt. Du temps d’une jeunesse commune à Besançon. Une jeunesse de belle vie et de militantisme à outrance. Elle était des toutes premières femmes féministes, et on ne peut pas imaginer combien son engagement radical avait dû lui coûter, à elle fille de paysans du Haut-Doubs.

En ce temps-là elle venait de quitter son boulot d’infirmière psy pour celui de formatrice pour femmes.

C’est de ce temps-là que je l’appelais Zaza, et je ne l’ai plus jamais appelée autrement que par ce surnom affectif très usagée par ses proches.

Je me souviens de bien des choses avec Zaza. Elle avait un incroyable don d’écoute. Surtout l’écoute de petites gens que la société et les aléas de la vie jetaient à terre. C’était surtout les samedis matin dans sa permanence de la Place des Tilleuls. Il n’y avait qu’elle et moi, et elle recevait toute la misère du monde, et elle prenait le temps de recevoir toute la misère du monde. Le plus souvent j’étais là à prendre note, mais elle comprenait que pour moi c’est vite trop insupportable, alors je retournais dans mon bureau, et on faisait le point vers midi, juste avant qu’elle fasse son tour du petit marché populaire sur la même place…

Et puis il y avait eu la question des élections régionales. Zaza n’avait pas annoncé sa candidature officiellement, mais tout le monde la savait favorite. Et j’étais là.

Elle tenait à ce que je sois présent quand elle recevait tous les notables régionaux qui venaient lui offrir leur soutien, et bien sûr lui proposer en échange leur dévouement pour tel ou tel poste de vice-président de la région.

Sauf pour un ancien notable de Belfort. C’était l’un des plus proches de Chevènement et c’était l’un des rares que je n’avais jamais apprécié de toute ma longue carrière à Belfort. Elle savait le mal qu’il m’avait fait, et alors elle l’avait fait patienter pendant que j’étais dans son bureau, et lui avait jeté après que c’est moi qui l’avais mise en retard parce que ce que je devais lui dire était très important. C’était mignon. On savait rigoler de ces choses-là, elle et moi.

Parfois je la conduisais pour ses meetings et conférences. Jusqu’en Lorraine. On se parlait sans cesse, mais à une demi-heure d’arrivée elle s’endormait pour une longue sieste.

C’est ainsi que j’avais eu accès, grâce à elle, à un réseau d’intellectuels autour de Martine Aubry. C’était d’une richesse inouïe. Je garde de très bons souvenirs des quelques rencontres auxquelles j’avais participé. C’est dans un restaurant parisien proche de l’Assemblée nationale.

Et puis c’était l’irruption d’une maladie génétique qu’elle soupçonnait pour des raisons familiales. Bien sûr j’ai été des tous premiers à le savoir. Avec toute l’équipe qui était très soudée autour d’elle.

Mes souvenirs de Zaza ne sont pas des souvenirs de ces débats politiques qu’on avait pourtant souvent et avec une franchise qui frôlait parfois l’irrespect (une posture polémique en legs des années 70). Non, mes souvenirs d’elle sont des souvenirs aimants, sympathiques, tendres. Je me souviens d’une femme très simple et très élevée à la fois. Une femme bien sûr calculatrice sinon elle ne serait jamais arrivée si haut, mais aussi d’une infinie sensibilité. D’une infinie préoccupation de ce qui arrivait aux siens. C’est-à-dire tous les humains où qu’ils furent.

Adieu l’amie !

Abdelaziz Koussouri

Une très Grande Dame nous a quittés par sa libre et forte volonté . L’association l’Arc en Ciel d’ ORCHAMPS PALENTE et son Président Aziz KOUSSOURI sont plongés dans une profonde tristesse et une grande douleur.
C’était notre Amie qui nous a beaucoup aidés lorsque nous avons créé l’association et c’est toujours avec une grande joie que nous nous retrouvions lorsqu’elle venait nous visiter et prendre des nouvelles de nos actions en faveur des habitants du quartier.
Femme d’exception, militante sociale qui donna un sens à sa vie et s’occupant des humbles, des démunis, sa grandeur morale et ce souci des autres, de tous les autres était sa signature.
D’une douceur de contact qui faisait que même en tant que Secrétaire d’État et de Vice-Présidente de l’Assemblée Nationale, nous pouvions converser avec elle comme avec un membre de notre famille.
Toujours à l’écoute, c’est avec une attention soutenue qu’elle s’intéressait à notre parcours existentiel, comme à celui de ce Peuple de France qu’elle aimait tant et dont elle ne reniait pas son origine « de celle qui savait traire les vaches » disait-elle.
Elle qui avait ce passé paysan des gens du Haut-Doubs où la solidarité n’est pas un vain mot.
Que de souvenirs nous avons avec toi, Chère Paulette, ils nous reviennent là, aujourd’hui, et tu revis en nous, avec ton engagement pour le mieux vivre des faibles et des opprimés mais aussi avec cette parole claire qui lorsqu’elle était dite, nous savions alors, que tu ferais tout ton possible pour que la meilleure solution soit efficiente et appliquée.
C’est d’ailleurs ce que tu fis en étant la créatrice de cette loi de l’Aide Personnalisée aux Personnes dépendantes en 2001.
Tu savais que le titre de Ministre veut dire à l’origine « serviteur », tu étais l’exemple même de ce service que tu rendais au Peuple de France et de ce fait à la Nation.
Comment oublier tout ce travail accompli dans tous tes mandats, pour nous tous !
Comment oublier ce don de ta personne pour toutes les causes essentielles qui élèvent l’humain au-dessus de sa condition !
Nous te devons tant, toi, que la maladie n’a pas épargnée et qui t’ a conduite à choisir ta mort pour conserver ta dignité d’être.
Oui, ce jour est triste parce qu’une page de l’histoire de France se tourne avec ton départ et nous serions tellement heureux de savoir que les générations montantes se souviendront de toi qui fus un phare de bonté et d’intelligence dans les périodes de doutes et d’ombre.
L’Arc en Ciel est aujourd’hui orpheline de notre Amie Paulette, c’est un vide immense que tu laisses, un vide qui malgré tout est fait d’espoir en la condition humaine, espoir en des personnes de ton envergure qui dans la plus parfaite modestie ont réalisé les plus grandes choses en faveur de l’Humanité.
Chère Paulette, nous qui t’avons aimée et qui t’aimerons toujours car tu es présente dans notre cœur, nous nous inclinons respectueusement, gardant en nous le bonheur d’avoir pu te rencontrer et faire avec toi quelques pas sur le chemin dont le but est d’améliorer la vie de chacun.

Georges Kunstler

L’image de ma mère est celle d’une femme politique forte qui défendait ses idées. Cette image est assez éloignée de celle que j’avais d’elle durant mon enfance avant son entrée dans la politique au niveau national. A cette époque, je la voyais simplement comme ma maman, qui était toujours prête à m’emmener en vacances avec mes cousines et cousins ou avec des copains. Je la voyais comme une maman qui ramenait souvent ses innombrables et bruyantes copines à la maison pour des discussions sans fin.

A la maison, j’avais souvent l’impression de voir ses fragilités, et les doutes qu’elle avait sur ce qu’elle faisait. Pourtant, elle m’a montré qu’il était possible de construire sa force et sa détermination pour faire avancer ses idées tout en acceptant ses doutes. J’ai l’impression que le fait d’accepter ses doutes cela lui permettait de vraiment écouter les autres. Cela lui permettait de faire avancer ses idées en construisant avec les idées des autres sans s’engluer dans une vision préconçue des choses.

Le fait d’avoir une grande force et une grande détermination tout en acceptant ses propres faiblesses explique aussi sa volonté de défendre les vieux (comme elle les appelait) et les handicapés. Car elle ne voyait pas en eux, leurs fragilités, mais tout ce qu’ils peuvent apporter de positif à notre société.

Une autre facette de ma mère, qui est, je pense, évidente pour toutes les personnes qui l’ont connu, c’était sa joie de vivre et sa capacité à s’émerveiller sur tout. Combien de fois est-ce que je ne l’ai pas entendu s’exclamer « Oh c’est superbe » que cela soit pour un foulard rose bonbon, pour un champ avec des vaches dans le Haut Doubs ou pour les couleurs d’un marché africain.

Avec ma cousine Rose-Marie on la taquinait souvent sur son expression favorite. Elle avait aussi parfois une certaine impertinence assez enfantine. Je me souviens par exemple de l’avoir vu tirer la langue à des inconnues en costume dans un des ascenseurs de l’assemblée nationale. Elle aimait vraiment bien cela tirer la langue, elle était par exemple très contente de montrer à ses petites filles les exercices d’orthophonie où elle devait tirer la langue. Et surtout elle ne faisait pas vraiment attention aux conventions, que cela soit pour mélanger les ingrédients de cuisine les plus étranges comme ce gâteau courgette et chocolat qu’elle avait voulu faire gouter à ses petites filles ou quand elle décidait d’inventer des poèmes sur les idées qui lui passaient par la tête.

Bien sûr sa joie de vivre est devenue encore plus grande quand elle a rencontré Denis. Et avec Denis cette joie de vivre ne l’a jamais quittée. Même à la fin quand sa maladie était devenue trop dure à supporter et qu’elle a décidé de partir je crois que cette joie de vivre et cette impertinence sont restées avec elle jusqu’au bout.

C’est sa joie de vivre et son impertinence que j’aimerais que vous gardiez comme souvenir d’elle aujourd’hui.

François Lacaille

Pour moi, Paulette a toujours été Zaza.

Ce n’est que récemment, par ce qu’a dit son frère Paul lors de ses obsèques, que j’ai compris l’origine de son petit nom.

Dans les liens qui se sont tissés au fil des ans, démêler ce qui relève de l’engagement militant, de l’amitié ou des temps partagés à l’époque où nous étions jeunes parents est difficile.

Parmi d’autres, émergent deux souvenirs forts : la vie à Planoise dans les années 70-80 et la création d’EPI.

Celui concernant Planoise est sans doute enjolivé puisqu’il a trait à une période où j’étais plus jeune. Mais je crois que le Planoise de cette époque était un quartier où il faisait bon vivre.

Autour du « terrain d’aventures » Epoisses, des écoles Bourgogne et Champagne, de la place Jean Moulin, habitaient nombre de militants ou de sympathisants du PSU et de la CFDT. Les associations comme la FCPE, la CLCV ou la CNL étaient bouillonnantes d’activités. Les engagements étaient mêlés. Zaza vivait dans ce « chaudron ».

Pour nos enfants, le cadre de vie était rassurant, sans besoin d’une surveillance excessive. La proximité des lieux d’habitation, des écoles, de la crèche, les liens de confiance entre nous, tout cela autorisait chacun à se sentir en charge des enfants des autres quand il le fallait.

Georges, le fils de Zaza et de Jean, en a bénéficié également. Utile avec des parents militants, d’autant que Zaza est devenue adjointe au maire en 1983…

Contrairement à Zaza, entrée au PS en 1986, je n’ai fait que quelques brefs passages dans ce parti, préférant l’engagement syndical où les enjeux de pouvoir sont moindres. Quand elle a été candidate à la succession de Robert Schwint pour les municipales de 2001, j’ai adhéré pour la soutenir.

Peu passionné par les bagarres d’appareil, j’ai peu de souvenirs de la campagne interne qui opposa Jean-Louis Fousseret et Zaza. J’ai pourtant encore en tête le débat entre les deux postulants devant la section du Parti socialiste dans une salle comble.

Forcément partial, j’ai trouvé Zaza brillante, avec une vision pour Besançon, une vision sociale et inscrivant le développement de la ville dans un cadre régional plus large. Son concurrent m’a paru plus laborieux (j’assume ma mauvaise foi …) mais utilisant habilement le verbe de gauche qui plait tant aux adhérents. En caricaturant à peine, une gauche de proclamation d’un côté, une gauche plus tournée vers la transformation du réel de l’autre…

C’est de cet échec qu’est né EPI ou plutôt l’idée de la nécessité, à Besançon, d’un lieu de réflexion non partisan, autour de la conception de l’engagement politique qui était celle de Zaza.

Dès le début, beaucoup ont prêté à EPI des intentions qui étaient très éloignées des siennes : machine de guerre contre la municipalité, instrument de conquête du pouvoir au sein du PS, etc.

Pourtant on était très loin d’un complot.

Je me souviens d’un repas (sans doute chez Zaza) où ses proches faisaient avec elle le bilan de son échec lors de sa candidature. Des aspects organisationnels et politiques ont été abordés.

Revenait surtout la difficulté qu’il y avait, au Parti socialiste, à penser à haute voix, à faire part de ses réflexions et de ses doutes sans apparaitre inféodé à un camp ou appartenant à une tendance.

C’était l’époque de la gauche plurielle, du gouvernement Jospin. Les partis politiques de gauche avaient été efficaces pour conquérir le pouvoir. Ils montraient leurs limites dans la conduite d’une réflexion collective.

Cette envie de confronter les regards, de débattre, de faire réfléchir ensemble des militants politiques, des responsables associatifs, des syndicalistes, des citoyens curieux s’est affinée et concrétisée en 2001 par la création d’EPI (qui a failli s’appeler EPINE …).

Même si Zaza a permis et facilité cette création (les premiers CA se tenaient dans sa permanence place des Tilleuls, ses attachés parlementaires y étaient actifs), il n’y a jamais eu de lien de subordination.

Beaucoup d’hommages ont rappelé l’action politique, son bilan et les qualités humaines de Paulette. J’ajouterai pour ma part son goût pour les débats d’idées et la nécessité pour elle, de toujours confronter la production intellectuelle et les pratiques de terrain. S’y astreindre pour soi-même, c’est lui manifester une forme de fidélité…

Sylvie Lacassagne

Le matin il m’est arrivé de prendre le taxi collectif pour la Gare Viotte avec elle. Le taxi m’a dit « on passe chercher Paulette ».

Je ne savais pas que c’était elle – quand je l’ai vue je me suis dit que cette proximité avec les gens c’est vraiment rare et j’étais impressionnée.

Et évidemment on avait parlé d’Energie Cités.

Jeannie Lagier,

Notre amie Paulette est décédée nous laissant tous face à notre peine tant elle a pu compter dans nos vies.

Pour moi, notre parcours commun a commencé dans les rangs du Parti Socialiste, aux côtés d’Yves Lagier, évidement, mais notre connivence date d’un voyage en Côte d’Ivoire en 1991, ce qui n’est pas anodin lorsque l’on connaît l’attachement de Paulette à ce pays.

J’ai le souvenir, dans le cadre d’une Coopération entre la Région de Franche Comté et les Montagnes de l’Ouest de Côte d’Ivoire, d’avoir fait à ses côtes, la découverte d’Abidjan, cette ville de contraste entre modernité et tradition, et la Région de Man.

Nous allions là bas à la découverte d’autres Cultures, en visites officielles mais aussi et surtout en vadrouillant dans les fabuleux Marchés Africains, Treichville, avec son Marché aux fleurs, son Marché aux épices, son centre artisanal, nous y trouvions des trésors, de la pacotille parfois mais davantage des objets d’art africain, des bijoux, en or ,en argent, on ose plus dire en ivoire.

Paulette avait un sens inné́ du contact, chaleureuse, simplement à l’aise et bienveillante, elle avait à Abidjan son réseau de connaissances.

Une anecdote : un matin nous rentrons dans la boutique d’un tailleur d’Abidjan, le lendemain le tailleur et la robe de Paulette étaient prêts, c’est un exemple simple mais je crois que là comme toujours, elle faisait le choix judicieux au bon moment.

Grande humaniste, toujours prête à partir vers des horizons lointains, Paulette faisait de beaux voyages avec toujours la volonté de leur donner du sens.

Elle s’est beaucoup impliquée à l’International, dans le cadre de ses mandats mais également au Mouvement Européen qu’elle avait rejoint dans les années 2000. Elle en fut Vice Présidente.

Pour finir, je garderai le Souvenir de Paulette venue me soutenir lors d’élections cantonales dans le Haut Doubs, à Chaux Neuve, en 1992 et en 1998, s’adressant à chacune et à chacun en toute simplicité, diplomate sans en avoir l’air, sans aucune arrogance, le message passait forcément. J’étais admirative. Hélas c’est souvent a posteriori que l’on reconnaît la véritable crédibilité politique.

Quel bel exemple Paulette nous laisse.

Lucile Lamy

Originaires du même village et liées par des grands-parents frère et sœur, nous avons, Zaza et moi, des références communes quant à notre enfance, une partie de notre jeunesse, marquées par les mêmes influences.

Même si nos parcours de vie nous ont un peu éloignées, j’ai toujours suivi l’évolution de ses engagements, en particulier dans les années 80 quand je suis revenue à Besançon et qu’elle était au Conseil Municipal ; son investissement dans la construction du District du Grand Besançon m’a particulièrement intéressée. Et, quand en 2000, elle m’a sollicitée pour rejoindre sa candidature à la Mairie de Besançon, j’ai acceptée, même si j’avais des doutes sur mes capacités…

C’est ainsi que, malgré sa défaite et à sa demande, j’ai fait partie de l’équipe municipale de Jean-Louis Fousseret pendant un mandat, avec la délégation aux Liens Intergénérationnels (comme par hasard…). Nous avons eu durant cette période de fréquents échanges autour des questions liées au vieillissement, que ce soit pour la création du Conseil des Sages, la mise en place de l’IRV, premier Institut Régional du Vieillissement en France autour d’un réseau de professionnels, de chercheurs et de décideurs, une action intergénérationnelle autour des travailleurs immigrés vieillissants, la création de la Maison des Seniors.

Dans tous ces projets, j’ai pu apprécier ses connaissances et son appui, mais aussi ses convictions et la pertinence de ses analyses J’ai admiré la femme politique qu’elle était devenue et la fille de Reugney qu’elle était restée…

Depuis qu’elle s’était retirée de la vie publique, j’ai pu continuer d’échanger quelquefois avec elle, toujours avec le même plaisir malgré les difficultés, et son départ m’a profondément affectée, mais je respecte son choix après toutes ces dernières années si compliquées à vivre au quotidien, malgré tout l’amour, l’affection et l’amitié qui l’entouraient.

Merci à elle pour l’exemple qu’elle a été par sa vie de femme engagée.

 

Marylise Lebranchu

Très chère Paulette,

Tu es arrivée au gouvernement avec un sourire radieux, un enthousiasme fou, une volonté d’agir. Jamais tu n’as ressemblé à un politique qui pense carrière. Tu aurais voulu être élue d’une ville pour agir tous les jours et tu es devenue membre d’un gouvernement conduit par un homme qui incarnait l’éthique, et tu as pensé, comme beaucoup d’entre nous, que c’était un immense privilège, un cadeau.

Notre rencontre fut tout de suite d’amitié, je connaissais familialement la psychiatrie, cela m’aidait beaucoup, tu venais de ce milieu médical pas comme les autres qui doit respecter et comprendre un individu quel qu’il soit, quoiqu’il ait pu faire, parce que la vie humaine est toujours précieuse. C’est cela que tu nous apportais, un rappel constant à la vie, un rappel constant au souci des autres, ceux qui ne vont pas bien.

Avec Martine Aubry vous avez partagé ce souci et créé l’Apa, même si, comme surtout les femmes du gouvernement, nous aurions voulu que les gros héritages soient appelés au financement parce que les héritiers privilégiés n’ont pas à être encore plus chanceux que les autres. Mais la peur du refus de l’aide a été gagnante. Quelle belle avancée. Tu as continué à agir à l’assemblée jusqu’à ce que la maladie t’affaiblisse, maladie dont tu ne parlais que peu, juste pour regretter d’imposer cela à aux autres, à Denis surtout qui t’avait fait rire de bonheur quand tu parlais de votre décision d’être « à deux » pour tout.

Rares sont les portraits de journalistes qui emportent une totale adhésion, j’ai gardé en mémoire celui de Libé « Paulette Merveille » que j’avais applaudi un matin en me disant qu’un tel portrait ne pouvait être généré que par une femme politique hors normes. Nos derniers échanges ont encore été riches, tu ne voulais pas de réconfort pour une malade mais des échanges sur la vie politique et les obstacles au progrès trop librement dressés. Puis tu es partie en laissant des messages, ces Haïkus arrivés dans la boîte aux lettres comme un signe, ne pas perdre de temps, tout regarder, rendre précieuses ces images de fleurs, de vie, de chaleur et de froid, sans amertume et sans vengeance, en hommage peut être à la vie qui elle aussi se fane.

Merci.

Thierry Le Roy

Paulette Guinchard, une ministre qui a laissé sa trace.

Préfet de la Dordogne en 2001 et 2002, je ne garde le souvenir que d’une des visites ministérielles, si nombreuses : la sienne. Ministre chargée des personnes âgées, Paulette Guinchard apportait une vision complète de l’avenir, autour de la question de la dépendance : une mesure des besoins, nés de l’allongement de l’espérance de vie ; des métiers, des emplois et des formations nécessaires ; une nouvelle branche de la sécurité sociale à créer pour financer des prestations nouvelles et adaptées ; une organisation de la prise en charge à la fois précise pour ce qui est de la responsabilité administrative – le Département -, et personnalisée pour les intéressés.

C’était il y a vingt ans. Aujourd’hui, tous les Français savent ce qu’est « la dépendance ». Mais tous ne savent pas encore qu’ils doivent à Paulette Guinchard, ministre du gouvernement Jospin, à la fois cette vision, fruit d’un important travail préparatoire, et l’énergie qui l’a fait devenir réalité.

Monique, Françoise, Odile, Sylvie Catherine, Denise

Se souvenir avec toi, Zaza, de cette amitié profonde qui s’est mise en place à bas bruit, il y a 40 ans. Elle est apparue simplement en travaillant ensemble pour donner vie à des formations pour des femmes à la recherche d’emplois.

Ensemble nous avons créé Safran, un projet qui te tenait à cœur.

A Planoise où tu habitais tu avais vu des femmes isolées, sans projet ; pour elles, tu as proposé de mettre en place une formation afin de les aider à sortir de leur isolement.

Tu voulais contribuer à l’insertion des femmes, au développement de leur rôle dans la société.

Tu citais cette phrase de Mariama Ba, auteure sénégalaise, qui a écrit dans «Une si longue lettre » « Mon cœur est en fête chaque fois qu’une femme sort de l’ombre ».

Dans ces années 1975/1980 nous formions un groupe de 9 femmes, nous aussi à la recherche d’une insertion dans la vie au-delà d’une vie assignée, prescrite, définie en dehors de nous.

Chacune, avec sa propre couleur, cherchait à modeler, inventer sa vie. Ces couleurs très différentes résonnaient entre elles.

Nous avons imaginé et réalisé des projets, tels entre autres « La Fête du sens, des sens, », « Le gâteau en automne » qui ont été des occasions de rencontre, de partage avec nos amis, des membres de nos familles.

Nos échanges sont motivés par le désir de s’inventer, d’inventer une vie dense, libre, pleine de facéties, d’encaisser les coups de boutoir de la vie et se réjouir de ses superbes moments.

Nous nous sommes vues régulièrement à 9, « les filles » comme tu nous appelais, « le groupe des nanas » comme disait Ghislaine.

Très occupée par tes fonctions politiques, tu ne manquais, cependant, jamais de nous rejoindre, apportant ton regard attentif à chacune de nous ainsi que tes avis construits depuis ton expérience de vie publique.

Pour toi ce groupe de femmes était « un temps d’amitié, de recul, de compréhension, de réflexion, de ressourcement où peuvent se mêler les questions professionnelles, personnelles, qui peut donner toute l’épaisseur d’une vie ». (cité dans le fascicule « Inventer, dirent-elles »).

Nous nous souvenons en particulier de cette journée que tu nous as organisée à l’Assemblée Nationale, en février 2005, où nous devions nous embarquer dans une réflexion sur le futur et où nous avons commencé par déballer nos rêves.

Tu as rencontré Denis et nous avons eu aussi le plaisir de le connaître, nous étions avec vous à votre mariage ensoleillé à Chaux Neuve.

Nous avons toutes avancé en âge.

Loin de te soumettre à la maladie tu l’as prise à bras le corps pour continuer à vivre pleinement avec une capacité d’invention et de création qui nous a toujours épatées.

Nos échanges se sont poursuivis à Frontenay bien sûr, mais aussi dans votre chaleureuse maison de Chaux Neuve à Denis et toi pour des activités plus artistiques (écriture, peinture) que nous avons démarrées à ta demande.

Chacun/une d’entre nous qui a connu Paulette la combattante, la femme généreuse qui montrait la voie de l’engagement, a des souvenirs précieux à conserver et à mettre en acte. Prolonger ainsi sa présence est sans doute la meilleure façon de lui rendre hommage. Il nous faut faire à partir d’elle, prendre le relais et lui conserver une place vivante et lumineuse parmi nous. Catherine, Ghyslaine et Zaza continuent de nous inspirer et d’inspirer nos pensées et nos actes à venir.

Francis Loridan

Paulette au fil des pages

Le plus bel hommage que l’on puisse rendre à Paulette, c’est la lecture ou la relecture du livre que lui avait consacré, en 2003, Catherine Eme-Ziri, journaliste à France 3 : « Paulette GUINCHARD-KUNSTLER, les victoires d’une pas gagnable » aux éditions Tigibus.

Après le 4 mars, je l’ai lu à nouveau et même lu et relu certaines pages ou Madame la Secrétaire d’État ou madame la Députée redevenait « la Zaza » de sa terre comtoise.

Au fil des pages, j’ai redécouvert une Paulette que je croyais bien connaitre. Le journaliste que je fus pendant près de 40 ans, dont 26 à l’Est Républicain, l’avait en effet rencontré lorsqu’elle était conseillère et adjointe à la Mairie de Besançon. Elle était parmi les élu(e)s hostiles au projet de grand canal.

Puis au fil des années, nous sommes devenus des amis. En famille, avec Denis ou Pierre-Jean ou Chantal, les randonnées en forêt du côté de Chaux-Neuve et autour du lac Saint-Point, étaient le seul ordre du jour.

Sauf en 2003, lors de la canicule estivale ou Paulette se mobilisa pour limiter l’hécatombe chez l’es « vieilles » et les « vieux ».

Etre ami de Paulette, de « Zaza », fut un privilège. Il se paye aujourd’hui par son absence et la tristesse de celles et ceux qui l’ont connue.

Merci, Catherine, d’avoir écrit ce livre qui me fait regretter de ne pas en être l’auteur.

Michel Loyat

C’est en 1986 que j’ai commencé à connaître Paulette à Planoise, après son adhésion au PS.

L’arrivée de militants du PSU était vue avec réserve et bien qu’étant alors au CERES, j’ai très vite été touché par la personnalité de Paulette : une tonalité particulière dans ses interventions et son comportement où la simplicité chaleureuse, l’empathie se conjuguaient avec la curiosité intellectuelle, le goût du dialogue et du questionnement. Eloignée des postures, elle ne cherchait pas à se poser ou s’imposer par des discours ou des petites phrases calibrées ; elle exprimait simplement ce qu’elle ressentait, pensait et son intérêt pour les autres lui permettait d’établir une relation personnelle.

Sans faire partie de sa mouvance, j’avais confiance en Paulette qui a compté pour moi et de plus en plus au fil des années.

J’ai pensé assez tôt que ses qualités relationnelles et son engagement lui ouvraient un lien avec la population susceptible de lui permettre, plus que d’autres personnes plus brillantes, d’être au premier rang à Besançon mais je voyais aussi qu’elle n’était pas dans le registre de l’organisation d’un leadership à l’intérieur du PS ce qui sera une des causes de sa défaite à la primaire pour les municipales.

Élu en 1995 et ne suivant pas de près les questions municipales jusqu’alors, j’ai vu la détermination de Paulette à porter des projets alliant une appréhension concrète, pragmatique et humaine de ceux-ci à une vision, un sens donné à l’action, nourrie de son ouverture d’esprit, d’une pensée en mouvement. Une vision qu’elle avait aussi bien pour le développement de Besançon, de la Région que pour les enjeux de société.

Devenu adjoint à l’intercommunalité après son élection comme députée en 1997, j’ai vu à quel point elle était appréciée par les élus des communes du Grand Besançon et mesuré aussi les difficultés auxquelles elle avait dû faire face, l’énergie qu’elle avait déployée pour le développement de l’intercommunalité qui suscitait bien des craintes et des oppositions y compris au sein de la ville de Besançon.

Paulette aimait à parler de ce qu’elle aimait, de ce qui comptait pour elle et pour ses interlocuteurs : lectures, projets, rencontres… Je la revois décryptant le message politique du film récent «  Alice et le maire » avec une curiosité toujours très vive. Sans ménager sa santé, Paulette s’investissait une générosité et énergie totales pour améliorer la vie de ses concitoyens.

Un grand merci à Paulette pour tout ce qu’elle a fait, porté, ce qu’elle a été .

Paulette qui reste très présente à mon esprit.

Avec admiration et émotion.

Gérard Magnin

Paulette Guinchard, l’écologiste

En 1983, Paulette est élue sur la liste d’Union de la Gauche de Robert Schwint et devient adjointe au Maire de Besançon, sous l’étiquette du PSU dont elle est membre depuis 1969. Sa délégation est intitulée « Environnement et Maitrise de l’Energie ». Le PSU tenait beaucoup à cette deuxième partie de la dénomination « Maitrise de l’Energie », appellation préconisée dans toutes les villes où il y aurait des élus.

Quel était le contexte à l’époque ? Nous étions dix ans après le premier choc pétrolier – et conséquemment – le programme Messmer qui allait propulser le nucléaire à des niveaux inégalés dans le Monde- et quatre années après le second choc pétrolier de 1979. Mitterrand, élu depuis deux années, avait accepté d’abandonner le projet de centrale nucléaire de Plogoff, en Bretagne. En même temps, il avait accepté de mettre en œuvre une proposition issue principalement d’un groupe issu de la CFDT et du PSU : créer l’Agence Française pour la Maîtrise de l’Energie (AFME), regroupant plusieurs agences préexistantes et donnant une forte impulsion aux politiques d’économies d’énergie, notamment dans les bâtiments et les réseaux de chaleur, avec le Fonds Spécial de Grands Travaux (FSGT), ainsi qu’aux énergies renouvelables. Le numéro 2 de la CFDT, Michel Rolant en fut nommé président. Il rechercha alors des délégués régionaux à même de mettre en œuvre cette nouvelle politique sur le terrain. C’est ainsi que l’auteur de ces lignes, qui avait été secrétaire fédéral du PSU Doubs Haute-Saône, occupa cette fonction en Franche-Comté dès 1985.

Il s’agissait donc d’une option forte pour le PSU avec laquelle Paulette s’est sentie immédiatement très à l’aise. Tant de fois, elle a cité l’énergie comme étant l’un des trois sujets les plus importants pour l’avenir de notre société.

Huguette et Paulette

1983, c’est aussi l’année où Huguette Bouchardeau, secrétaire nationale du PSU, devint Secrétaire d’État à l’Environnement et au Cadre de Vie, avant de devenir Ministre de l’Environnement, de 1984 à 1986. Cette nomination s’inscrivait de façon logique dans un processus politique qui avait conduit le PSU, dès 1972 lors de son Manifeste de Toulouse à critiquer le « prélèvement sans mesure sur des ressources naturelles limitées, la pollution et la priorité donnée à un modèle de consommation purement acquisitif et quantitatif », et suggérer que « l’idée même de croissance soit discutée, ce qu’elle veut dire et ce qu’elle impose » (source : Le PSU, Laboratoire de l’Écologie Politique, Tudi Kernalegenn) Quelques années plus tard, en 1977, ce fut le « Vivre, Produire et Travailler autrement » qui permit de franchir une étape nouvelle au PSU sur cette voie. Le « Cadre de Vie » fut toujours traité en tant que tel, manifestant par-là la préoccupation de prendre en compte la vie quotidienne des gens (et pas seulement des concepts généraux).

Tout cela allait conduire à la candidature PSU d’Huguette Bouchardeau aux présidentielles de 1981, puis aux candidats PSU de concourir aux législatives sous les couleurs « Socialisme, Écologie, Droit des Femmes ».

Entre temps, le PSU participa aux manifestions anti-nucléaires, notamment contre Super Phénix (1977) ainsi qu’à de nombreuses autres luttes dans le secteur, en particulier contre le Canal à grand gabarit Rhin-Rhône, à partir de 1977.

D’ailleurs, dès 1977, Robert Schwint, maire de Besançon, avait déjà confié le portefeuille de l’Environnement à son adjoint PSU, Bernard Girardot, ancien salarié de LIP et syndiqué CFDT. L’autre élu PSU durant cette mandature était Claude Magnin. Nul doute que, à Besançon, le PSU représentait ce que l’on désignerait aujourd’hui le courant écologiste. Il existait un courant environnementaliste de tendance conservatrice, sous l’égide du Dr Sexe, qui par exemple, s’opposait à ce que le secteur de la Gare d’Eau – qui était à l’époque un no man’s land barricadé – soit aménagé. Cela semble hallucinant aujourd’hui tant cet endroit est prisé des bisontins, et doit nous faire réfléchir sur des oppositions de principes qui peuvent naître ici ou là, sans hiérarchisation des risques et avantages.

Le premier élu vraiment porteur d’écologie urbaine à Besançon, fut André Régani, Adjoint aux Transports de Besançon sous le mandat de Jean Minjoz, qui, dès 1974, réalisa le schéma de mobilité et de transports de la Ville avec un réseau de bus inégalé et les premières piétonisations de rues. L’impact sur la pollution de l’air et la qualité de vie urbaine fut remarquable. André Régani est décédé en 2020 du COVID 19

Le groupe PSU compte alors 4 élus : Roland Vittot, Michel Onimus, Pierre Rueff et Paulette. Mais, en 1985, le PSU disparaît pour l’essentiel. Huguette Bouchardeau lance « Libre Gauche » qui sera un mouvement très éphémère, qui aura toutefois permis à Paulette d’entrer au Conseil Régional dans « l’ouverture ». Elle adhérera ensuite au PS, avec un groupe de bisontins réunis autour d’un document intitulé « Hop là ! ».

Rapidement, une série de politiques sont lancées ou renforcées

Dès sa prise de fonction, Paulette engagea dans ces domaines des décisions importantes liées à ce que l’on commençait à appeler l’« environnement urbain ». Ainsi une série de politiques nouvelles, s’appliquant sur un terrain fertile et plutôt bien préparé à Besançon, avec des services techniques motivés, furent mises en place :

  • la politique du bruit, avec une cartographie du bruit permettant d’objectiver les zones vulnérables afin d’y concentrer l’action publique ;
  • la politique de l’arbre, qui permit notamment de répertorier sur un SIG tous les arbres d’alignement et des parcs urbains afin de permettre un suivi – et un soin – personnalisé, ainsi qu’une stratégie concrète de plantation ;
  • la création du Jardin des Senteurs en bordure de l’avenue de l’Helvétie et du Doubs, toujours bien là ;
  • la gestion des déchets avec la création d’une première déchetterie, d’une plateforme de compostage et l’optimisation de la production énergétique ; création de l’ASCOMADE (Association des Collectivités Comtoises pour la Maitrise des Déchets et de l’Environnement) qu’elle présidera, toujours existante ;
  • la création de l’APIEU (Atelier Permanent d’Initiation à l’Environnement Urbain), que ferma quelques années plus tard une de ses successeures.

Paulette fut encouragée dans ses initiatives par Huguette Bouchardeau, alors secrétaire d’État puis Ministre, qui proposait des contrats « environnement urbain » qui furent conclu avec 6 villes en France, dont Besançon. C’était très nouveau à l’époque – et même très controversé – d’associer ces deux mots (environnement et urbain) car cela pouvait ressembler à un oxymore.

Dans son portefeuille, Paulette avait aussi les cimetières. Elle abandonna un projet de nouveau cimetière paysager mais s’engagea résolument pour la crémation. A cette époque, il était nécessaire d’aller se faire incinérer à Mulhouse ou à la Chaux de Fonds… en Suisse. Catholicisme ici, protestantisme là.

La Maitrise de l’Energie, un marqueur qui va se trouver récompensé

Dans le domaine de la maîtrise de l’énergie, Paulette s’engagea résolument dans une politique très active avec notamment :

  • le diagnostic thermique de tous les bâtiments communaux, avec programmes de travaux ;
  • la mise en place d’une télégestion des chaufferies, unique en France à l’époque, qui aboutit à une baisse de 30% des consommations ;
  • le remplacement de toutes les chaudières au fioul (à l’époque, c’était par du gaz) ;
  • la rénovation énergétique de l’habitat individuel et collectif avec l’Opération Marmotte dès 1985, qui visait dans le quartier de Montrapon à réaliser des diagnostic thermique à grande échelle, avec un accompagnement en conseils pour les travaux, des partenariats avec les professionnels et les banques ;
  • l’extension progressive du réseau de chaleur de Planoise, le seul en France (en dehors de Paris et ses égouts) qui bénéficie d’une galerie souterraine dans laquelle passent tous les réseaux ;
  • la cogénération à la station d’épuration de Port-Douvot, la cogénération à Planoise, une autre « première » ;
  • et toute une série d’autres actions telles que « Voitures Propres » qui permettait de réaliser des diagnostics gratuits (bien avant l’obligation de contrôle technique).

C’est cet ensemble qui fut récompensé, en 1988, lorsque la Ville de Besançon reçut le Trophée National de la Maitrise de l’Energie (catégorie collectivités locales) organisée pour la première fois par l’AFME (ancêtre de l’ADEME). Paulette reçut ce prix au nom de la Ville à l’occasion d’une grande manifestation nationale.

A cette époque, Besançon apparaissait comme la Ville leader en ce domaine. C’est là par exemple que se tenaient les formations « Maitrise de l’Energie » du Centre National de Fonction Publique Territoriale (CNFPT) pour toute la France.

L’international, une nouvelle dimension

En 1989, Paulette devint Adjointe aux relations extérieures (création du district, précurseur de la Communauté Urbaine) et internationales. Ces nouvelles responsabilités l’emmenèrent vers de nouvelles initiatives et innovations.

Elle n’oublia pas cependant ses responsabilités antérieures. Elle eut à cœur de mettre la transition énergétique (que l’on n’appelait pas encore ainsi à l’époque) dans les relations internationales et de jumelage : avec Martigny en Suisse ; avec Bielsko-Biala en Pologne qui créa la première « cellule énergie » de ville dans ce pays et un programme de gestion d’énergie, expérience à partir de laquelle fut créée Polska Siec Energie-Cités en 1994 ; avec Bistrita en Roumanie, où pour la première fois dans ce pays, en 1994, une avenue fut dotée d’un éclairage public digne de ce nom. Le tout avec le soutien des services techniques de la Ville qui se sont investis sans compter, notamment Henri Schneider et Pierre Hottovys.

A partir de l’acquis rappelé plus haut, il est devenu crédible que la Ville de Besançon, sous l’égide de Paulette et l’appui sans réserve de Robert Schwint côté politique et Jean-Luc Boyer côté services, prenne l’initiative de créer en octobre 1990, après deux années de gestation, sur la suggestion de l’auteur de ces lignes alors Délégué Régional de l’AFME, une association qui prit le nom d’Energie-Cités.

L’aventure d’Energie-Cités

Son but ? Mettre les Villes en situation de devenir des acteurs dans les politiques énergétiques, lesquelles devaient être décentralisées. Pour cela, développer des échanges et les projets communs avec les villes d’autres pays européens. Ainsi fut créée une structure associative réunissant des élus de la Ville de Besançon, du Conseil Régional de Franche-Comté et de responsables de l’AFME (à l’époque, une association de personnes !), avec Robert Schwint à la présidence, une petite équipe salariée se forma avec un appui financier de l’AFME et de la Région, et l’aventure européenne commença.

La Commission européenne finançait depuis plusieurs années, une action dénommée PERU (Programmation Énergétique Régionale et Urbaine). Avec un très petit budget, la Commission aidait à financer des études énergétiques stratégiques dans les villes et régions, dans le but d’accroître leurs capacités d’action. Après plusieurs années, la Commission souhaita faire mieux connaître cette initiative. Elle sélectionna 12 villes en Europe, une par pays à l’époque, afin de réaliser une monographie sur chacune d’elle. Besançon fut la ville française choisie !

Que faire avec 12 monographies ? La Commission décida d’organiser une Conférence à Mannheim, en Allemagne qui devait se tenir en février 1992. Mais quoi après une conférence ? La nature ayant horreur du vide, l’année 1991 fut consacrée, grâce à Energie-Cités, à préparer le terrain pour la suite. Plusieurs réunions furent organisées avec quelques villes et la Commission européenne à Besançon, à Bruxelles, à Berlin, avec un tout petit groupe de villes telles que Newcastle, Amsterdam, Mannheim, Berlin et Besançon, afin de poser les bases d’un appel à créer un réseau de villes européennes. Cet appel serait présenté en fin de Conférence de Mannheim. Et qui a présentera cet appel ? Paulette bien sûr!

Le processus démarra et pris de l’ampleur. La Commission apporta un financement pour réaliser des rencontres thématiques à partir d’un premier noyau de villes, le tout coordonné par Energie-Cités. Il apparut progressivement possible de transformer Energie-Cités en une association formelle de Villes (et non plus de personnes), ce qui fut fait en décembre 1994 avec une vingtaine de villes, à Newcaste-upon-Tyne dans le nord de l’Angleterre. Robert Schwint, en tant que maire de Besançon, y fut élu président, fonction qu’il assuma jusqu’en 1996, avant de transmettre le relais à Barcelone.

Paulette continua de suivre avec attention la vie d’Energie-Cités, en participant à quelques réunions de conseil d’administration. En 2010, elle participa aux 20 ans de l’association à Salerno (Italie).

Aujourd’hui devenue Energy-Cities (https://energy-cities.eu/fr/) l’association réunit un millier de villes de 30 pays. Une équipe de 25 personnes y travaillent, à Besançon (siège, à ex-LIP), Bruxelles, et aussi, Freiburg, Budapest et Lviv. Le Réseau coordonne l’ensemble des plus de 10 000 villes engagées volontairement pour les objectifs climat-énergie de l’Union européenne au travers de la Convention des Maires (https://www.conventiondesmaires.eu/). L’association vient de fêter son trentième anniversaire.

Paulette n’aura pas réalisé tout cela seule. Ce n’était pas son style et l’ampleur de la tâche la dépassait naturellement. Mais, en responsable politique, elle avait la vision des enjeux et de ce qu’il convenait de faire. Elle a fait confiance à ses partenaires. Elle a accompagné sur le terrain. Elle en a été l’ambassadrice.

Elle a contribué de façon significative à faire avancer la cause écologique. C’était il y a 30 ans.

Eliane Menegain

A Ornans, nous avons eu une vraie tristesse à l’annonce de son décès, car Paulette était une fidèle et une proche. J’animais l’association Pour un Canton Vivant, et à chacune de nos manifestations, Paulette répondait présente, acceptait d’animer un débat, notamment celui sur le vieillissement où elle avait insisté avec le gériatre Marc Degois (qui habite Ornans) sur la nécessité d’accompagner les personnes en fin de vie, pour soulager la douleur psychique et physique.

J’insiste sur sa présence régulière, car, à la différence d’autres personnes politiques même de gauche, elle était là même en dehors des périodes électorales, ce qui lui permettait lors de repas ou de pique-nique de prendre le temps de vraiment discuter avec les gens, de rire aussi avec eux de bon cœur.

Les militants disaient toujours : « elle au moins, on ne la voit pas que pendant les campagnes électorales ». Et elle ne faisait pas semblant de s’intéresser à eux, son empathie était réelle.

Pour ce qui est des campagnes électorales, je me suis trouvée quelques fois à sa permanence place des Tilleuls à ce moment-là. Lorsque les militants venaient raconter les méthodes peu orthodoxes des adversaires politiques et suggéraient de rendre la pareille, Paulette s’y opposait fermement systématiquement. Elle voulait toujours que sa campagne soit nette, sans attaque, sans bavure. Elle aimait bien au fond ces périodes de campagnes électorales, sauf peut-être le fait de devoir toujours goûter aux pots préparés par les militants dans les communes ; elle disait : « les gâteaux de ménage et le vin du Jura, je n’en peux plus ! ».

Nous n’aimions pas seulement la femme politique, mais aussi la personne ; c’est vraiment ce qui ressort des échanges. Elle a changé le regard des gens sur le monde politique quand elle était encore active, comme un certain Marc Chapelain, ancien maire d’Ornans. Peu ont réussi à prendre ce relais-là.

Ce sont ces personnalités politiques-là qui font barrage à l’extrême droite, par leur tolérance, leur pragmatisme, leur sincérité, en oubliant les dogmes et en restant fidèles à un idéal.

Claude Mercier

Paulette Guinchard avait soutenu les tous premiers efforts qui ont conduit à l’émancipation de la Roumanie et participé à la fondation de la toute première association d’amitié avec la Roumanie dans le cadre de l’agglomération bisontine. Elle avait accompagné les actions de notre association, fondée par Hubert Tyrode, jusque dans le village de Parva, participant à l’inauguration d’un centre touristique qui porte le nom de notre premier président.

Nos amis de Roumanie se joignent à nous pour saluer une femme libre et courageuse.

 

Christian Mettelet

La rencontre avec Paulette ne pouvait laisser quiconque indifférent.

Son empathie faisait de chaque rencontre un moment d’émotion.

Tous ses mots étaient mesurés, ponctués de sourires épanouis et attentifs, voire attendris selon les circonstances ; des sourires qui tissaient des liens comme pour mieux assembler ses dires et les unir.

Des mots simples qu’elle énonçait sans emphase aucune, mais des mots ô combien chargés de sens.
L’écoute des autres, avec pour objet de mieux les comprendre, pour mieux les aider s’il en était besoin, était sa façon d’être, naturellement.

Femme de conviction, elle savait convaincre.

Dotée d’un pouvoir de séduction naturelle, liée à une extrême générosité, elle faisait de l’altérité une force tranquille et de la sociabilité une raison d’exister.

En bonne thérapeute, elle savait mettre l’autre en valeur tout en générant, lors des échanges qu’elles entretenaient, ces transferts qui libèrent et ouvrent des horizons insoupçonnés, fleurissant de bonheur tous les champs des possibles.

Elle connaissait aussi les vertus de la dérision, laquelle apaise souvent les contrariétés pour celles et ceux qui, comme elle, savent relativiser les choses de la vie, sans se prendre trop au sérieux, pour le nombril du Monde.

Au demeurant, à en lire les témoignages, ce qu’elle a entrepris durant son existence était toujours appréhendé avec le sérieux qu’il convient … et conduit avec la pugnacité et le dynamisme propres aux gens de conviction.

J’ai toujours entretenu avec Paulette des relations privilégiées, certes rares mais toujours intenses.

Elles débutèrent par une rencontre, début 1984, sur le thème générique des déchets, par l’entremise d’Huguette BOUCHARDEAU, alors Secrétaire d’Etat en charge de l’Environnement, et de son Directeur de Cabinet, Michel MOUSEL.

Je venais d’être nommé Directeur général de l’ANRED – Agence Nationale pour la Récupération et l’Élimination des Déchets (devenue l’ADEME), par ladite Ministre et Laurent FABIUS, Ministre de l’Industrie.

Elle, alors Maire-Adjointe auprès de Robert SCHWINT, maire de Besançon, en charge de la protection de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, découvrait le domaine des déchets et nous posâmes rapidement les bases d’un partenariat qui se révèlera fructueux.

Elle devint ainsi mon premier contact franc-comtois.

Quelques mois après cette rencontre, animé que j’étais par le désir de voir les collectivités territoriales d’une Région s’unir pour s’approprier la maîtrise des déchets sur un territoire dont l’échelle serait optimale pour bénéficier des expérimentations de chacun et du savoir-faire de notre agence, Paulette fut très vite convaincue de la pertinence de cette idée.

Et ainsi, quelques semaines plus tard naissait l’ASCOMADE – Association des Collectivités pour la MAîtrise des Déchets et de l’Environnement, une association dont elle fut la première Présidente du Conseil d’Administration.

Une association qui compte aujourd’hui près d’une centaine d’adhérents parmi lesquels les grandes villes franc-comtoises du départ, mais aussi des villes du Grand Est et de nombreuses communautés de communes qui ont rejoint l’association depuis.

Elle sut en effet vite convaincre ses collègues du Conseil Régional du bien-fondé de ce projet et c’est dans le cadre du Contrat de Plan Etat – Région que l’ANRED et ledit Conseil Régional de Franche-Comté en financèrent la création, avec notamment la prise en charge d’un ingénieur de l’ANRED mis à disposition.

Suivirent plusieurs colloques qui rassemblèrent nombre de participants, je pense notamment à Arc-et-Senans, à Arbois, à Vesoul, qui réunirent plusieurs centaines de participants, sur un sujet, avouons-le, encore bien abscons pour l’époque, une époque où les mythes du « feu purificateur » et du « jeter, bon débarras » avaient, en la matière, seuls droit de cité !!!

C’était en 1985, il y a seulement 25 ans, 36000 décharges sauvages polluaient la France, et il n’existait alors que quelques rares prototypes de déchetteries se comptant sur les doigts d’une main.

Eh, bien évidemment, Paulette était là, discrète mais toujours très présente et très active.

C’est une évidence pour moi aujourd’hui, elle fut la grande facilitatrice de toutes ces initiatives pionnières en matière de maîtrise des déchets en Franche-Comté.

Elle le fut dans bien d’autres domaines que je connais moins bien et que ces moments de mémoire, ressortis des agendas de celles et ceux qui l’auront côtoyée, vont révéler.

La coopération décentralisée notamment, et à cet égard quelle ne fut pas ma surprise lorsque, entrant dans le hall d’un hôtel d’Abidjan où je participais à un colloque sur le thème des déchets, je croisai tout à fait par hasard Paulette venue en reconnaissance pour le partenariat entre la Région de Man en Côte d’Ivoire et la Franche-Comté et le jumelage entre le Parc Régional du Haut-Jura et le Parc National de Man, son agenda comportant également une rencontre avec une association de femmes africaines.

Je devais la croiser quelques années plus tard lorsque, en 2001 je crois, elle devenue Secrétaire d’Etat aux Personnes Agées et moi devenu Directeur général des Services du Département de la Haute-Saône, elle s’employait à travers un tour de France éreintant, à promouvoir son projet de Loi APA, avec la réussite que l’on sait.

Paulette était vraiment de tous les combats associant fraternité, équité, justice sociale, dignité et bien d’autres valeurs encore.

Et comme beaucoup parmi celles et ceux qui vont de ces valeurs leur raison de vivre, elle témoignait pour l’autre de ce qui constitue le fondement de toute relation humaine : une sincère AMITIE et plus encore.

Paulette était, à la lumière de son sourire, une vraie porteuse d’AMOUR.

SALUT L’AMIE, SALUT ZAZA.

Hélène Mignon

Paulette est arrivée à l’Assemblée Nationale, alors que j’y entamais mon second mandat. Nous ne nous connaissions pas, nous venions de régions différentes, de milieux différents et de métiers différents.

Elle avait été rocardienne, j’étais moi-même toujours fidèle à Jean-Pierre Chevènement. Par nos formations médico-sociales nous nous sommes très rapidement trouvé des points communs, des centres d’intérêts identiques, des analyses convergentes. Nous ne voulions pas nous contenter d’être des spectatrices des difficultés des Français nous voulions nous engager, proposer des solutions.

Nous sommes rapidement devenues des amies pas seulement des collègues, mais de vraies amies dans la vraie vie partagent d’ailleurs très rapidement cette amitié avec nos familles.

Cet engagement nous l’avons finalement finalisé dans ce partage dans le temps de la vice-présidence de l’Assemblée Nationale.

Revenue à la vie « civile » nous avons continué à faire vivre cette amitié en y incluant nos proches en particulier nos conjoints.

Paulette était une grande dame que l’on ne peut oublier. En tout cas en ce qui me concerne je sais que je ne l’oublierai pas.

Bernard Monnier

J’ai rencontré Paulette Guinchard (elle est toujours restée pour la famille notre amie Zaza) alors qu’elle travaillait à la librairie Camponovo, rue Jean-Jacques Rousseau à Besançon. Elle aura gardé de cette proximité avec les livres une passion dévorante pour la lecture.

Paulette avait une personnalité aussi forte qu’attachante, qui ne laissait personne indifférent. Et que l’on soit sous le charme ou non, peu lui importait : elle dominait naturellement les échanges. Elle était déjà une militante aguerrie qui savait affirmer et défendre ses convictions sociales – rapidement devenues convictions politiques –, forgées dans les rigueurs de son enfance à Reugney dans le Haut-Doubs. Après son emploi chez Camponovo, elle travailla à l’hôpital de Novillars en qualité d’infirmière et se mit au service des personnes âgées. Ce fut pour elle la révélation d’une vocation qui ne la quittera plus.

Son parcours, qui la mènera aux plus hautes responsabilités de l’État, est connu. Je n’y reviendrai pas. Ce qui l’est moins, en revanche, c’est l’attachement qu’elle pouvait prodiguer aux autres, sa curiosité et son attention à la vie d’autrui.

Le métier de diplomate qui a été celui de mon épouse et le mien pendant plus de quarante ans aura été pour Zaza l’occasion de venir nous rendre visite – parfois plusieurs fois — dans chacun des postes que nous avons occupés. La culture et la vie des gens d’autres continents la passionnaient, leur manière de résoudre leurs problèmes sociaux, leur aspiration à la paix. C’est ainsi que Paulette est venue au Pérou, à Cuba, en Sierra Léone, au Canada (où vivait aussi l’un de ses frères), à l’Île Maurice, en Inde (avec le couple De Sury), au Burkina Faso, au Congo Brazzaville — pays alors en guerre civile ouverte –, à Madagascar, mais aussi à Paris lorsque les hasards des affectations nous y avaient envoyés…Partout elle se sentait chez elle : « rien de ce qui est humain ne lui était étranger ». Elle approchait chacun avec un naturel si désarmant qu’elle se faisait rapidement adopter.

C’est au cours de son séjour à Ouagadougou, au Burkina Faso, qu’elle mit la dernière main à son projet d’« Allocation Personnalisée d’Autonomie » dite « Loi APA ».

Zaza ne manquait pas non plus de venir avec son fils Georges nous rendre visite dans notre maison jurassienne de Villevieux lorsque nous étions en congés. Elle nous disait s’y ressourcer, loin de ses tracas d’élue ; elle cuisinait, elle herborisait. Elle nous parlait paysage avec son approche de fille de la campagne.

De notre côté nous allions aussi la voir à Besançon. Zaza eut la très grande gentillesse d’accueillir dans son appartement bisontin notre fille Sandrine lorsqu’elle dut accomplir sa terminale au Lycée Pasteur. Plus tard, Sandrine fut (brièvement) l’une de ses assistantes parlementaires.

Paulette, surtout, a fait preuve du plus grand des courages. Ce vrai courage qui consiste à affronter avec dignité les épreuves, même sans espoir, comme celle de son affection, dont elle savait parfaitement ce qu’elle était et dont elle en connaissait l’issue inéluctable. Elle aura mené sa fin comme elle a mené sa vie : avec une totale détermination.

Serge Morand

Anecdotes très anecdotiques avec Zaza et sans intérêt :

  • Première rencontre avec sa voiture en panne sur un parking à Planoise que j’ai dû pousser avec la mienne
  • Improvisation sur un entretien d’embauche que je devais lui faire passer comme « chef d’équipe » et la refuser. J’avais trouvé comme argument qu’en tant que femme et jeunette elle ne pourrait pas s’imposer devant une équipe masculine ! Elle n’avait pas vraiment apprécié même pour une simulation.

Hubert Moreau,

Paulette, la formation et les droits des femmes

Notre Paulette, ce n’est pas que « les Vieux ». Zaza, ce n’est pas que l’APA. C’est une vie entière balisée de multiples engagements pour tous âges et tous publics. Des choix, et puis un choix …

Fille de paysans de Reugney, attachée à sa famille, à son département du Doubs et à sa région de Franche-Comté, formée par la JAC, la CFDT, le PSU, adjointe au Maire de Besançon chargée des questions d’environnement par Robert Schwint, Paulette Guinchard avait toutes les qualités pour être une responsable d’envergure nationale pour ce qui touche à l’écologie et à l’énergie. L’énergie le mot lui va bien.

C’est en faveur des personnes âgées, les VIEUX, qu’elle a le plus agi au niveau national comme Secrétaire d’Etat. La presse, les officiels ont beaucoup parlé de la Paulette députée à l’origine de l’Aide Personnalisée d’Autonomie, la fameuse APA. C’est juste et mérité, les Vieux la remercient, ceux de la région qui la connaissaient comme ceux qui ne l’avaient jamais rencontrée ; mais il convient de rappeler aussi deux points peut-être moins connus de son action : emploi-formation et droit des femmes.

  1. La Formation des jeunes, des femmes, l’aide à l’emploi.

Dans les années 1990, l’auteur de ces lignes était employé par l’État et le Conseil régional de Franche-Comté pour diriger une association régionale (CIFP puis Cedre Franche-Comté, aujourd’hui le GIP Empfor de la région Bourgogne Franche-Comté). Cette structure financée dans le cadre des contrats de plan successifs État-Région était chargée de l’Information sur la formation professionnelle, de l’Observatoire emploi-formation, de promotion de l’apprentissage notamment par le biais des Olympiades des métiers, des ressources pédagogiques multimédia, plus tard de l’Amélioration des conditions de travail et enfin d’une Mission d’information régionale sur l’exclusion.

Sans offenser quiconque tant ces domaines sont riches et complexes, abondants de structures, de sigles et jargons pour initiés, il est permis de signaler que lors des séances du Conseil régional de Franche-Comté et du travail en commissions, il y avait peu d’élus qui s’intéressaient aux questions d’apprentissage et de formation des jeunes, à la formation des salariés et des personnes en recherche d’emploi. Raison de plus pour évoquer deux élus qui étaient particulièrement attentifs, compétents et convaincants : un homme de droite Jean-Claude Duverget qui, bien que proviseur de lycée ne plaidait pas que la cause des Greta de l’Éducation nationale et une femme de gauche Paulette Guinchard qui, forte de son expérience personnelle et de ses diagnostics pertinents, avait fondé :

  • un organisme de formation surtout destiné aux femmes : Safran où elle donnait des cours
  • une structure Femmes coup de main, une association intermédiaire multi services pour favoriser leur mise au travail.

L’action de Paulette a été absolument capitale pour la préparation, la mise en place et le développement de la Mire ou Mission d’Information Régionale sur l’Exclusion.

Pour briser le ton techno des précédents paragraphes, ton dont Paulette n’était pas coutumière elle qui pourtant connaissait parfaitement ses dossiers, les services, les personnes de tous grades, je me fais le plaisir d’évoquer des souvenirs personnels.

Lors des séances plénières du Conseil régional, pendant les débats ou lors des suspensions de séance, Paulette quittait parfois son fauteuil et les rangs des élus pour venir vers moi au fond de la salle. Elle précisait un élément de sa précédente ou future intervention, cherchait un renseignement précis, sollicitait un avis, tout cela de façon fort modeste comme quelqu’un qui veut corriger un point, mieux comprendre et toujours apprendre, « se former tout au long de sa vie » pour des mandats utiles.

Lorsqu’elle préparait des projets ambitieux, novateurs, qu’elle aurait à défendre contre des pesanteurs, Paulette n’hésitait pas à « faire le tour des popotes » pour ne pas dire « le tour des potes ». C’était alors un long rendez-vous de travail, de préférence en tête-à-tête, dans un bureau au calme. Tous les éléments à réfléchir et structurer reposaient sur des faits précis, des rencontres, des échanges avec des personnes bien vivantes. « Tu connais X ou Y, tu crois que ce serait utile de le voir, de la rencontrer ? » Elle connaissait évidemment la personne bien mieux que moi, en direct ou par ouï-dire, la réponse n’était pas utile. Elle y avait songé, donc elle savait que la rencontre aurait lieu.

Un jour lors du repas au Conseil régional entre la séance du matin et celle de l’après-midi. Un peu loin de la table d’honneur où déjeunent plutôt président, vice-présidents et hauts fonctionnaires, une table ronde un peu éloignée avec un ou deux agents et un élu esseulé – M. René M. est membre du Front National – « Viens, me dit Zaza, on ne va pas le laisser seul et je sais qu’il est moins méchant et obtus que l’étiquette de son parti ne le laisse paraître. » Nous nous installons donc et s’instaure alors une écoute chaleureuse et un dialogue exigeant où s’échangeaient de vrais arguments et de réelles expériences. Si Paulette ne m’avait pas entraîné, j’aurais manqué une vraie rencontre par peur de l’affrontement et du qu’en-dira-t-on. Pour la petite histoire cet élu a eu tôt fait de quitter son parti. Quel flair, notre Paulette !

  1. Le Droit des femmes.

Paulette a soutenu la cause des femmes, le Droit des femmes, l’association régionale CRIDF puis les associations départementales des CIDF. Le cercle des copines Janie, Marie-Guite, Paulette, Danièle, Geneviève, Colette (et bien d’autres avec elles) bossait, faisait avancer la cause, tentait par exemple d’amener les filles vers les métiers industriels afin qu’elles proclament avec fierté  » Mon métier, c’est ma liberté !  » Un concours sur ce thème précis eut une audience régionale et au-delà. On vit un jour (j’ose l’écrire) d’élégantes demoiselles issues d’une formation technique venir à la Préfecture, brandissant une lourde pièce de métal qu’elles avaient usinée et qui représentait le symbole féminin de Vénus : ♀

Lors de la même cérémonie, Madame Yvette Roudy, Ministre des Droits de la femme de 1981 à 1986, décorait d’un insigne nouveau de son ministère le préfet Jean Amet, Préfet de la Région Franche-Comté, préfet du Doubs de 1981 à 1985.

Au CRIDF, les hommes étaient bienvenus, à condition de bosser et non de parader. J’avais fait la rencontre du CRIDF, de ses militantes salariées ou administratrices, de façon toute naturelle. Le Centre où j’étais passé de formateur à directeur comptait une section agricole et administrative, une section sociale, une section paramédicale et une section industrielle.

Dans le cadre de la promotion sociale pour des personnes âgées de 18 à 40 ans dotées d’expériences professionnelles variées, il s’agissait, en 9 mois de cours intenses à raison de 40 h par semaine plus le travail personnel et avec des stages pratiques en entreprises, d’opérer des mises à niveau pour que les stagiaires puissent passer des concours d’entrée dans les écoles professionnelles afin d’atteindre des diplômes professionnels de niveaux IV et III.

Les deux tiers des stagiaires étaient des femmes, il y avait donc lieu de sonner à la porte du CRIDF pour se connaître et coopérer. Il importait que les stagiaires connaissent cette association qui dirait leurs droits et le modus operandi en cas de coup dur.

Lors de ces actions, dans la vie professionnelle et associative, j’ai eu le plaisir de rencontrer des gens de tous milieux et de toutes origines, des ouvriers et des ruraux, des bourgeois et des prolétaires, des illettrés, des analphabètes et des savants, des manuels et des intellectuels, des hommes, des femmes, des artistes et des poètes … et puis Paulette.

Adieu Zaza !

 

Pudique à Paris, grâce à Zaza.

« Une épingle de sûreté ou épingle à nourrice ou épingle de nourrice est un petit objet utilisé pour attacher ensemble des pièces de tissu d’une manière rapide et temporaire. 

Ces épingles sont généralement en métal, en nickel pour les argentées, voire en laiton pour les dorées. 

Si leurs formes, tailles et couleurs peuvent varier, les épingles de sûreté sont la plupart du temps montées sur un petit ressort et leur extrémité piquante est protégée par un capuchon.

Leur caractère de sûreté provient de ce que l’extrémité piquante est protégée par un capuchon, ce qui réduit presque totalement le risque de blessure, à l’inverse de l’épingle ordinaire ; d’autre part la précision des gestes que requiert son ouverture limite les risques qu’elle se produise par accident. » 

Merci qui ? Merci Wiki !

Sans remonter aux antiques fibules romaines datant du Vème siècle avant J-C, je veux évoquer ici comment un trésor puisé un jour des années 1990 dans le sac à main de Zaza parvint à sauver ma pudeur et ma journée de réunion parisienne.

La scène se passe de grand matin dans le TGV qui partait de la gare Viotte de Besançon, s’arrêtait quatre minutes en gare de Dijon-Ville, deux minutes à Montbard et débarquait à 8 h 43 à Paris gare de Lyon un flot de provinciaux pressés de s’engouffrer dans un métro pour ensuite vivre ou subir une journée de réunion dans une petite salle en sous-sol d’une institution nationale, donc parisienne.

Première remarque : nous, gens de province, mettions un point d’honneur pour arriver tôt et être les premiers pour la rencontre qui débutait à 9 heures et s’achevait à 17 h 30 ou 18 heures. Les collègues et homologues parisiens se pointaient allègrement à 10 heures en s’excusant du bout des lèvres, au prétexte qu’ils avaient eu des embouteillages ou un quelconque appel du Ministère ou du Cabinet et nous quittaient dès 16 heures en prévision des bouchons du soir.

Deuxième remarque : dans le TGV, il était certes possible de lire, de travailler, mais de se détendre aussi et surtout de retrouver des collègues, des homologues, des amies et amis.

Dans la même voiture, une ou deux fois par mois, je retrouvais une amie dijonnaise qui embarquait à Dijon et descendait comme chaque jour ouvré à Montbard pour exercer ses talents professionnels à Métal-Déployé. Passé le lac Kir et les viaducs de Velars-sur-Ouche, nous avions coutume de nous retrouver à la voiture bar pour siroter un café et échanger des nouvelles sous le tunnel de Blaisy ou du côté de Les Laumes-Alésia. L’amie quittée, le café bu, un arrêt technique aux toilettes s’imposait avant que – sur la ligne à grande vitesse – la capitale ne s’approchât trop vite et que lesdites toilettes ne fussent prises d’assaut par les attachés cases et autres costard-cravate.

La routine, vous dis-je, sauf que là, catastrophe, impossible de refermer mon pantalon : le zip avait lâché. Le temps d’un éclair, la fermeture Eclair® avait fait long feu. Je me trouvais tout bête, en perdition, mon futal de même, un peu comme une motrice dont le pantographe aurait quitté brusquement la caténaire (les copains cheminots comprendront).

A la gare Viotte, j’avais fort heureusement repéré quelques têtes connues. Pas question d’aller conter la mésaventure au premier mâle venu, qu’il soit un syndicaliste professionnel (détaché, forcément détaché), une huile de la Chambre de Métiers, un formateur de l’Afpa, un collaborateur du Recteur ou de l’Archevêque. Par bonheur deux copines étaient là qui, elles aussi, venaient travailler à Paris pour un jour ou davantage : l’une était conseillère régionale, Maire de Chemaudin et présidente du CRIDF ; l’autre était Députée du Doubs à l’Assemblée Nationale. Vous avez évidemment reconnu Geneviève Vacheret et Paulette Guinchard. A elles et à elles seules, je pouvais conter mon aventure. D’elles seules, je pouvais espérer un soutien, un conseil, une solution.

 » Si tu fermes bien ta veste, ça ne se verra pas trop « , me dit l’une, sans avoir omis de ricaner et de gentiment se gausser.

 » Evidemment, tu n’as pas de quoi te changer puisque tu fais l’aller-retour dans la journée « , ajoute l’autre, après avoir émis quelque leste allusion.

 » Bon, c’est pas le tout, reprend Zaza, je vais voir ce que j’ai là-dedans ! « 

Elle ouvre alors son sac, en sort des crayons, des dossiers, des mouchoirs, des trésors et puis, tout au fond, un petite épingle à nourrice, dorée, en laiton.

Pour la description précise et l’usage que j’en fis, le lecteur attentif se reportera au premier paragraphe.

C’est ainsi que – grâce à Zaza – il me fut possible de demeurer présentable, pudique et dûment épinglé à Paris.

Christine Musard

Zaza savait lutter pour le respect des personnes et les droits de celles en difficultés.

Elle était de tous les combats. Son attention aux plus démunis s’est manifestée.

Lorsque j’étais animatrice socio-culturelle aux Clairs Soleils dans le cadre de la réhabilitation des années 80, que ce soit avec « Safran » auprès des femmes qui méritaient une attention particulière, ou des familles en général.

Lorsqu’elle était Adjointe aux Échanges internationaux, elle n’a pas hésité à soutenir notre association « Aide et Amitié Franc-Comtoises au Liban » pour une action de formation par nos bénévoles enseignants dans des écoles de Beyrouth, afin de soutenir la francophonie tant réclamée. Et encore récemment après l’explosion d’août 2020, son engagement personnel rejoignait les dons collectés pour aider à la reconstruction.

Lorsqu’elle était en déplacement, son souci de ne pas laisser se cogner à la porte de son bureau les nombreux visiteurs, la portait à dire à notre bureau voisin « Surtout merci de parler aux gens, vous prenez leurs noms, leurs messages, svp, vous leur dite que je reviens… ». A son tour elle savait aussi orienter dans d’autres services des personnes égarées, comme ce monsieur âgé qui passait pour fou, nous lui avons évité un transfert à Novillars alors qu’il avait besoin d’être accompagné dans un logement.

Envers « Habitat et Humanisme » dans le projet de création d’une maison relais pour les personnes en difficultés psychiques, gérée par « Les Invités au Festin » pour exercer en commun la psychiatrie citoyenne. Ses compétences concernant le soin ont été très précieuses.

Zaza recherchait aussi le sens, l’éthique, la justice et la cohérence dans les actions, lorsqu’elle a rejoint le groupe de réflexion « Foi et politique » créé par Louis Mauvais pour des élus demandeurs.

Elle manifestait son intérêt pour la sauvegarde du patrimoine architectural de Ronchamp, avec la chapelle Le Corbusier et les constructions de Renzo Piano, en voulant transmettre, auprès de ses réseaux, des documents d’information traduits en diverses langues.

Zaza était simple, de nature pas fière (même avec tous ses engagements publics, ça ne lui a pas monté à la tête, comme on dit) et n’hésitait pas à faire part avec humour de ce qu’elle apprenait tous les jours, comme par exemple au début de son arrivée à l’Environnement, aux Espaces verts à la Ville, elle nous avait fait bien rire en disant : « moi qui croyais que les arbres penchaient à cause du vent ! » alors qu’ils cherchaient la lumière en poussant.

A l’Assemblée nationale elle s’offusquait du budget qui était alloué pour aller chez le coiffeur ou pour renouveler sa garde-robe, il y avait mieux à faire pour l’intérêt général !

Elle aimait les activités de détente simples, comme ses broderies qu’elle avait plaisir à offrir.

Merci Paulette pour tout ce qui reste imprimé dans nos cœurs et qui ne s’effacera pas.

Denis Pagnier

Notre première rencontre, début d’une longue série !

Conseiller municipal à Chatillon, j’étais en charge du district et « rapporteur » ;

Ca devait être en 1992, je crois. Paulette est venue, avec Robert SCHWINT, porter la bonne parole dans les communes périphériques.

Réunion publique à Chatillon.

Je connaissais Robert SCHWINT pour avoir déjà papoté plusieurs fois dans le TGV avec lui mais c’était la première fois que je voyais, devant moi, Paulette GUINCHARD.

Pas mal de monde présent à cette réunion.

Brillant exposé de Paulette puis vint le temps des questions de l’assistance. De nombreuses questions sont posées dont celle-ci : « Est-vrai que les gens de Chatillon vont payer plus d’impôts que les gens des communes voisines ? »

Paulette répond « oui, sans trop développer ».

Alors moi, en simple conseiller, je lève timidement le doigt et ose dire que je n’étais pas d’accord parce qu’il était prévu une nouvelle ligne d’impôt avec 1% de prélèvement sur la base cadastrale et cela pour toutes les communes, y compris Besançon, donc 1% c’est 1% pour tous, donc on ne pouvait pas dire que Chatillon allait payer plus que les autres !

Paulette, évidemment, avec une belle pirouette n’a fait qu’une bouchée de moi et on est passé à la question suivante.

Arrive le moment du pot en fin de réunion et ne me tenant pas pour battu, je reviens à la charge vers elle mais en ayant le soin de me présenter comme étant le frère de Jacques PAGNIER, maire de Chaux-Neuve, qu’elle connaissait bien pour avoir travaillé avec lui sur certains dossiers. De plus son frère y était fromager. La discussion a donc vite tourné court…

Avec ce désaccord, je n’imaginais pas, et elle non plus, que cette première rencontre allait être le début d’une longue série et finir par un mariage.

Alors, évidemment, nous avons moult fois reparlé avec joie de cette première rencontre mais toujours, cette fois, plus sérieusement, des 1% du district : elle n’a jamais voulu reconnaitre et accepter mon point de vue. Elle prétextait que les bases d’imposition de Chatillon étaient plus élevées que celles des autres villages…

Et ce qui m’énervait le plus, c’est que mon frère a toujours pris parti pour elle : le fayot !

Joseph Parrenin

Au cours des années 80, j’ai eu le plaisir de rencontrer et travailler avec Paulette au Conseil régional de Franche-Comté. C’est ensuite à l’Assemblée nationale qu’ensemble nous avons poursuivi notre engagement.

Chez Paulette, j’ai beaucoup apprécié son sens des responsabilités pour l’intérêt général avec très tôt une préoccupation pour les questions environnementales.

Paulette, très attachée à ses origines rurales a toujours privilégié une société d’équilibre entre ville et campagne, entre les générations et les professions avec une attention marquée pour les plus démunis.

Merci Paulette pour cette vie tournée vers les autres.

Nicolas Perrette

Merci

Merci à vous de m’avoir ouvert les yeux sur la vie et la mort, merci de m’avoir appris à ne pas réfléchir qu’avec ma tête mais aussi avec mon cœur, merci de m’avoir fait confiance en me donnant de grandes responsabilités, merci de m’avoir fait travailler plus que de raison, de m’avoir donné ce goût de l’effort dont j’ignorais que j’allais y prendre du plaisir, merci de m’avoir appris à ne jamais être surpris par rien ni personne, de pas avoir peur de ceux qui se considèrent comme les puissants parce qu’ils sont faibles, merci d’avoir passé tant de temps avec moi, de m’avoir écouté, merci de m’avoir aidé à sortir de mon ego, merci de m’avoir ouvert les yeux sur toutes les cultures et sur l’Afrique en particulier, merci pour votre féminisme tolérant, pour votre pratIque politique digne et non sectaire, merci pour votre militantisme assumé jusqu’au bout, merci de nous montrer qu’on peut choisir la mort debout sans désespoir, merci pour tous les vieux, pour les sans grades ou les hors normes, merci pour votre flamme, votre esprit sans limite et sans jugement, merci pour votre intelligence simple et humaine, merci pour votre amour des autres, je suis fier d’avoir tant appris et grandi à vos côtés

Père Norbert PETOT

Homélie prononcée aux obsèques de Paulette, 26 Mars 2021

Après lecture des béatitudes en St Matthieu chapitre 5

Neuf fois « heureux » ! Comment peut-on choisir un tel texte pour faire mémoire de quelqu’un dont le départ nous affecte tant ? Choisi par la famille, il nous met d’emblée dans une perspective résolument tournée vers l’avenir… (Chouraqui traducteur juif propose « en avant » « en marche ». C’est ainsi une manière de rejoindre le dynamisme de Paulette que chacun, ces temps-ci, tient à souligner !

L’Eglise, vous le savez, ne peut approuver son geste… mais posons-nous la question : Qui d’entre nous (la famille exceptée peut-être) peut mesurer la souffrance physique et moral d’un être humain? Qui peut mesurer son combat contre la souffrance ?

La souffrance ! Le mot est lâché… Un épisode historique a marqué ma jeunesse et sans doute ma vie de prêtre : au printemps 1968, l’Archevêque de Paris, Mgr Pierre Veuillot, atteint d’un cancer grave à 55 ans, voit sa vie s’en aller et éprouve de grandes souffrances…. Son cri est devenu célèbre : à ses obsèques à ND de Paris, en présence du général de Gaulle, le prédicateur du jour, Mgr Lallier a rappelé ces mots qui m’ont tant percuté :  « Nous savons faire de belles phrases sur la souffrance. Moi-même j’en ai parlé avec chaleur. Dites aux prêtres de n’en rien dire ; nous ignorons ce qu’elle est et j’en ai pleuré. »

Face à ceux qui souffrent dans leur cœur et dans leur corps, je suggère deux attitudes : le silence et la compassion :

Le silence d’abord, la présence discrète et silencieuse. Le silence manifeste notre respect. Dans le silence on n’entend plus que l’essentiel. Il est le sanctuaire de la prudence…Ne le craignons pas !

La compassion : un vieux mot qui a mal vieilli (relents de condescendance et de pitié !) Par son étymologie (souffrir avec, compatir) JC Guillebaud, journaliste et écrivain disait il y a peu :

« Une évidence crève les yeux : la compassion est en train de quitter notre monde. Ce qui prévaut dorénavant, et jusqu’à la nausée, ce sont les impératifs comme la compétition, la performance, la « gagne », le record, le dépassement de l’autre, le quant-à-soi, la peur du vis à vis. La COMPASSION n’est pas une gentillesse mièvre. Elle est centrale et permet d’évaluer le degré de civilisation d’une société. » Et il renvoie à Christiane Singer, journaliste, disparue en 2007, qui appelait l’urgence d’aimer, la coopération de l’amour qui seule peut tenir le monde debout.

Et nous retrouvons les béatitudes lues pour cette liturgie : Debout, En avant ! A la suite de Paulette (dont les combats ont marqué la société et le pays tout entier) nous avons à rejoindre ceux que le Christ nous donne en exemple : ceux qui ont faim et soif de justice ; les artisans de paix ; les miséricordieux…. Rester fidèles à la mémoire de Paulette, c’est refuser la fatalité, prendre notre part dans la construction du monde (et il y aura beaucoup de travail à la sortie de la pandémie !) resserrer les liens entre nous.

Comme l’a dit le Pape récemment aux Irakiens dans ce pays en ruines : Ne cessez pas de rêver ! Ne vous rendez pas, ne perdez pas l’espérance ! Du ciel, les saints veillent sur nous Et il y a aussi « les saints de la porte d’à côté » qui vivent proches de nous et sont un reflet de la présence de Dieu. Cette terre en a beaucoup, c’est une terre où les saints, hommes et femmes, sont nombreux. Laissez-les vous accompagner vers un avenir meilleur, un avenir d’espérance. »

Que ce moment passé en cette église de Palente soit pour chacun de nous, croyants ou non, un temps de recueillement, de silence et de paix.

Jean-Louis Pharizat

Deux anecdotes :

Paulette me confiait discuter très souvent avec Robert Hue : c’était les deux seuls infirmiers de l’Assemblée nationale.

En 1992, je lui demandais des conseils pour développer la coopération sanitaire avec la branche sanitaire du syndicat Solidarnosc de Bielsko-Biala. Elle eut tôt fait de me proposer une réunion avec le vice-président et la directrice du CCAS de Besançon pour démarrer cette coopération. Nous avons pu ainsi organiser des stages pour des infirmières, sages-femmes et médecins polonais en Franche-Comté sur plusieurs années.

 

Colette Pierrot

Paulette, pour moi, c’est Zaza et ce sera toujours Zaza.

Après l’avenue Ile de France, Jean, Zaza et Georges sont venus s’installer rue de Franche Comté, juste derrière chez nous. C’est là, à Planoise que nous nous sommes rencontrées. Zaza et moi nous retrouvions au terrain d’aventures et papotions pendant que les enfants jouaient. A cette époque, Zaza se posait des questions sur son avenir professionnel, elle se cherchait. Si mes souvenirs sont fidèles à la réalité, elle venait de quitter son job, avant de s’engager au CRIDF.  Attirée par la politique, Zaza était subjuguée par cette femme pour laquelle elle vouait une grande admiration : Huguette Bouchardeau.

Douée d’une grande capacité à communiquer, Zaza aimait mettre les gens en relation. C’est comme ça que je suis partie avec les enfants à l’île d’Yeu avec sa voisine et ses enfants. Elle aimait provoquer les rencontres entre nous. Ce petit coin de Planoise était très vivant. Les parents, surveillaient de temps à autre leurs enfants du balcon…

Zaza a su créer un réseau d’échanges et de services entre voisins. De son côté, les Califano, Talbot, Locatelli et du nôtre les Lime, puis les Deniset.

Une année 86 ou 87, Zaza nous a proposé d’aller avec elle aux Issambres. Il y avait Marie Edith et les Lacaille. Cette maison était magnifique, en bord de mer, mer à laquelle on accédait directement par un petit sentier. Si mes souvenirs sont bons, cette maison avait été prêtée aux militants du PSU. La maison était très grande, avec de grandes baies vitrées sur lesquelles les vagues venaient frapper. Les enfants, nombreux, se baignaient et jouaient dans l’eau. Les adultes partageaient la préparation des repas et les repas dans le patio. Les discussions étaient bien animées, Zaza savait susciter les débats.

Par la suite, nous sommes restées en lien par courrier et par mails, nos rencontres furent épisodiques. Zaza était peu disponible, très prise par ses engagements. Elle ne comptait pas son temps quand elle entreprenait quelque chose.

On se voyait aux manifestations électorales ou fortuitement à Besançon.

Nous sommes allés les voir, Denis et elle, à Chaux Neuve avec les Deniset. Ce fut une belle journée. Elle était très fière de nous montrer tout ce qu’elle avait créé en couture et broderies pour ses petites filles et ses amis. Nous partagions la même passion, la broderie… Elle était fière aussi de nous montrer aussi comment elle faisait pour utiliser le clavier de l’ordinateur compte tenu de ses problèmes musculaires.

Nous nous sommes revues à un salon du livre dans le Haut-Doubs et à un spectacle chez nos amis, les Deniset.

Zaza, tu étais

Celle qui n’hésitait pas à dire ce que tu pensais.

Celle qui ne se plaignait pas malgré toutes les difficultés affrontées, pour te déplacer notamment.

Celle qui avait une belle énergie.

Celle qui n’avait pas peur de s’engager corps et âme pour défendre des valeurs auxquelles tu croyais.

Celle qui défendait la cause des femmes.

Celle qui s’est investie sans compter pour changer l’image de la vieillesse et faciliter le parcours de vie des personnes âgées.

Celle qui, par son acte courageux, réinterroge toute la société sur la question de la fin de vie.

Zaza,

… une femme engagée, passionnée, positive et joyeuse

… une de ces femmes qui a marqué ma vie.

Joseph Pinard

En vue des législatives de 1986, Mitterrand impose la proportionnelle dans le cadre départemental. Panique parmi les députés P.S. élus très facilement, surfant sur la vague rose de 1981 avec le mode de scrutin que nous connaissons aujourd’hui. La peur est grande d’être éliminé faute d’être très bien placé sur la liste départementale. Je n’étais pas concerné puisque j’avais décidé de ne pas me représenter. Un matin, à la buvette du Palais Bourbon, j’entends un député des Alpes Maritimes, très en colère : il dénonçait le parachutage comme tête de liste dans son fief d’Huguette Bouchardeau alors ministre, imposée par l’appareil de Solférino, au titre d’un accord avec le P.S.U.

Le député menacé d’être privé de son siège éructait : ça va mal se passer, Bouchardeau est pro-palestinienne, elle va susciter l’hostilité des juifs nombreux sur la Côte d’Azur. Le hasard fait, que peu après, je croise la ministre dans les couloirs. J’avais rompu des lances avec le P.S.U., mais j’avais de l’estime pour Bouchardeau, une agrégée de philo, mais qui ne jouait pas à l’intello. Je lui dis : au P.S., ils ne te réservent pas un bon accueil du côté de Nice. Elle me confesse que ça l’inquiète. Je lui dis alors, tu n’as qu’à venir dans le Doubs, je laisse une place qui assurerait ton élection et chez moi, tu serais bien acceptée : il y a les Lip et beaucoup de sympathisants de Rocard.

Quelques jours plus tard j’apprends que le transfert va s’opérer et que la ministre avait obtenu une faveur : les législatives étant couplées avec les Régionales, une place éligible (et les places étaient chères) serait réservée à une représentante du P.S.U., pour laquelle elle avait une grande estime. De qui s’agissait-il ? De Paulette. La ministre, fine mouche, connaissait les qualités de sa camarade et voulait lui mettre le pied à l’étrier.

Je mis ma permanence, mon secrétariat à la disposition de la campagne. Bouchardeau fut élue. Je regrette que la greffe n’ait pas pris durablement, mais c’est une autre histoire. Paulette, de son côté fit son entrée au Conseil Régional, s’y fit apprécier par son pragmatisme, son approche humaniste des dossiers. On connait la suite, mais ceci aussi est une autre histoire.

Sur Reugney

Mars 1971 : les municipales ont été bonnes pour le P.S. dans le Doubs : Minjoz, facilement réélu et dans le Pays de Montbéliard, grâce à Boulloche, de grosses localités basculent à gauche. Succès dus à l’alliance entre militants venus de la C.F.D.T. et de la Sociale démocratie. Dans la foulée sénatoriales, en septembre pour les deux sièges au scrutin majoritaire avec panachage, jusqu’alors la Droite l’emportait haut la main, mais je pense que Robert Schwint a des chances : en plus de nombreux grands électeurs urbains, il compte sur l’appui d’une nouvelle génération de maires ruraux, souvent paysans, marqués par la guerre d’Algérie, appréciant Rocard. De plus, au plan local le maire du Russey est connu pour son dynamisme. Ses liens avec les milieux protestants et catholiques, son engagement au S.G.E.N.-C.F.D.T., alors très bien implanté. J’obtiens que Robert soit investi. Il lui faut un suppléant, le plus efficace serait qu’il soit paysan, maire d’un village et disposant d’une large estime dans son milieu. Après discutions entre amis, décision est prise de solliciter le maire de … Reugney. Et le choix, parmi les plus de 550 communes rurales que le Doubs comptait alors n’était pas dû au hasard. Nous prenons rendez-vous Robert et moi avec Edmond Grandjacquet. C’est la première fois que je mettais les pieds dans ce village que je savais marqué par une paysannerie intelligente, marquée par le mouvement des coopératives, la pratique conviviale du tarot, bon exercice pour développer l’aptitude au raisonnement, souvent formée par un catholicisme d’ouverture notamment par le biais du grand mouvement de jeunesse que fut la Jeunesse Agricole Catholique, la J.A.C. Un milieu sensibilisé, l’Afrique, par le biais des nombreux missionnaires du Haut-Doubs.

Nous fûmes reçus fort cordialement par le maire qui déclina  l’offre pour des raisons de santé. Il promit de soutenir Robert auprès de son riche réseau d’amis. Il nous suggéra de solliciter un leader paysan appartenant à la même mouvance et lui aussi très apprécié dans son milieu : il s’agissait de Charles Marmier de Frasne qui accepta de se lancer dans l’aventure. Et à la surprise générale, Robert fut élu, premier sénateur de gauche depuis… 1913 !

C’est une page d’histoire que j’écrirai peut-être si j’en ai encore la force, mais je regrette que dans les nécrologies parues (et je pense en particulier au très bel article du ˝Monde˝ qui m’a fait chaud au cœur), on ait très peu parlé de ces racines solides, porteuses d’intelligence, de bon sens, de générosité, de réformisme solidaire efficace implantées à Reugney, point d’ancrage du parcours hors du commun, les pieds dans la terre, aux antipodes du hors-sol, de Paulette.

Annick Preux

Paulette, c’était un sourire…

Je la rencontre, je la croise, je parle avec elle, je travaille avec elle… et elle sourit !

Derrière ce sourire, l’écoute, l’empathie, la compréhension, la compassion, la bienveillance, la générosité, c’est elle !

Les femmes….

Nous avons travaillé ensemble au CIDFF, Centre d’Information des Droits des Femmes et de la Famille. Lieu virevoltant où se croisent le désespoir et la bonne humeur. La créativité et les échanges. Les rires et les pleurs. Et toujours l’amitié. Avec Paulette, toute l’équipe se battait pour apporter aux femmes brisées des solutions au niveau juridique et professionnel, de vrais sauvetages les éloignant des violences de toutes sortes, des rencontres positives leur permettant de décharger la pression de leur vie difficile. Paulette est là, attentive et active. Le personnel est autour d’elle et avance coûte que coûte ! Bien sûr parfois des failles, bien sûr parfois des problèmes, bien sûr parfois des désaccords. Mais jamais sans issue !

L’Afrique…

Nos vies professionnelles ont bifurqué mais nous sommes restées proches, de par des préoccupations communes comme le combat pour le droit et le respect des femmes. Resté d’actualité mais cette fois dans des pays beaucoup plus éloignés du nôtre. Notre passion commune pour l’Afrique, nous a permis des échanges extrêmement riches, des confrontations de points de vue, de vraies découvertes. Elle se rend au Burkina Faso et moi au Mali et au Niger. Le Sahel devient un nouveau terrain de passions et de discussions. Elle connaît notre association de solidarité internationale (LACIM de SAONE) et nous soutient dans la mise en place de la fête de l’Afrique à Saône et dans nos différents projets.

Nos carrières…

Lors de mon évolution professionnelle, notamment lorsque j’ai accepté des postes à responsabilité à l’APEC, au-delà de la région franc-comtoise (Alsace, Lorraine, et Bourgogne), Paulette m’a montré son soutien et son intérêt pour mes nouvelles fonctions. Elle me questionne sur la situation économique de ces régions mais aussi sur mon management, mon organisation, mes décisions.

L’APA…

Mon admiration est sans faille quand elle met en place l’APA. Paulette prend à bras le corps la vieillesse. L’observe, la comprend, s’en empare. Son combat toujours là pour obtenir le meilleur pour les autres. Aujourd’hui mes parents ont une vie améliorée, grâce à elle.

En fin de compte… je plains ceux et celles qui ne l’ont pas connue… Femme d’exception elle a été, femme d’exception elle est partie…

Bernard Preux

J’ai fait la connaissance de Paulette au CIDFF (Centre d’Information du Droit des Femmes et des Familles). J’y étais allé chercher Annick (Preux) pour la première fois. Annick m’a présenté à Paulette qui, sans m’avoir jamais vu, m’a accueilli et a commencé à discuter avec moi comme si nous étions des amis de longue date, toute sourire et pleine d’intérêt pour qui j’étais et ce que je faisais.

Quelques années plus tard, le second souvenir. J’avais parlé à Paulette d’une formation du service de formation continue de l’université de Franche-Comté où je travaillais. Cette formation proposait la démarche qualité dans les actions de formation dans les pays en voie de développement.

Un jour, Paulette me téléphone et me dit avoir besoin de moi. Elle m’explique qu’elle passe la soirée Joseph Ki-Zerbo, Burkinabé, présent à Besançon pour un colloque à l’invitation de la mairie, historien de l’Afrique, sinon LE plus grand historien de l’Afrique ! «Tu pourras lui présenter votre projet de formation» me dit Paulette. J’ai eu la chance ce soir-là, de rencontrer un homme extraordinaire, une encyclopédie vivante. Grâce à Paulette !

Le troisième souvenir est encore lié à un appel téléphonique de la part de Paulette qui me demande un service. Il s’agit de gérer le budget d’une formation pour des élus et des fonctionnaires de la ville de Bistrita (Roumanie), organisée par le CNFPT (Centre National de la Fonction Publique Territoriale). Cet organisme, pour des raisons administratives, ne peut gérer le budget. Paulette cherche un tiers qui le fasse. Elle a pensé au service de formation continue de l’université. Je propose qu’un partenariat s’engage avec la ville et le CNFPT. Paulette accepte tout de suite ma proposition et m’invite à une première réunion. C’est ainsi que, grâce à elle, j’ai participé un certain nombre de fois à des actions de formation en Roumanie.

En quelques mots et pour conclure, Paulette, c’était de l’intérêt pour les autres, de la confiance, du soutien, de l’aide, une écoute, une capacité à mettre les personnes en relation pour la réalisation de projets. Bref, quelqu’un qui aimait les autres !

Marie Thérèse Renaud

Notre Paulette nous a quittés. Rarement l’expression aura été employée avec autant de force, de solennité, après un décès. C’est que rien dans la vie, et aussi dans la mort, de Paulette Guinchard n’a vraiment été banal.

Je l’ai connue d’abord comme journaliste à l‘Est républicain, puis de façon plus personnelle. A l’admiration, somme toute commune que j’éprouvais pour elle, est venue s’ajouter une véritable amitié née en partie grâce au livre sur la vieillesse qu’à sa demande, nous avons écrit ensemble. C’était dans les toutes premières années de ce vingt-et-unième siècle et un tel résultat n’allait pas forcément de soi.

Je la revois encore arrivant à Marast, le tout petit village de Haute-Saône où nous demeurions alors. Elle vivait encore seule et en souffrait. Elle était vive, simple et drôle. Elle débarquait un livre de cuisine ou un sachet de fruits à la main et nous nous mettions au travail. Sérieusement, même si nous riions beaucoup. Elle y apportait et c’était vrai de tout ce qu’elle entreprenait de la conviction, de la passion, du sérieux aussi et j’ai vite vu qu’elle aimait vraiment les vieux comme elle s’obstinait à les appeler. Le livre est sorti ; nous avons fait toutes deux quelques salons mais la promotion l‘enthousiasmait à demi.

Nous avons partagé ensuite beaucoup de jours et de soirs à Chaux-neuve et ailleurs.

Nous avons aussi fait quelques voyages car elle les affectionnait, disputé nombre de parties de tarot, une autre de ses passions. Entre temps, elle avait épousé Denis Pagnier, son fidèle compagnon jusqu’à l’heure ultime.

Elle est partie comme elle l’avait décidé. Vivante. Vaillante.

Barbara Romagnan

A propos de Paulette, on a beaucoup souligné, à raison, sa simplicité, son authenticité et son engagement. J’ai surtout été marquée par sa curiosité des autres et du monde. Lors de l’une de mes premières rencontres avec elle j’ai entendu cette amoureuse de l’Afrique dire quelque chose comme « les Africains ça leur ferait du bien qu’on les aide moins », sous-entendant que ce qui était présenté par une aide par la France était plutôt une défense des intérêts nationaux français. Cela m’avait beaucoup plu.

La dernière fois que j’ai parlé avec elle, quelques mois avant son décès, alors qu’elle était déjà très diminuée physiquement, elle m’avait impressionnée par sa vivacité intellectuelle et son intérêt pour l’avenir – y compris politique – alors même qu’elle savait qu’elle n’en ferait pas partie. Elle manque beaucoup, mais elle laisse un bel et rare exemple. On en a besoin aussi.

Marie Spinelli-Flesh

Quand Paulette me demanda en 2005 de prendre la direction du musée des maisons comtoises, j’ai bien sûr accepté et trouvé en elle ce qu’il fallait pour réussir. Je puisais mon énergie dans sa confiance.

Son autorité naturelle, jamais condescendante ni arrogante, s’exerçait avec bonheur et partage d’idées. Je n’ai pas souvenir d’une quelconque friction en réunion, que ce fût en petit comité ou en assemblée.

Le respect mutuel s’était imposé spontanément et qu’est-ce que c’était bien ! La sincérité de ses idées et de ses convictions transparaissait dans sa personne et on pouvait lui parler avec franchise des difficultés rencontrées, faire des propositions et des demandes toujours examinées avec bienveillance et pertinence. Et son autorité politique, quelle béquille pour ce musée qu’il fallait remettre en ordre de marche !

J’ai aimé Paulette, j’ai aimé travailler sous sa présidence, avec elle, et chacun qui l’a connue au musée s’en souvient avec émotion et bonheur

Pierre de Sury

Zaza à Frontenay

C’est une histoire merveilleuse, qui, comme toutes les belles histoires, commença de manière improbable… pour aboutir à une évidence : le château de Frontenay, devint au fil du temps la résidence secondaire de Zaza, et restera à jamais marqué de son l’empreinte.

Il me plait également à penser que ces vieilles pierres et ceux qui l’ont habité, n’ont pas été sans influence sur sa destinée… !

Ma mémoire me joue des tours… comment cette histoire a commencé ?

Était-ce une rencontre avec Ghislaine, dans une association bisontine précurseur dans l’accompagnement de la fin de vie, ou dans le cadre de la formation continue, pour aider à la reconversion des anciennes de Lip, ou encore lors d’un stage de cirque animé par deux Jacques, pour un groupe de nanas en quête de sens… ?

Ou plutôt, via un autre Jacques, mon père celui-là, qui se retrouva aux cotés de Zaza, sous les ors du conseil municipal de Besançon, après avoir accepté avec enthousiasme les sollicitations d’un maire socialiste, poussé par un vent d’ouverture politique, qui fit appel à un polytechnicien de centre droit, épris d’économie et d’intérêt général, et qui ne rêvait que de cela… !

Quelle qu’en soit l’origine, Zaza arriva à Frontenay avec Jacques et Ghislaine, et y revint souvent… !

Il y eu le temps des nanas : réfléchir sous un cerisier, palabrer beaucoup, et se remettre en question tout le temps. Il y eu les débats politiques passionnés avec Jacques, les avis divergeaient parfois, mais l’écoute, l’estime et le respect étaient toujours au rendez-vous.

Ce fut aussi l’histoire d’une profonde amitié avec Ghislaine, faite de différence, de complicité et d’admiration mutuelle. Zaza, puis Zaza et Denis, passaient souvent à Frontenay, et je suis convaincu que l’écoute de Ghislaine et la magie des lieux furent pour Zaza un havre de paix, un refuge, ou elle pouvait se livrer et se ressourcer.

Ce fut aussi Frontenay Passion, crée par Ghislaine pour développer l’échange, le partage et les activités culturelles. Zaza s’y attachât, passionnément, en faisant venir, des intervenants illustres pour éclairer des sujets profonds. Lieu de partage et d’échange, c’était sa vision de Frontenay, qu’elle n’a cessé de poursuivre après le départ de Ghislaine.

Je me souviendrais toujours des derniers mots qu’elle prononça avec autorité, pour clore la dernière Assemblée Générale de Frontenay Passion où nous échangions sur la célébration de 50 ans de vie à Frontenay. La commémoration du passé importe peu, ce qui compte c’est l’avenir et les projets que l’on porte.

Nous suivrons ses derniers conseils à la lettre, en se permettant une nuance : le passé ne fait pas tout mais il est quelques personnes, comme Ghislaine et Zaza, dont il faut s’inspirer pour construire l’avenir…

Dominique Susini

Pour esquisser qui était Paulette, quelle belle personne c’était, quelques souvenirs, quelques évènements, sans importance, mais bien significatifs.

La fidélité en amitié

Un dimanche matin vers 9h, un appel téléphonique de Zaza.

« Dominique, il faudrait que j’aille à Lille déjeuner avec Martine AUBRY, nous voulons à quelques-uns lui témoigner notre soutien dans les difficultés qu’elle rencontre. Est-ce que tu peux m’emmener ? »

« Euh oui bien sûr mais je ne suis pas prêt ! »

Bref je passe la prendre à 10h30 chez elle et en route pour Lille. J’avais une Xantia à l’époque, grosse berline mais malgré tout, Lille c’est loin ! C’est quand même 550 km et 6h de route normalement.

Exceptionnellement, j’ai roulé très vite et nous sommes parvenus à arriver en cours de repas. La place de Zaza était réservée au milieu des nombreux ministres, surtout des femmes.

J’ai pour ma part déjeuné avec des attachés de communication, ce qui m’a permis de constater que les collègues de Zaza n’avaient pas tous la même considération qu’elle pour les contacts populaires.

En fin d’après-midi, nous avons repris la route, plus tranquillement cette fois, pour arriver vers 23h à Besançon. Bilan : 11h de route et 1100 km parcourus ce dimanche. Un dimanche bien rempli pour « simplement » donner un signe d’amitié fort à Martine.

Elle était comme ça Zaza : une fidélité sans faille dans l’amitié, et une présence discrète mais chaleureuse quand il le faut.

Le plaisir d’être ensemble

Un dimanche encore Zazza me propose d’aller à la fête du vin à Lods. J’acquiesce car je connais mal l’histoire du vin dans cette vallée de la Loue. Ma première surprise fut la découverte d’une photo de la vallée au 19e siècle avec les pentes couvertes de vignes, comme en Suisse. Jamais je n’aurais pensé à un tel développement du vignoble à cet endroit. C’est un choc cognitif.

La seconde surprise, ce fut de voir Zaza au contact des personnes présentes pour cette fête en extérieur : tout le monde la connaissait, elle était chez elle ! Tous étaient ses cousins ou ses cousines. Je pensais qu’il n’y avait qu’en Corse qu’il y avait tant de « cousins ».

Et Zaza a passé l’après-midi à parler avec tout le monde avec un réel bonheur. Elle était parmi les siens. Elle écoutait, commentait, enregistrait. Pour elle, pas question d’aller « rencontrer le peuple » comme certains élus le formulent aujourd’hui, il s’agit simplement de rencontrer des personnes dont elle se sent proche et d’écouter, quelquefois de raconter : ses missions, sa place.

Elle était comme ça Zaza : être parmi les gens n’est ni une obligation, ni un passage obligé du politique, c’est un plaisir, c’est passer un bon moment, c’est se ressourcer et se détendre.

L’Afrique

Un jour où nous étions partis marcher, Zaza me demande de mes nouvelles. Je raconte mes petits soucis et mes ennuis. Alors elle me répond, gentiment : « arrête de te plaindre ! Nous avons des problèmes de riches. Je rentre du Burkina et je t’assure que les problèmes de pauvreté c’est autre chose ! ».

La relation qu’elle entretenait avec l’Afrique, ce n’était pas seulement une série d’actions (dont d’autres ont très bien parlé ici), c’était aussi une puissante source de décentrement pour ne pas faire d’ethnocentrisme et surtout mettre en perspective des réflexions de vie quotidienne.

J’ai toujours retenu cette façon de penser. Elle permet de toujours trouver le bonheur dans la vie même si elle ne correspond pas à ce qu’on en rêve.

Elle était comme ça Zaza : toujours à se réjouir de ce qui est bon dans le quotidien, malgré les vicissitudes et la férocité potentielle de la vie politique.

Action engagement

L’irts de Franche-Comté s’était grandement développé et nous atteignions à l’époque les 1000 étudiants, sans compter la formation continue. Nos locaux de la rue Léonard de Vinci, dans les rez de chaussée et sous-sols d’un HLM étaient beaucoup trop petits et nous devions louer des salles à proximité, voir chez des confrères.

Les élus des différentes instances régionales étaient au fait de la situation, mais un premier tour de table n’avait rien donné, car nous arrivions après la finalisation du contrat de plan état région. J’avais compris qu’il fallait impérativement démarrer très tôt les démarches pour être inscrit dès le départ dans le contrat suivant. La ville nous avait « vendu » un terrain à Planoise pour un euro symbolique. Après avoir demandé une audience auprès du Préfet de région Claude Guéant, j’en ai parlé avec Paulette pour recueillir ses conseils.

Et là, elle me dit « j’ai rdv avec lui dans la semaine, je vais essayer de lui en parler. ».

Lorsque nous avons rencontré le Préfet avec le président Maurice Saclier, nous avons eu la surprise de rencontrer un homme convaincu par le dossier et par la nécessité de donner au travail social une plus grande visibilité à travers les locaux de son institut régional. C’est tout juste si ce n’était pas lui qui voulait nous convaincre du projet !

Bien sûr, nous avions envoyé un dossier solide sur le projet, mais il est certain que l’intervention de Paulette a été déterminante pour l’adhésion de Claude Guéant. Maurice Saclier en a d’ailleurs fait part au conseil d’administration.

Elle était comme ça Zaza : une fidélité dans ses engagements, une action simple, mais déterminée et déterminante.

L’action politique et la participation de la société civile

« Ce schéma s’attache également à coordonner les différentes filières de formation des travailleurs sociaux, notamment avec l’enseignement supérieur, et favorise le développement de la recherche en travail social. »

Cette petite phrase issue de la loi d’orientation du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions a une histoire. Une belle histoire…

Le projet de loi comportait plusieurs passages importants pour le cadrage juridique des formations sociales. Plusieurs aller et retours entre le cabinet ministériel et les organisations représentant les centres de formation avaient permis une négociation intelligente qui donnaient satisfaction à tous. Mais, coup de théâtre, au moment de la présentation à l’assemblée, la référence à la recherche avait disparu. Après discussion avec Paulette, convaincue de l’importance de la recherche, elle nous a proposé de se charger de négocier avec le cabinet, le dépôt d’un amendement. L’enjeu était simple : la recherche, oui mais le financement de la recherche non !

Nous nous sommes retrouvés, mon collègue Jean-Pierre Blaevoet et moi-même, avec Paulette un soir dans son bureau de l’Assemblée nationale pour rédiger l’amendement.

Paulette nous dit : « Bon les grands, moi j’ai fait mon travail, j’ai négocié l’amendement, maintenant à vous de faire le vôtre et de l’écrire ».

Il nous a fallu plus d’une heure pour trouver la formulation qui puisse être acceptée par le cabinet de la ministre et qui garantisse l’existence de la recherche en travail social. L’amendement est passé et, à ma grande surprise, j’ai retrouvé dans le texte de loi promulgué, la phrase telle que nous l’avions rédigée C’était une grande fierté d’avoir participé à ce petit point d’histoire et c’était aussi un bonheur que cette expérience directe de la démocratie.

Elle était comme ça Zaza : la participation des citoyens à la vie politique n’est pas une posture politicienne, c’est simplement l’évidence de trouver les ressources d’expertise là où elle se trouve. Efficacité et simplicité.

« Je voudrais simplement vous dire »

Paulette commençait souvent une intervention improvisée par ces mots. Mais c’est aussi la façon dont elle a conclu sa vie. Quelle volonté admirable de vouloir transformer une fin de vie difficile en un dernier acte politique fort.

En choisissant de mettre elle-même un terme à sa vie en Suisse, elle a « simplement voulu nous dire » combien il était nécessaire de poursuivre la réflexion sur le sujet.

Pas de démonstration, juste un acte incontournable.

Au revoir Paulette et merci.

Elle était comme ça Zaza : une femme debout tout simplement.

Evelyne Ternant

Un souvenir ému de nos premiers pas au Conseil Municipal en 1983 et beaucoup de respect pour Paulette dont la carrière politique exceptionnelle n’a jamais détourné des valeurs humaines chaleureuses, généreuses, de la simplicité qui ont fait d’elle « La Paulette ».

Michel Thierry

La mort volontaire de Paulette Guinchard, Secrétaire d’État aux personnes âgées en 2001/2002, a suscité des réactions d’une ampleur et d’une sensibilité inédites. Il est rare que le décès d’un(e) ancien(ne) secrétaire d’État, suscite, près de 20 ans après son passage au gouvernement, de tels échos de sympathie. Pourquoi ? Chacun ira de son point de vue. Nous, anciens de son cabinet, voulons témoigner.

Parce que Paulette a su faire évoluer le regard porté sur les personnes âgées et su inscrire dans une politique publique l’humanisme de son approche. Parce qu’elle a été une femme politique exemplaire, d’une grande proximité naturelle avec les gens. Parce que la manière dont elle a assumé une mort programmée nous touche.

Son passage au gouvernement de Lionel Jospin a constitué un moment fondateur pour la politique en faveur des personnes âgées.  Que de réformes menées, de mesures prises et de dossiers ouverts, en 13 mois ! Pour bosser on a bossé, dans le bonheur de l’action et de l’amitié, et dans une fidélité qui ne s’est jamais démentie. Ce qui est à noter, c’est l’approche globale, systémique, conduite et animée par Paulette : autour d’une réforme-levier, la mise en place de l’allocation personnalisée d’autonomie, une révision, une adaptation ou une relecture de toutes les politiques et programmes publics ayant une incidence sur la vie quotidienne des personnes âgées. Gériatrie hospitalière, coordination gérontologique sur les territoires, modernisation des institutions sociales et médico-sociales, tarification des maisons de retraite, formation et valorisation des aides à domicile, premier plan Alzheimer, multiplication des initiatives intergénérationnelles (comme l’utilisation des « emplois jeunes » pour développer des gymnastiques adaptées en maison de retraite ou familiariser les résidents avec l’usage des messageries électroniques).

Autre point essentiel, la levée des tabous. Paulette aimait bien ça, lever les tabous, sans provoc mais non parfois sans malice … Tabous sur la vie sexuelle des vieux ; impérialisme du « jeunisme » ; exclusivisme médical dans la prise en charge du grand âge, aboutissant à la relégation des vieillards ; tabous sur la fin de vie et sur la mort, que, jusqu’au bout, elle a regardés en face.

Paulette, c’était aussi une autre façon de faire de la politique. Elle a incarné ce que l’on souhaiterait voir chez tous les femmes ou les hommes politiques aujourd’hui.  Fidèle à des idées politiques sans être prisonnière d’une idéologie. Profondément enracinée dans le concret, dans le quotidien, dans les territoires. Aimant passionnément le débat et toujours prête au dialogue ; recherchant patiemment le consensus avec tous les femmes et les hommes de bonne volonté. Fière de ses origines (« je suis le seul membre du gouvernement à savoir traire les vaches »), indifférente aux ricanements qu’avait suscités, chez certains députés masculins, y compris dans le groupe socialiste, son petit accent franc comtois, lors de sa première séance de questions au gouvernement ; fière de son parcours depuis la JAC qui l’avait tant marquée. Elle se moquait du jargon technocratique et de la langue de bois politiquement correcte ; elle détestait le mot « seniors », son contenu vague et assez hypocrite, elle s’accommodait du terme « personnes âgées » et trouvait du charme à l’expression « nos ainés », mais elle préférait dire les vieux, comme tout le monde. Un parler simple et authentique, au service d’une expression claire.

Défavorable au cumul des mandats, elle avait décidé, après son élection à l’Assemblée nationale en 1997, d’abandonner d’autres mandats. Nous avons été frappés, en suivant dans les médias les réactions des passants happés par des micros-trottoirs, par l’empathie qu’ils manifestaient.

Deux ou trois jours par semaine, la ministre allait sur le terrain à la rencontre des élus, des associations, des responsables des administrations et des services publics, des professionnels, des résidents en maisons de retraite et de leurs familles, des journalistes de la presse quotidienne régionale. Expliquer, entendre les réactions, expliquer et convaincre, toujours ! Lionel Jospin – à qui elle a toujours voué une profonde admiration- avait bien saisi son profil humain et politique singulier, trop singulier hélas ! Dans un très bel hommage, il parle d’une « rencontre exceptionnelle » et qui l’avait marqué.

La mort programmée de Paulette nous a assommés, mais on ne peut que comprendre sa décision et admirer que, jusqu’au bout, elle ait voulu porter des valeurs d’émancipation. Pas une émancipation par rapport à la mort, bien sûr, mais une libération par rapport aux ravages d’une progression inexorable de la maladie, grignotant peu à peu toutes ses facultés de mobilité, de langage et de socialisation, étouffant progressivement ce qui donnait un sens à sa vie. Dans une juste et forte tribune parue dans « Libération », Marie-Guite Dufay, présidente de la région Bourgogne Franche Comté, ancienne et fidèle amie de Paulette, nous dit à quel point la décision du suicide assisté fut difficile, pour une personne qui aimait tant la vie et les siens, même après une longue maturation, et à quel point on doit estimer la portée éthique et politique de son geste assumé. Le choix de Paulette devrait favoriser la résurgence de débats, non sur l’euthanasie, mais sur les conditions du suicide assisté, avant d’avoir atteint les ultimes souffrances de la fin de vie.

Sur tout ce qui nous a marqué chez Paulette, sa vision du vieillissement et de l’action publique au service des vieux, sa conception du rôle des politiques et de leurs rapports aux citoyens, la portée de son dernier combat, beaucoup reste à faire…Elle restera une référence, un exemple. On ne l’oubliera pas, nous ne t’oublierons pas.

Jean Luc Toussaint

Certes bien incomplet sera mon propos, en ces ineffables circonstances, pour rendre hommage à Paulette.

Hommage que je ressens comme un devoir, au nom des Anciens Élèves de la promotion 69 du Lycée technique de Reims dont Denis faisait partie.

C’est au gré de nos rencontres régulières, des séjours à la découverte de nos régions spécifiques, que nous avons eu le privilège de nous rapprocher de Paulette, privilège qu’aujourd’hui, nous serrons tous comme un inestimable cadeau.

Cette dame d’exception et d’audace inscrivait dans nos retrouvailles la touche de détermination teintée d’humour que lui imposait l’implacable évolution de son épreuve : cette amère bataille secrète et intime qu’elle menait avec le soutien indéfectible de Denis.

De nous tous, elle forçait l’admiration !

Un avant et un après.

En filigrane, Paulette, tu seras toujours au cœur de nos rencontres futures. Car il est une mémoire sur laquelle les jours n’ont pas de prises : celle du cœur. !

Et la nostalgie, c’est l’Amour qui restera.

Les chemins du lieu-dit : « le PRE » à Chaux Neuve, les lieux que tu chérissais, tes sentiers tracés à l’infini seront encore et toujours fléchés par ton courage, ta ténacité, ton audace et ta bonté.

Que ton appel soit entendu (c’est déjà le cas), que ton combat ébranle et conduise vers cette forme d’humanisation souhaitée de la fin de vie !

A toi, Denis, je renouvelle avec émotion la solide amitié qui nous unit. A toute la famille, j’adresse mes vœux pour que s’opère, peu à peu, une sorte de réconciliation, apprivoisant la souffrance de ce départ et une forme de paix intérieure.

Merci Paulette pour ce qui a été et pour ce qui sera.

Marthe Viprey

Paulette, là où tu es, si tu m’entends, je veux avec beaucoup de peine et d’émotion te rendre hommage et saluer en toi une grande militante, une visionnaire dans les combats que tu as menés à bien pour les autres.

Dans les hautes fonctions que tu as occupées, les valeurs humaines qui t’animaient, ton intégrité, ta simplicité, ta tolérance et ton humilité restent un exemple pour beaucoup. Merci d’avoir œuvré dans le domaine de la santé, le droit des patients au côté de l’ARUCAH (association des représentants des usagers dans les cliniques, les associations sanitaires et les hôpitaux).

Ce qui doit rester dans l’esprit de chacun, c’est le travail réalisé par toi pour le bien être des personnes âgées, le dossier de l’APA si bien constitué par toi, toute la nation te le doit aujourd’hui.

Une petite anecdote : lors d’un CA au centre hospitalier de Pontarlier auquel tu assistais en tant que ministre, je t’avais posé la question : aujourd’hui Paulette, protocole ou pas protocole ? Ta réponse : « ne changeons rien ». Nous étions les seules à employer le tutoiement. C’était Paulette, restée elle-même partout et toujours.

Je garde de bons souvenirs de nos nombreuses rencontres et partages de journées aux Erauges à Guyans-Vennes avec des amis. Quel bon temps ! Quel bonheur et quelle chance d’avoir croisé ton chemin pendant tant d’années.

Merci Paulette pour ton dernier acte militant. C’est toi jusqu’à la fin.

Adieu Paulette, chère et regrettée amie

Roland Vittot

Voici deux souvenirs de Paulette

Je pense notre première rencontre, c’était au Foyer International de séjour tenu par le couple Rose, ou le PSU tenait ses rencontres. Je vois Paulette jolie jeune fille dans un petit groupe lors d’une suspension de séance, c’était aux environ de mai 68 ; ses cheveux en une magnifique natte qui descendait jusqu’en bas du dos.

Et puis je la vois il y a quelques semaines chez elle à Chaux Neuve jouer au tarot avec une audace que nous lui avons toujours connu lors des soirées tarot. Et puis lors du repas elle conduit la conversation dans les domaines politiques et sociaux avec une grande lucidité.

Et puis elle nous invite à la suivre dans son atelier de peinture ou elle nous fait choisir un de ses nombreux tableaux, et puis : ADIEU

Simon Vouillot

Paulette était pour moi un exemple, et pourtant elle ne se prétendait jamais exemplaire. Elle se vivait et se revendiquait comme une femme normale. Vivre comme les autres gens était pour elle une évidence et une nécessité, même une fois devenue députée puis ministre. Son exemplarité tenait à l’être, pas au paraître. Certains professent, d’autres montrent. Tout simplement – une expression qu’elle affectionnait – elle nous montrait la voie par sa façon de faire.

En 1997, très en avance sur la loi qui instaura cette règle 15 ans plus tard, elle fut la seule députée du Doubs à refuser le cumul des mandats (sauf erreur de ma part seuls deux homologues firent le même choix dans tout l’hémicycle !) et démissionna de ses autres postes. Je me rappelle avec amusement des réactions ulcérées de ses camarades masculins, élus avec elle, qui faisaient pression pour la faire revenir sur ce choix par crainte de devoir être obligés de faire de même… 25 ans après, son exemple a doucement et naturellement fait école.

Elle savait sa responsabilité en tant que modèle pour son entourage comme pour toute une génération de militants. Elle était sourcilleuse de ne pas dévier de sa ligne de conduite – au point de l’imposer à son entourage proche … je me rappelle m’être fait sermonner avec mon compère Nicolas pour avoir utilisé les chauffeurs mis à disposition des conseillers ministériels, alors que le métro parisien était « bien aussi rapide » ! – mais trop modeste et trop consciente de sa propre fragilité face aux réactions souvent hostiles – « le premier qui dit la vérité, … » – pour s’en faire un étendard.

Son lien avec les gens se nourrissait de cette simplicité. Dans la débâcle électorale de 2002, elle fut la seule députée de gauche réélue en Franche-Comté. Elle fut encore la seule députée sortante à faire le choix d’arrêter d’elle-même, à dire stop à la politique, parce qu’elle avait d’autres envies et d’autres besoins. Un responsable politique qui arrête de lui-même, sans s’accrocher au pouvoir, ce devrait être la norme … c’est toujours l’exception.

Certains suivent et d’autres précèdent. Une dernière fois, elle fut digne et droite face à sa propre mort, devant les autres, libre, sincère, exemplaire.

Paulette, je suis fier d’avoir été ton compagnon de route, je t’ai connu jeune homme et tu m’as aidé à grandir, je poursuis aujourd’hui ma route en pensant à ton exemple.

Claude Magnin

Zaza et la DÉTERMINATION

Un seul mot pourrait caractériser la vie de Paulette : la détermination.

Les circonstances ont fait le reste. Elle sut les saisir opportunément, pas à pas, sans brusquerie, souvent hors des canons habituels. Son apparente fragilité fut sa force.

Rien d’un plan de carrière qui déroulerait un chemin tracé à l’avance. Mais un désir ardent de réaliser ses rêves en dehors des codes convenus ou des modes passagères et, dans l’adversité, l’obsession d’aller le plus loin possible quitte à bousculer les obstacles qui auraient pu contrarier ses desseins de vie.

Depuis notre rencontre, il y a plus de cinquante ans, tous ses engagements, personnels et publics, témoignent de ces qualités.

Bien avant d’accéder à la moindre responsabilité, de façon assez mystérieuse et indéfinissable, Paulette était Zaza, différente, originale, inimitable, jamais intimidante, toujours disponible.

Dans notre petit groupe d’amis, où politique et amitié cohabitaient harmonieusement, sa personnalité la différentiait.

Jeune étudiante, c’est à la présidence de la section locale de Besançon de la Mutuelle Nationale des Etudiants de France  (MNEF), qu’elle inaugure son parcours de responsabilités. L’accompagnant lors des rencontres nationales de la Mutuelle, je la vois, spontanément, venir s’installer auprès des dirigeants nationaux. Jeune femme, elle joue, tout naturellement, de son charme franc-comtois, pour s’imposer et imposer la Province à Paris.

Son passage au rayon médical de la librairie Camponovo la fera connaître de tous les étudiants en médecine et l’encouragera, peut-être, vers les études d’infirmière en psychiatrie qui faciliteront son engagement dans la formation des personnels des soins médico-sociaux. Cette progression professionnelle lui ouvrira de nouveaux horizons.

Il y avait, en elle, un naturel bluffant qui la poussait vers les responsabilités mais aussi une préscience de ce que seraient les grands enjeux politiques à venir. Défricheuse, elle s’engagea en faveur de l’aspiration des femmes à l’égalité et de la révolution écologique nécessaire. Ces choix guideront la militante et la femme politique.

En 1983, Robert Schwint postule pour un second mandat de Maire de Besançon. Celui-ci propose de doubler la représentation du PSU avec 4 élus. Paulette sera candidat et élue Adjointe à l’Environnement et à la Maitrise de l’Energie. Elle y excellera tant qu’en 1988 Besançon reçut le Trophée National de la Maitrise de l’Energie.

Ce fut le début de son aventure politique.

Plus rien ne l’arrêtera.

Arrivent, en mars 1986, les élections législatives et régionales. Dans le cadre d’un accord national avec le PS, et dans le sillage d’Huguette Bouchardeau alors Ministre de l’Environnement à qui est réservé le poste de députée, Paulette sera candidate et élue conseillère régionale.

Maire-Adjointe de Besançon, Conseillère régionale, Paulette étonne. Elle devient incontournable.

En 1989, réélue Adjointe, elle est chargée par Robert Schwint du dossier difficile de l’intercommunalité au moment où les maires des communes de la périphérie bisontine se méfient de la grande ville soupçonnée de vouloir les priver de toute autonomie. Patiente, habile, séductrice, naturelle, elle va construire une relation de confiance avec les maires pour aboutir à la création du district puis de la CAGB (Communauté d’Agglomération du Grand Besançon). Sa délégation s’étendant aux Relations Internationales, elle se passionne pour l’Afrique : Douroula au Burkina-Faso et Man en Cote d’Ivoire.

Forte de son expérience, elle lance, en 1991, à Mannheim, avec cinq autres villes européennes et la Commission Européenne, un appel à la création d’un réseau de villes qui deviendra Energie-Cités, réseau de référence en Europe, dont le siège est aujourd’hui encore à Besançon. C’était il y a 30 ans.

En 1997, nul ne l’attendait comme candidate députée socialiste dans la 2ème circonscription de Besançon. La direction nationale du PS réserve celle-ci à une femme. Paulette n’a aucune hésitation. Proche des gens, parlant un langage accessible, sa tranquille assurance et son sourire désarmant font la différence. Nul ne perçoit la moindre hésitation dans son ascension. Elle est élue et entre à l’Assemblée Nationale, aussi simplement qu’elle était entrée au Conseil Municipal quatorze ans plus tôt.

Remarquée pour sa connaissance du dossier des personnes âgées et de la perte d’autonomie, Lionel Jospin lui confie, en 1999, une mission d’étude sur le sujet. Elle rendra un rapport, « Vieillir en France », qui fera date.

Le mercredi 28 mars 2001, elle est nommée Secrétaire d’Etat chargée des Personnes Agées. En 18 ans, elle aura gravi, avec assurance, tous les échelons des responsabilités publiques, forçant l’admiration et le respect y compris de ses adversaires politiques. A l’aise dans tous les milieux, son rapport vrai et sincère avec les milieux populaires sera sa boussole.

Le doit-elle à un possible emballement, surestimant la force du destin mais sous-estimant, dans ce qu’elle a gardé de candeur, les manœuvres d’appareil, elle connaît, en 2001, l’échec comme candidate socialiste à la succession de Robert Schwint. Elle accepte le verdict des militants. Aucun de ses amis ne lui tiendra rigueur de cette embuche car elle restera celle qui aura mis en place l’APA et largement contribué à transformer non seulement la politique en faveur des personnes âgées mais la politique tout court. Tant et tant lui en savent gré aujourd’hui.

Évoluant hors des cadres politiques habituels, elle donne son aval, en 2001, à un groupe de ses amis pour lancer une association EPI (Espace Politique d’Innovation) dont l’un des buts est de la soutenir dans sa démarche politique décalée des pratiques conventionnelles. EPI a aujourd’hui 20 ans et poursuit cette ligne politique originale.

Sa revanche, elle la tient, en 2002. Lionel Jospin est éliminé dès le premier tour des élections présidentielles. Paulette est candidate au renouvellement de son mandat de députée. Elle sera la seule élue socialiste de Franche Comté.

Elle aura alors l’honneur suprême de présider les séances de l’Assemblée Nationale, en sa qualité de Vice-Présidente.

Dès les premiers signes de la maladie, plutôt que l’effondrement, ce fut un nouveau challenge, une nouvelle montagne à gravir, à laquelle elle s’attela. Jusqu’à l’absurde, comme dans le Mythe de Sisyphe. Cette prise de conscience entraina, chez Paulette, la révolte en même temps qu’une nouvelle forme de détermination à vivre. Ainsi en fut-il de sa présidence de la CNSA jusqu’en 2017. Vivre, jusqu’au bout, ce morceau de vie. Vivre jusqu’à l’épuisement, l’insoutenable puis reprendre sa liberté, en toute conscience, pour rester maitresse de son destin.

 

Eric Alauzet

Nous t’aimons Paulette

Ta disparition nous plonge dans un profond chagrin. Tu représentes tant pour nous. Tu nous as éclairés et émus. Tu laisses une empreinte intense chez tous ceux qui t’ont côtoyée et qui t’ont aimée. Tu as marqué ton territoire et ton temps. Ton humanisme a inspiré toute ta vie, depuis toujours, que ce soit à travers ton parcours d’infirmière au service des âmes mais aussi de toute ta vie politique exemplaire.

Avec cet ultime acte de liberté, tu as choisi la seule voie possible pour toi, celle de la dignité.

Nous t’aimons.

Pierre ALIXANT

Ma première rencontre avec Paulette correspond à mes débuts de responsable mutualiste départemental. Avec Jean NICOLAS, mon prédécesseur, nous avions sollicité un rendez-vous avec la députée pour évoquer la volonté de la Mutualité du Doubs de développer une offre au service des Personnes âgées. Paulette m’a d’emblée impressionné par son engagement territorial et son approche humaniste des sujets. Elle était parfaitement en phase avec les valeurs de la Mutualité : la solidarité, la liberté, la démocratie et la responsabilité.

Son soutien à l’action mutualiste comme à toute la filière Economie Sociale et Solidaire était indéfectible, et s’est traduit tout au long de ses mandats par une présence régulière aux événements mutualistes.

Au-delà de cet appui au mutualiste, une rencontre fortuite lors d’un déjeuner au Foyer des Oiseaux, à l’automne 2008, marque le point de départ d’une profonde amitié partagée avec nos conjoints. Ce jour-là, après les traditionnels échanges de politesses, Paulette, avec son sens inné de l’anticipation et sa clairvoyance naturelle, me présente à Denis. Elle lui indique que je représente l’institution qui pourrait lui permettre de faire avancer le dossier de l’organisation de la coupe du monde de Combiné nordique à Chaux-Neuve, et sa recherche de sponsors.

L’enjeu est de taille, puisque la Fédération Française de Ski envisage de confier à Chaux-Neuve, l’organisation de la Coupe du Monde de Combiné Nordique pour les années 2009 à 2012.

Un rendez-vous est fixé et démarre ainsi un partenariat de plusieurs années entre la Mutualité départementale et régionale, associée à la Mutuelle ADREA, et l’ASNI (Association du Site Nordique International de Chaux-Neuve) et ensuite la FFS (Fédération Française de Ski). La Mutualité Française a souhaité s’associer à cet événement qui concrétise un certain nombre de valeurs que le mouvement mutualiste s’attache à défendre et à promouvoir dans le cadre des ses interventions en prévention et promotion de la santé, et en particulier la promotion de l’activité physique chez les jeunes.

Modeste au départ, consistant en la simple fourniture d’équipements chauds pour les bénévoles, ce partenariat va s’amplifier au fil des années. Le soutien et l’empathie de Paulette auront largement contribué à la réussite de cette collaboration.

Quel bonheur, chaque année, au cœur de l’hiver, de rejoindre la maison familiale à Chaux-Neuve pour un week-end prolongé, consacré à la coupe du monde, mais aussi et surtout aux rencontres, à l’initiative de Paulette, autour d’un gouter ou d’une part de tarte avec des personnalités d’horizons extrêmement divers. Des moments de partage inoubliables.

Des échanges parfois improbables, mais tellement enrichissants, ont pu avoir eu lieu à cette occasion grâce notamment au sens des relations humaines et à l’empathie naturelle de Paulette, associée à sa modestie et à la simplicité de l’accueil, qualités largement partagées par Denis.

Et puis les soirées se prolongeaient en plus petit comité, autour d’un repas improvisé pour la préparation duquel Paulette faisait preuve de créativité. La créativité, encore une de ses qualités, qu’elle traduisait aussi bien à travers la couture, la broderie ou encore la peinture, qu’en composant des recettes de cuisine ou de pâtisserie. La recette du « fous’y tout » donnait une vraie soupe hivernale réconfortante.

Nous partagions par ailleurs avec Paulette des origines paysannes, et c’est avec bonheur que nous échangions sur des épisodes de cette vie rurale qui a sans aucun doute forgé nos caractères.

Inévitablement, nous terminions la journée par quelques parties de tarot. C’est au cours de ces soirées « tarot » que j’ai découvert une autre facette de Paulette. Il s’agit des rares occasions au cours desquelles elle pouvait se départir de sa bonhomie. Elle aimait le jeu mais ne supportait pas qu’un joueur du tour de table n’assume pas ses responsabilités et si, par hasard, elle ne pouvait remplir son contrat à raison de la faiblesse d’un de ses partenaires ou de la poltronnerie d’un adversaire, elle était capable de véritablement « sortir de ses gonds » et d’invectiver ses interlocuteurs avec des termes explicites tel que « mouille-cul ». Cette attitude lui conférait davantage d’humanité et la rendait d’autant plus attachante.

Au fil des années, la maladie a occupé une place prépondérante dans la vie de Paulette, et par répercussion de Denis, mais je veux témoigner de son courage, de sa lucidité et de son énergie. Elle conservait une volonté farouche de s’informer et d’exprimer ses convictions sur les sujets de société, au premier rang desquels les « Vieux » et leur devenir occupaient une place prépondérante.

Même dans les moments de souffrance intense, que nous ne pouvions que deviner, elle conservait sa jovialité et le respect de ses interlocuteurs. Le petit diner improvisé pour son 70ème anniversaire avec Evelyne, Joëlle, Claude et Denis nous a permis de partager des instants de franche rigolade qui, je le crois sincèrement, ont contribué à maintenir sa capacité de résistance.

Jusqu’à ses derniers instants, Paulette nous aura accueilli, avec gentillesse et bienveillance sans se départir de sa bonne humeur. Merci Paulette pour cette formidable leçon de courage et de détermination dont tu as témoigné jusque dans le choix de ta fin de vie !

Luc Allaire

Comment dire l’émotion autant que l’admiration qui m’étreignent depuis l’annonce du grand départ de Mme Guinchard ? Mme Guinchard, je ne l’ai jamais appelé autrement, ni familiarité entre nous ni protocole républicain ; c’était pour moi la seule façon de lui témoigner à la fois mon respect  pour son rayonnement, son action, les mots qui étaient les siens , et en même temps – même si ce deuxième aspect de mes sentiments était resté dans l’implicite – l’affection à la personne ; c’était donc la détacher de ce qu’elle avait été – Ministre – et de ce qu’elle était quand je travaillais avec elle – présidente du conseil d’administration de la CNSA- pour l’inscrire dans la continuité des combats qu’elle avait conduits et des valeurs qu’elle avait défendues tout au long des 4 à 5 décennies  de ses nombreux combats politiques .

Si je devais résumer en deux mots ce que Mme Guinchard donc représentait pour moi je dirais qu’elle rassemblait en elle deux qualités rarement rassemblées dans la même personne : fermeté et empathie. Fermeté des convictions et des valeurs – des convictions et des valeurs indéracinables, à supposer qu’on ait tenté de vouloir les ébranler, tant elles étaient admirables et véritablement inscrites dans les tables de la loi. Telle était sa force : rien, ni complaisance de situation  ni facilité rhétorique ne la faisait bouger.

Fermeté mais empathie : dans la discussion la plus anguleuse il n’y avait jamais l’ombre d’un haussement de voix – au pire l’esquisse d’un sourire d’incompréhension – tant ses valeurs étaient précisément notamment de respect et d’écoute. Mais cet alliage paradoxal était précisément sa force : comment résister à l’évidence rayonnante qu’elle portait en elle exprimée avec une telle douceur si bien argumentée et d’autant plus persuasive qu’elle englobait ses interlocuteurs dans son sourire ?

Ce sont ce sourire, cette douceur et cette fermeté que je garde en mémoire et qui m’accompagnent avec le souvenir des moments partagés – des politiques de l’autonomie à la CNSA, avec les équipes et le conseil d’administration, à la chaleur de l’accueil qu’avec Denis elle savait ménager dans le havre de Chaux Neuve.