Paulette, la formation et les droits des femmes
Notre Paulette, ce n’est pas que « les Vieux ». Zaza, ce n’est pas que l’APA. C’est une vie entière balisée de multiples engagements pour tous âges et tous publics. Des choix, et puis un choix …
Fille de paysans de Reugney, attachée à sa famille, à son département du Doubs et à sa région de Franche-Comté, formée par la JAC, la CFDT, le PSU, adjointe au Maire de Besançon chargée des questions d’environnement par Robert Schwint, Paulette Guinchard avait toutes les qualités pour être une responsable d’envergure nationale pour ce qui touche à l’écologie et à l’énergie. L’énergie le mot lui va bien.
C’est en faveur des personnes âgées, les VIEUX, qu’elle a le plus agi au niveau national comme Secrétaire d’Etat. La presse, les officiels ont beaucoup parlé de la Paulette députée à l’origine de l’Aide Personnalisée d’Autonomie, la fameuse APA. C’est juste et mérité, les Vieux la remercient, ceux de la région qui la connaissaient comme ceux qui ne l’avaient jamais rencontrée ; mais il convient de rappeler aussi deux points peut-être moins connus de son action : emploi-formation et droit des femmes.
- La Formation des jeunes, des femmes, l’aide à l’emploi.
Dans les années 1990, l’auteur de ces lignes était employé par l’État et le Conseil régional de Franche-Comté pour diriger une association régionale (CIFP puis Cedre Franche-Comté, aujourd’hui le GIP Empfor de la région Bourgogne Franche-Comté). Cette structure financée dans le cadre des contrats de plan successifs État-Région était chargée de l’Information sur la formation professionnelle, de l’Observatoire emploi-formation, de promotion de l’apprentissage notamment par le biais des Olympiades des métiers, des ressources pédagogiques multimédia, plus tard de l’Amélioration des conditions de travail et enfin d’une Mission d’information régionale sur l’exclusion.
Sans offenser quiconque tant ces domaines sont riches et complexes, abondants de structures, de sigles et jargons pour initiés, il est permis de signaler que lors des séances du Conseil régional de Franche-Comté et du travail en commissions, il y avait peu d’élus qui s’intéressaient aux questions d’apprentissage et de formation des jeunes, à la formation des salariés et des personnes en recherche d’emploi. Raison de plus pour évoquer deux élus qui étaient particulièrement attentifs, compétents et convaincants : un homme de droite Jean-Claude Duverget qui, bien que proviseur de lycée ne plaidait pas que la cause des Greta de l’Éducation nationale et une femme de gauche Paulette Guinchard qui, forte de son expérience personnelle et de ses diagnostics pertinents, avait fondé :
- un organisme de formation surtout destiné aux femmes : Safran où elle donnait des cours
- une structure Femmes coup de main, une association intermédiaire multi services pour favoriser leur mise au travail.
L’action de Paulette a été absolument capitale pour la préparation, la mise en place et le développement de la Mire ou Mission d’Information Régionale sur l’Exclusion.
Pour briser le ton techno des précédents paragraphes, ton dont Paulette n’était pas coutumière elle qui pourtant connaissait parfaitement ses dossiers, les services, les personnes de tous grades, je me fais le plaisir d’évoquer des souvenirs personnels.
Lors des séances plénières du Conseil régional, pendant les débats ou lors des suspensions de séance, Paulette quittait parfois son fauteuil et les rangs des élus pour venir vers moi au fond de la salle. Elle précisait un élément de sa précédente ou future intervention, cherchait un renseignement précis, sollicitait un avis, tout cela de façon fort modeste comme quelqu’un qui veut corriger un point, mieux comprendre et toujours apprendre, « se former tout au long de sa vie » pour des mandats utiles.
Lorsqu’elle préparait des projets ambitieux, novateurs, qu’elle aurait à défendre contre des pesanteurs, Paulette n’hésitait pas à « faire le tour des popotes » pour ne pas dire « le tour des potes ». C’était alors un long rendez-vous de travail, de préférence en tête-à-tête, dans un bureau au calme. Tous les éléments à réfléchir et structurer reposaient sur des faits précis, des rencontres, des échanges avec des personnes bien vivantes. « Tu connais X ou Y, tu crois que ce serait utile de le voir, de la rencontrer ? » Elle connaissait évidemment la personne bien mieux que moi, en direct ou par ouï-dire, la réponse n’était pas utile. Elle y avait songé, donc elle savait que la rencontre aurait lieu.
Un jour lors du repas au Conseil régional entre la séance du matin et celle de l’après-midi. Un peu loin de la table d’honneur où déjeunent plutôt président, vice-présidents et hauts fonctionnaires, une table ronde un peu éloignée avec un ou deux agents et un élu esseulé – M. René M. est membre du Front National – « Viens, me dit Zaza, on ne va pas le laisser seul et je sais qu’il est moins méchant et obtus que l’étiquette de son parti ne le laisse paraître. » Nous nous installons donc et s’instaure alors une écoute chaleureuse et un dialogue exigeant où s’échangeaient de vrais arguments et de réelles expériences. Si Paulette ne m’avait pas entraîné, j’aurais manqué une vraie rencontre par peur de l’affrontement et du qu’en-dira-t-on. Pour la petite histoire cet élu a eu tôt fait de quitter son parti. Quel flair, notre Paulette !
- Le Droit des femmes.
Paulette a soutenu la cause des femmes, le Droit des femmes, l’association régionale CRIDF puis les associations départementales des CIDF. Le cercle des copines Janie, Marie-Guite, Paulette, Danièle, Geneviève, Colette (et bien d’autres avec elles) bossait, faisait avancer la cause, tentait par exemple d’amener les filles vers les métiers industriels afin qu’elles proclament avec fierté » Mon métier, c’est ma liberté ! » Un concours sur ce thème précis eut une audience régionale et au-delà. On vit un jour (j’ose l’écrire) d’élégantes demoiselles issues d’une formation technique venir à la Préfecture, brandissant une lourde pièce de métal qu’elles avaient usinée et qui représentait le symbole féminin de Vénus : ♀
Lors de la même cérémonie, Madame Yvette Roudy, Ministre des Droits de la femme de 1981 à 1986, décorait d’un insigne nouveau de son ministère le préfet Jean Amet, Préfet de la Région Franche-Comté, préfet du Doubs de 1981 à 1985.
Au CRIDF, les hommes étaient bienvenus, à condition de bosser et non de parader. J’avais fait la rencontre du CRIDF, de ses militantes salariées ou administratrices, de façon toute naturelle. Le Centre où j’étais passé de formateur à directeur comptait une section agricole et administrative, une section sociale, une section paramédicale et une section industrielle.
Dans le cadre de la promotion sociale pour des personnes âgées de 18 à 40 ans dotées d’expériences professionnelles variées, il s’agissait, en 9 mois de cours intenses à raison de 40 h par semaine plus le travail personnel et avec des stages pratiques en entreprises, d’opérer des mises à niveau pour que les stagiaires puissent passer des concours d’entrée dans les écoles professionnelles afin d’atteindre des diplômes professionnels de niveaux IV et III.
Les deux tiers des stagiaires étaient des femmes, il y avait donc lieu de sonner à la porte du CRIDF pour se connaître et coopérer. Il importait que les stagiaires connaissent cette association qui dirait leurs droits et le modus operandi en cas de coup dur.
Lors de ces actions, dans la vie professionnelle et associative, j’ai eu le plaisir de rencontrer des gens de tous milieux et de toutes origines, des ouvriers et des ruraux, des bourgeois et des prolétaires, des illettrés, des analphabètes et des savants, des manuels et des intellectuels, des hommes, des femmes, des artistes et des poètes … et puis Paulette.
Adieu Zaza !
Pudique à Paris, grâce à Zaza.
« Une épingle de sûreté ou épingle à nourrice ou épingle de nourrice est un petit objet utilisé pour attacher ensemble des pièces de tissu d’une manière rapide et temporaire.
Ces épingles sont généralement en métal, en nickel pour les argentées, voire en laiton pour les dorées.
Si leurs formes, tailles et couleurs peuvent varier, les épingles de sûreté sont la plupart du temps montées sur un petit ressort et leur extrémité piquante est protégée par un capuchon.
Leur caractère de sûreté provient de ce que l’extrémité piquante est protégée par un capuchon, ce qui réduit presque totalement le risque de blessure, à l’inverse de l’épingle ordinaire ; d’autre part la précision des gestes que requiert son ouverture limite les risques qu’elle se produise par accident. »
Merci qui ? Merci Wiki !
Sans remonter aux antiques fibules romaines datant du Vème siècle avant J-C, je veux évoquer ici comment un trésor puisé un jour des années 1990 dans le sac à main de Zaza parvint à sauver ma pudeur et ma journée de réunion parisienne.
La scène se passe de grand matin dans le TGV qui partait de la gare Viotte de Besançon, s’arrêtait quatre minutes en gare de Dijon-Ville, deux minutes à Montbard et débarquait à 8 h 43 à Paris gare de Lyon un flot de provinciaux pressés de s’engouffrer dans un métro pour ensuite vivre ou subir une journée de réunion dans une petite salle en sous-sol d’une institution nationale, donc parisienne.
Première remarque : nous, gens de province, mettions un point d’honneur pour arriver tôt et être les premiers pour la rencontre qui débutait à 9 heures et s’achevait à 17 h 30 ou 18 heures. Les collègues et homologues parisiens se pointaient allègrement à 10 heures en s’excusant du bout des lèvres, au prétexte qu’ils avaient eu des embouteillages ou un quelconque appel du Ministère ou du Cabinet et nous quittaient dès 16 heures en prévision des bouchons du soir.
Deuxième remarque : dans le TGV, il était certes possible de lire, de travailler, mais de se détendre aussi et surtout de retrouver des collègues, des homologues, des amies et amis.
Dans la même voiture, une ou deux fois par mois, je retrouvais une amie dijonnaise qui embarquait à Dijon et descendait comme chaque jour ouvré à Montbard pour exercer ses talents professionnels à Métal-Déployé. Passé le lac Kir et les viaducs de Velars-sur-Ouche, nous avions coutume de nous retrouver à la voiture bar pour siroter un café et échanger des nouvelles sous le tunnel de Blaisy ou du côté de Les Laumes-Alésia. L’amie quittée, le café bu, un arrêt technique aux toilettes s’imposait avant que – sur la ligne à grande vitesse – la capitale ne s’approchât trop vite et que lesdites toilettes ne fussent prises d’assaut par les attachés cases et autres costard-cravate.
La routine, vous dis-je, sauf que là, catastrophe, impossible de refermer mon pantalon : le zip avait lâché. Le temps d’un éclair, la fermeture Eclair® avait fait long feu. Je me trouvais tout bête, en perdition, mon futal de même, un peu comme une motrice dont le pantographe aurait quitté brusquement la caténaire (les copains cheminots comprendront).
A la gare Viotte, j’avais fort heureusement repéré quelques têtes connues. Pas question d’aller conter la mésaventure au premier mâle venu, qu’il soit un syndicaliste professionnel (détaché, forcément détaché), une huile de la Chambre de Métiers, un formateur de l’Afpa, un collaborateur du Recteur ou de l’Archevêque. Par bonheur deux copines étaient là qui, elles aussi, venaient travailler à Paris pour un jour ou davantage : l’une était conseillère régionale, Maire de Chemaudin et présidente du CRIDF ; l’autre était Députée du Doubs à l’Assemblée Nationale. Vous avez évidemment reconnu Geneviève Vacheret et Paulette Guinchard. A elles et à elles seules, je pouvais conter mon aventure. D’elles seules, je pouvais espérer un soutien, un conseil, une solution.
» Si tu fermes bien ta veste, ça ne se verra pas trop « , me dit l’une, sans avoir omis de ricaner et de gentiment se gausser.
» Evidemment, tu n’as pas de quoi te changer puisque tu fais l’aller-retour dans la journée « , ajoute l’autre, après avoir émis quelque leste allusion.
» Bon, c’est pas le tout, reprend Zaza, je vais voir ce que j’ai là-dedans ! «
Elle ouvre alors son sac, en sort des crayons, des dossiers, des mouchoirs, des trésors et puis, tout au fond, un petite épingle à nourrice, dorée, en laiton.
Pour la description précise et l’usage que j’en fis, le lecteur attentif se reportera au premier paragraphe.
C’est ainsi que – grâce à Zaza – il me fut possible de demeurer présentable, pudique et dûment épinglé à Paris.